Il incombe au juge d'évaluer le préjudice à la date à laquelle il rend sa décision

 

Cour de cassation - Chambre civile 2

  • N° de pourvoi : 24-14.372
  • ECLI:FR:CCASS:2025:C201342
  • Non publié au bulletin
  • Solution : Cassation partielle

Audience publique du jeudi 18 décembre 2025

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, du 18 janvier 2024

Président

Mme Martinel (présidente)

Avocat(s)

SARL Le Prado - Gilbert, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CH10



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 18 décembre 2025




Cassation partielle


Mme MARTINEL, présidente



Arrêt n° 1342 F-D

Pourvoi n° T 24-14.372




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 18 DÉCEMBRE 2025

1°/ M. [T] [V],

2°/ Mme [R] [E], épouse [V],

3°/ Mme [X] [V],

4°/ M. [M] [V],

tous quatre domiciliés [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° T 24-14.372 contre l'arrêt rendu le 18 janvier 2024 par la cour d'appel de Douai (3e chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à la société MMA IARD,

2°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, venant aux droits et obligations de la société Azur Assurances,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 1],

3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie, dont le siège est [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, quatre moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Cassignard, conseillère, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de MM. [T] et [M] [V], et de Mmes [R] et [X] [V], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 novembre 2025 où étaient présentes Mme Martinel, présidente, Mme Cassignard, conseillère rapporteure, Mme Isola, conseillère doyenne, et Mme Cathala, greffière de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée de la présidente et des conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 18 janvier 2024), M. [V], cyclomotoriste, a été victime le 30 septembre 2006 d'un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré par la société MMA IARD (l'assureur).

2. Après une expertise amiable, l'assureur a présenté une offre d'indemnisation que la victime a refusée. M. [V], son épouse et ses enfants (les consorts [V]) ont assigné l'assureur, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de Lille, devant un tribunal judiciaire en réparation de leurs préjudices.

3. La société MMA IARD assurances mutuelles est intervenue volontairement à l'instance.

Examen des moyens

Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

5. Les consorts [V] font grief à l'arrêt de limiter le poste de préjudice lié à la perte de gains professionnels futurs à la somme de 642 231,99 euros alors « qu'en application du principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime, il incombe au juge d'évaluer le préjudice à la date à laquelle il rend sa décision ; que le préjudice économique subi par la victime doit être évalué au jour de la décision qui le fixe en tenant compte de tous les éléments connus à cette date et les juges du fond doivent procéder, si elle est demandée, à l'actualisation, au jour de leur décision, de l'indemnité allouée en réparation de ce préjudice en fonction de la dépréciation monétaire ; que, pour fixer le montant des dommages-intérêts dus au titre de la perte de gains professionnels futurs autant pour la période des arrérages échus que celle des arrérages à échoir, la cour d'appel a pris pour base le revenu annuel net moyen de M. [V] de 2010 à 2016 (soit 31 554,66 euros) ; qu'en statuant ainsi, sans se fonder sur le salaire auquel la victime aurait eu droit au jour de sa décision en l'absence d'accident, alors que M. [V] avait sollicité l'actualisation de son salaire, la cour d'appel a violé le principe susvisé, ensemble l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985. »

Réponse de la Cour

Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

6. En application de ce principe, il incombe au juge d'évaluer le préjudice à la date à laquelle il rend sa décision.

7. Pour calculer les pertes de gains professionnels futurs échus et à échoir, l'arrêt retient un salaire annuel de référence de 31 554,66 euros, correspondant au revenu annuel net moyen de M. [V] de 2010 à 2016, et écarte la demande d'application d'un coefficient annuel de progression égal à 1,028.

8. En statuant ainsi, sans se fonder sur le salaire auquel la victime aurait eu droit au jour de la décision, alors que celle-ci en avait sollicité l'actualisation, la cour d'appel a violé le principe susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

9. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt condamnant in solidum les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles à payer à M. [V] la somme de 642 231,99 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs entraîne la cassation des chefs de dispositif condamnant in solidum les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles à payer les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur la somme de 3 207 761,49 euros du 31 mai 2007 jusqu'au jour où l'arrêt deviendra définitif et ordonnant la capitalisation des intérêts au double du taux légal échus, dus pour au moins une année entière, à compter du 16 juillet 2015, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

10. En revanche, la cassation du chef de dispositif condamnant in solidum les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles à payer à M. [V] la somme de 642 231,99 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant in solidum les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par des dispositions de l'arrêt non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne in solidum les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles à payer à M. [V] la somme de 642 231,99 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs, condamne in solidum les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles à payer les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur la somme de 3 207 761,49 euros du 31 mai 2007 jusqu'au jour où l'arrêt deviendra définitif et ordonne la capitalisation des intérêts au double du taux de l'intérêt légal échus, dus pour au moins une année entière, à compter du 16 juillet 2015, l'arrêt rendu le 18 janvier 2024, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée ;

Condamne les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, et les condamne à payer à M. [T] [V] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le dix-huit décembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C201342

Publié par ALBERT CASTON à 15:52  

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