CA AIX-EN-PROVENCE, 07 avril 2023, RG n° 19/10653 *

Par cet arrêt, dont l'infographie synthétique est téléchargeable, la Cour d'appel d’AIX-EN-PROVENCE revient sur la distinction subtile entre le temps d’astreinte et la notion de temps de travail effectif.

Au cas d’espèce, un salarié a été engagé, le 01er décembre 2013, en qualité d'ouvrier nettoyeur spécialisé. Il avait notamment pour mission de procéder au nettoyage à bord des TGV. Entre chaque TGV, il était contraint d’attendre à la gare le départ du prochain train, période cours de laquelle il avait pour instruction de devoir rester joignable et rester en uniforme.

A l'issue de la rupture de son contrat de travail, il a saisi les juridictions prud'homales en vue de réclamer des heures supplémentaires.

En la matière, on rappellera la définition du temps de travail effectif donnée par l’article L. 3121-1 du code du travail : « La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ».

Au contraire, l’astreinte est définie, selon l’article L. 3121-9 du même code, « comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise ».

La Cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE rappelle la différence fondamentale entre ces deux notions : il convient de rechercher la situation dans laquelle se trouve le salarié, la distinction s'opérant sur la possibilité ou non, pour lui, de vaquer à ses obligations personnelles lorsqu'il n'est pas appelé à intervenir.

La qualification de temps de travail effectif doit être écartée dès lors que la nature de la sujétion qui était imposée au salarié lui permettait de vaquer à ses occupations personnelles.

A titre d’illustration, constitue une période d’astreinte et non de temps de travail effectif la sujétion imposée au salarié de se tenir, durant des permanences de nuit, dans une chambre privative mise à disposition au sein de l'établissement de son employeur, afin d'être en mesure d'intervenir en cas d'urgence, dès lors que cela ne l'empêchait pas de vaquer à des occupations personnelles (Cass. soc., 01er juillet 2020, n° 18-21.792).

Au contraire, les astreintes doivent être requalifiées en temps de travail effectif si les contraintes imposées au salarié sont d’une intensité telle qu'elles avaient affecté, objectivement et très significativement, sa faculté de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels n'étaient pas sollicités et de vaquer à des occupations personnelles (Cass. soc., 26 octobre 2022, n° 21-14.178).

Au cas présent, le salarié se fondait sur deux notes de service qui indiquaient qu’il devait rester joignable et garder son uniforme à tout moment de la journée, même durant les temps d'attente entre deux trains.

Cependant, pour la Cour d’appel, il ne ressort pas de ces seuls éléments que le salarié avait été soumis, au cours des périodes d'attente entre deux trains, à des contraintes d'une intensité telle qu'elles avaient affecté, objectivement et très significativement, sa faculté de gérer librement au cours de cette période, le temps pendant lequel ses services professionnels n'étaient pas sollicités et de vaquer à des occupations personnelles.

Le fait de devoir répondre aux appels de l'employeur sous peine, le cas échéant, d'avertissement, et en tenue de travail, n’empêchait pas le salarié de vaquer librement à ses occupations personnelles.

Dès lors, elle rejette sa demande visant à requalifier en heures de travail effectif les temps d’attente à la gare et de leur prise en compte dans le calcul des heures supplémentaires.
 

Florent LABRUGERE

Avocat au Barreau de LYON en droit du travail et droit de la sécurité sociale

https://www.labrugere-avocat-lyon.fr/


N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.