La SAFER est parfois confrontée à des opérations qui peuvent donner l'impression que leurs auteurs ont cherché à contourner son droit de préemption.

Elle cherchera alors à faire annuler le "montage" sur le fondement de la fraude.

En premier lieu, il convient de rappeler que la fraude ne se présume pas. Ainsi, il appartiendra à la SAFER d'en démontrer l’existence, c'est-à-dire à la fois l’élément matériel  et l’élément intentionnel de la fraude invoquée (Pour un exemple de fraude non démontrée : Cass. 3° civ., 9 juin 2016, n° 15-17.562).

C'est ainsi qu'une opération ayant pour objet la constitution d'un Groupement Foncier Agricole (GFA) par apport dans un premier temps d'une fraction indivise des terres (en l'espèce un peu plus de 21 ha) et, dans un second temps, de la fraction indivise restante, a fait l'objet d'une contestation par la SAFER.

Sur la notification faite à la SAFER de cette seconde mutation, cette dernière décide d'exercer son droit de préemption pour la pleine-propriété des parcelles apportées.

Malgré cette décision notifiée au notaire, l'apport de la seconde fraction indivise est réalisé par acte authentique.

En suite de quoi, la SAFER fait assigner devant le Tribunal judiciaire l'apporteur ainsi que le GFA aux fins d'annulation de l'acte constitutif du GFA et des actes d'apport des parcelles à ce groupement.

Toutefois, cette action a été initiée plus de 6 mois après que la SAFER ait eu connaissance du premier acte d'apport, par sa publication au Fichier immobilier. Or, l'article L 143-8 du Code rural et de la pêche maritime oblige à respecter le délai de 6 mois à compter de la connaissance de la date de l'aliénation (délai spécial).

De sorte que le juge de la mise en état a déclaré la demande d'annulation du premier apport irrecevable, anéantissant l'action initiée par la SAFER.

La SAFER relève appel de cette décision.

Constatant que ce conteste la SAFER ce n'est pas le manquement à l'obligation d'information due à son égard, mais le "montage" invoqué comme frauduleux qui couvre les deux apports faits au GFA, la Cour d'appel considère que le délai spécial de 6 mois ne s'applique pas et qu'il faut recourir aux dispositions de l'article 2224 du Code civil qui prévoient que les actions mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu (ou aurait dû connaître) les faits lui permettant de l'exercer. Elle considère donc recevable la demande d'annulation du premier acte d'apport comme n'étant pas prescrite (Cour d'appel de PAU, 1ère chambre, 14 mai 2025, n° 24/02601).

Cette décision ne préjuge pas, bien sûr, de la décision au fond, mais elle rappelle la distinction à faire entre le délai spécial applicable aux cas de non-respect des modalités d'exercice du droit de préemption de la SAFER et le délai général qui concerne les autres situations, et notamment les cas de fraude.