Entre coobligés fautifs, la contribution à la dette a lieu en proportion de la gravité des fautes respectives

 

Cour de cassation - Chambre civile 2

  • N° de pourvoi : 23-18.266
  • ECLI:FR:CCASS:2025:C201111
  • Non publié au bulletin
  • Solution : Cassation partielle sans renvoi

Audience publique du jeudi 06 novembre 2025

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, du 10 mai 2023

Président

Mme Martinel (présidente)

Avocat(s)

SARL Cabinet Munier-Apaire, SARL Cabinet Rousseau et Tapie, SARL Le Prado - Gilbert, SCP Célice, Texidor, Périer

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

EO1



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 6 novembre 2025




Cassation partielle sans renvoi


Mme MARTINEL, présidente



Arrêt n° 1111 F-D

Pourvoi n° E 23-18.266




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 NOVEMBRE 2025

L'Institut polaire français [10], groupement d'intérêt public, dont le siège est [Adresse 7], a formé le pourvoi n° E 23-18.266 contre l'arrêt rendu le 10 mai 2023 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [T] [U],

2°/ à Mme [O] [U],

3°/ à Mme [Y] [U],

4°/ à M. [K] [U],

5°/ à M. [D] [U],

tous les cinq domiciliés [Adresse 4],

6°/ à la société CMA CGM, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6],

7°/ au Territoire d'Outre-Mer Terres Australes et Antarctiques Françaises, dont le siège est [Adresse 9],

8°/ à la société CMA Ships, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 6],

9°/ à la société MED II, groupement d'intérêt économique, dont le siège est [Adresse 3],

10°/ au préfet du Finistère, domicilié [Adresse 5],

11°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère, dont le siège est [Adresse 2],

12°/ à la chambre de commerce et d'industrie métropolitaine de Bretagne Ouest, établissement public, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Les sociétés CMA CGM et CMA Ships, et la collectivité Le Territoire d'Outre-Mer Terres Australes et Antarctiques Françaises ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.

Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Salomon, conseillère, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de l'Institut polaire français [10], de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la chambre de commerce et d'industrie métropolitaine de Bretagne Ouest, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de MM. [T], [K] et [D] [U], et de Mmes [O] et [Y] [U], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société CMA CGM, du Territoire d'Outre-Mer Terres Australes et Antarctiques Françaises et de la société CMA Ships, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 septembre 2025 où étaient présentes Mme Martinel, présidente, Mme Salomon, conseillère rapporteure, Mme Isola, conseillère doyenne, et Mme Cathala, greffière de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée de la présidente et des conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Reprise d'instance

1. Il est donné acte à l'Institut [10] de sa reprise d'instance à l'égard d'[D] [U], devenu majeur.

Désistement partiel

2. Il est donné acte à l'Institut [10] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le GIE MED II.

Faits et procédure

3. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 10 mai 2023), le 30 mai 2013, lors d'une sortie scolaire de visite du navire le « Marion Dufresne », M. [T] [U], alors mineur, a été grièvement blessé par une coupée qui avait été installée par l'équipage pour monter à bord.

4. Le navire fait l'objet d'un contrat d'affrètement à temps entre la société CMA CGM et les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) et est sous-affrété à temps par les TAAF à l'Institut [10] ([8]).

5. Pendant cette sortie scolaire, les enfants étaient encadrés par leur professeur principal, une aide de vie scolaire et deux préposés de [8].

6. M. [T] [U], M. [K] [U] et Mme [O] [U], pris tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de représentant légal de leurs enfants mineurs [Y] et [D] [U], ont saisi un tribunal de grande instance en indemnisation. La caisse primaire d'assurance maladie du Finistère est intervenue volontairement à l'instance.

Examen des moyens

Sur les premiers moyens du pourvoi principal, formé par [8] et du pourvoi incident, formé par la société CMA CGM

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.



Sur le second moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

8. La société CMA CGM fait grief à l'arrêt de condamner [8] et le préfet du Finistère, respectivement, à ne la garantir des condamnations mises à sa charge qu'à hauteur de 50 % chacun, alors « qu'un coauteur, responsable d'un accident sur le fondement de l'article 1242, alinéa 1er, du code civil, peut recourir pour le tout contre un coauteur fautif ; qu'en condamnant [8] et le préfet du Finistère, coauteurs fautifs, à ne garantir la société CMA CGM des condamnations mises à sa charge en sa qualité de gardien de la chose non fautif, qu'à hauteur de 50 % chacun et non pas pour le tout chacun, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

9. Il résulte de l'article 1214 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, qu'un codébiteur d'une obligation in solidum ne peut être condamné, sur le recours d'un coobligé, que pour ses part et portion.

10. La cour d'appel, qui a condamné in solidum la société CMA CGM en sa qualité de gardien de la coupée, instrument du dommage, d'une part, [8] et le préfet du Finistère en raison des différents manquements relevés au titre de la surveillance et de l'encadrement des enfants, d'autre part, et a estimé que, les fautes commises étant d'égale importance, il y avait lieu, dans leurs rapports contributifs, de répartir par parts égales la charge de l'indemnisation entre les coauteurs fautifs, a décidé à bon droit que [8] et le préfet du Finistère devaient chacun garantir la société CMA CGM à hauteur de 50 % des condamnations mises à sa charge.

11. Le moyen n'est dès, lors pas, fondé.

Mais sur le second moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

12. [8] fait grief à l'arrêt de le condamner à garantir le préfet du Finistère à hauteur de 50 % des condamnations mises à sa charge, alors « que la contribution à la dette a lieu en proportion des fautes respectives ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que "les différents manquements relevés au titre de la surveillance et de l'encadrement des enfants à l'origine du dommage causé au jeune [T] [U] justifient que la responsabilité de [8] soit fixée à 50 % et celle de M. Le Préfet du Finistère à 50 %" ; qu'en condamnant néanmoins l'Institut [10] à garantir la société CMA CGM à hauteur de 50 % des condamnations mises à sa charge puis à garantir M. le Préfet du Finistère à hauteur de 50 % des condamnations mises à sa charge, le condamnant ainsi à supporter la charge finale de 75 % des condamnations, la cour d'appel a violé les articles 1240 et 1242 alinéa 5 du code civil. »

Réponse de la Cour

13. Vu l'article 1214 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

14. Le juge, saisi d'un recours exercé par une partie condamnée in solidum, à l'encontre d'un de ses coobligés, est tenu de statuer sur la contribution de chacun d'eux à la totalité de la dette. Entre coobligés fautifs, la contribution à la dette a lieu en proportion de la gravité des fautes respectives.

15. L'arrêt retient que les différents manquements relevés au titre de la surveillance et de l'encadrement des enfants à l'origine du dommage causé à M. [T] [U] justifient que la responsabilité de [8] soit fixée à 50 % et celle du préfet à 50 %. Il ajoute qu'il fait droit à la demande de garantie formée par le préfet contre [8] à hauteur de 50 % des condamnations prononcées contre lui et relève qu'aucune demande de garantie n'est présentée par [8] contre le préfet.

16. Dans son dispositif, l'arrêt condamne [8] à garantir le préfet à hauteur de 50 % des condamnations mises à sa charge.

17. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

18. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

19. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

20. Il convient, dans le dispositif de l'arrêt, de répartir par parts égales la charge de l'indemnisation entre les coauteurs fautifs et de condamner [8] à garantir le préfet du Finistère à hauteur de 50 % des indemnisations allouées.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne [8] à garantir le préfet du Finistère à hauteur de 50 % des condamnations mises à sa charge, l'arrêt rendu le 10 mai 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit que l'Institut [10] et le préfet du Finistère supporteront chacun pour moitié la charge de l'indemnisation ;

Condamne [8] à garantir le préfet du Finistère à hauteur de 50 % des indemnisations allouées ;

Condamne le préfet du Finistère aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le six novembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C201111

Publié par ALBERT CASTON à 16:12  

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