Tout comme le titre de séjour pour les parents d’enfant français, celui pour les conjoints de français (L. 313-11 4° du CESEDA) est très avantageux pour ceux qui peuvent en bénéficier.

Il permet de déroger à l’obligation de visa préalable même pour une personne qui est déjà sur le territoire français car la préfecture est tenue d’instruire la demande de visa en même temps que celle de titre de séjour pour conjoint de français. Ça ne veut pas dire forcément qu’elle le fera, il arrive encore souvent que l’agent du guichet refuse de prendre le dossier ou menace le demandeur en lui disant qu’il n’a aucune chance d’obtenir son titre et qu’il doit retourner dans son pays pour obtenir un visa.

Déjà, et c’est une information qui est valable en toutes circonstances et dans toutes les préfectures, ce ne sont pas les personnes du guichet qui instruisent les dossiers de demande. Par conséquent, leur opinion et la qualité de leur analyse juridique d’un dossier n’ont pas à être prises en compte. Si l’agent refuse d’enregistrer le dossier (ce qui arrive) il est possible de déclencher une procédure devant le Tribunal administratif pour refus d’enregistrement. C’est plus long qu’une procédure classique avec OQTF mais ça permet de faire avancer les choses. Et il y a même possibilité d’obtenir une injonction de délivrance de titre (je reviendrai sur cela  dans un prochain article).

Outre cette obligation de visa qui peut être contournée (à condition que la personne soit entrée de manière régulière sur le territoire), il faudra prouver la communauté de vie sur une période de 6 mois avant ou après le mariage. Il n’est donc pas nécessaire d’attendre 6 mois après le mariage pour demander un titre de séjour en qualité de conjoint de français. Si les deux personnes peuvent prouver que la communauté de vie existe déjà depuis 6 mois au moment de faire la demande, peu importe que le mariage soit plus récent.

Mais toute la subtilité de la qualité de conjoint de français se situe plus loin dans le parcours du ressortissant étranger (sorte de double effet kiss cool du droit de l’immigration). En effet, à chaque fois que le titre de séjour doit être renouvelé, la préfecture vérifie si la communauté de vie est encore d’actualité. Ce qui veut dire que le ressortissant étranger est  prisonnier. Tous les couples mariés ne divorcent pas du jour au lendemain et c’est heureux. Mais pour certains, la situation peut vite se dégrader.

Dans un dossier en cours au cabinet, la ressortissante étrangère s’est vue refuser le renouvellement de son titre de séjour car la communauté de vie avait cessé. En effet, elle faisait l’objet de violence de la part de son mari et a déposé plusieurs mains courantes au commissariat. A ce titre, la loi prévoit qu’une personne mariée avec un français et qui fait l’objet de violences conjugales doit pouvoir obtenir le renouvellement de son titre de séjour même si la communauté de vie a cessé (article L. 313-12 du CESEDA).

Mais ça c’est la théorie. Car le Conseil d’État est venu ajouter sa pierre à l’édifice et a clairement vidé d’une grande partie de sa substance cette disposition en estimant que le Préfet n’avait pas à renouveler le titre automatiquement et qu’il lui appartenait d’apprécier au cas par cas.

Comme vous vous en doutez bien, même avec des mains courantes et des attestations de proche, on trouve facilement des préfectures qui estiment que cet article n’a pas à s’appliquer.

Autre précision jurisprudentielle, il faut que ce soit le ressortissant étranger qui quitte le domicile conjugal. Parce que s’il se fait taper dessus par son conjoint français et que c’est celui-ci qui part du domicile, et bien le préfet n’a pas à tenir compte de la possibilité de renouveler le titre de séjour du ressortissant étranger.

L’autre problème majeur, c’est qu’une personne venue en France dans le cadre de ce type de séjour est extrêmement précaire pendant les premières années : il lui sera bien difficile d’obtenir un autre titre de séjour sur un autre fondement du CESEDA car ses attaches en France seront jugées comme trop récentes. Sur la vie privée et familiale et si elle n’a pas d’autres attaches familiales en France ça sera un refus. Pour ce qui est du travail, la DIRECCTE ne manquera pas d’opposer la situation de l’emploi en cas de changement de statut. Reste la possibilité du titre de séjour « étudiant » si cela est possible ou parent d’enfant français s’il participe à l’entretien de l’enfant.

Bref sous l’aspect d’être d’une certaine manière privilégié, il n’en reste pas moins que la précarité du statut se fait sentir lors du renouvellement et non pas lors de l’obtention du titre en lui-même. La loi de mars 2016 qui créé les cartes pluriannuelles ne devrait pas changer la donne car si le régime de la carte pluriannuelle est de 4 ans, il ne sera que de deux ans pour les conjoints de français.

Prochain article : les traités bilatéraux et leur importance en droit des étrangers.

Et bonne rentrée à tous !

 

http://gillioen-avocat.com/archives/246-le-conjoint-de-francais-et-la-difficulte-du-renouvellement-de-titre-de-sejour