Un auditeur interne de la société Chanel est licencié pour avoir volontairement dissimulé, d’une part, à son employeur le fait qu’il était en couple avec Mme [T], d’autre part, à l’équipe avec laquelle il travaillait, que celle-ci était une ancienne salariée de Chanel, indiquant faussement qu’elle travaillait auparavant pour Hermès puis faisant comprendre à une salariée, à qui il s’était confié, qu’il ne souhaitait pas que cela se sache.

La Cour d’appel de Versailles avait validé le licenciement.

Suite au pourvoi du salarié, la Cour de cassation censure la Cour d’appel de Versailles (Cour de cassation 10 décembre 2025, n° 24-17.316).

Au visa des articles 2 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789, 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, 9 du Code civil, L1121-1, L1331-1, L1232-1 et L1235-1 du Code du travail, la Cour de cassation affirme qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.

Le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de sa vie privée.

L’employeur ne peut dès lors, sans violation de cette liberté fondamentale, obliger ses salariés à lui communiquer des informations sur leur situation familiale.

Doit être cassé l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles qui déboute le salarié, licencié pour avoir dissimulé, à son employeur et à l’équipe avec laquelle il travaillait, le fait qu’il était en couple avec une ancienne salariée de la société, de sa demande de nullité de ce licenciement pour violation du droit au respect de sa vie privée, sans constater que sa situation matrimoniale était en rapport avec ses fonctions et susceptible d’influer sur leur exercice au détriment de l’intérêt de l’entreprise, alors que l’existence d’un différend judiciaire entre son épouse, ancienne salariée de l’entreprise, et l’employeur, ne suffisait pas à caractériser l’existence d’un conflit d’intérêts, tel que défini par la charte applicable dans l’entreprise, ce dont il résultait que le salarié n’était pas tenu, peu important la clause de son contrat de travail l’obligeant à faire connaître tout changement intervenu dans sa situation familiale, d’informer son employeur de sa situation matrimoniale.

C’est ce qu’affirme la Cour de cassation dans un arrêt du 10 décembre 2025 (24-17.316) publié au bulletin.

Cette solution doit être approuvée.

1) Analyse.

Dans cet arrêt du 10 décembre 2025, publié au bulletin, la Cour de cassation réaffirme, de façon majestueuse, le droit du salarié au respect de sa vie privée au temps et au lieu de travail.

L’arrêt est rendu au visa de sept textes :

  • L’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 ;
  • L’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
  • L’article 9 du Code civil ;
  • Les articles L1121-1, L1331-1, L1232-1 et L1235-1 du Code du travail.

L’affaire se passe dans le secteur de l’ultra luxe.

Un auditeur de la société Chanel est licencié pour avoir volontairement dissimulé :

  • d’une part, à son employeur le fait qu’il était en couple avec Mme [T],
  • d’autre part, à l’équipe avec laquelle il travaillait, que celle-ci était une ancienne salariée de Chanel, indiquant faussement qu’elle travaillait auparavant pour Hermès puis faisant comprendre à une salariée, à qui il s’était confié, qu’il ne souhaitait pas que cela se sache.

    Pour valider le licenciement de l’auditeur interne, la Cour d’appel de Versailles avait motivé sa décision comme suit :

1- Ce n’est pas tant le fait de mentir qui est reproché à l’auditeur mais la finalité du mensonge et sa nature professionnelle à savoir cacher à son employeur la situation d’un risque de conflit d’intérêts en ne déclarant pas son lien matrimonial avec Mme [T] ;

2- La dissimulation était, d’une part, contraire aux engagements contractuels souscrits par le salarié, à savoir faire connaître tout changement intervenu dans sa situation familiale, d’autre part, une violation des règles éthiques applicables au sein de cette société dont le respect est particulièrement essentiel pour les salariés occupant des responsabilités telles que celles de l’intéressé ;

3- Le salarié aurait dû informer son employeur d’un risque possible de conflit d’intérêts du fait de son lien matrimonial avec Mme [T], ancienne salariée ayant un différend judiciaire avec l’employeur, son niveau hiérarchique, ses responsabilités et ses missions de contrôle interne exigeant transparence, exemplarité, loyauté.

Toutefois, la cour d’appel de Versailles est censurée par la Cour de cassation.

La Haute Cour estime que l’existence d’un différend judiciaire entre son épouse, ancienne salariée de Chanel, et l’employeur, ne suffisait pas à caractériser l’existence d’un conflit d’intérêts, tel que défini par la charte applicable dans l’entreprise, ce dont il résultait que le salarié n’était pas tenu, peu important la clause de son contrat de travail l’obligeant à faire connaître tout changement intervenu dans sa situation familiale, d’informer son employeur de sa situation matrimoniale.

Dès lors, il faut comprendre que s’il y avait eu un conflit d’intérêt pour le salarié auditeur interne, cela aurait pu justifier un licenciement.

Par ailleurs, en tout état de cause, même si une clause du contrat de travail obligeait le salarié de Chanel à faire connaître tout changement dans sa situation familiale, cette clause ne lui est pas opposable, le salarié n’étant pas tenu d’informer son employeur de sa situation matrimoniale.

Cet arrêt doit être mis en exergue avec l’arrêt du 29 mai 2024 (n°22-16.218) publié au bulletin, également pour lequel la Cour de cassation avait validé le licenciement pour faute grave d’un salarié.

La chambre sociale de la Cour de cassation s’était prononcée sur les conséquences de la dissimulation d’une relation amoureuse par un salarié qui exerce des fonctions de dirigeant, avec une salariée qui exerce des mandats de représentation syndicale et de représentation du personnel.

La Cour de cassation avait décidé que la dissimulation d’une relation intime entre deux salariés aux fonctions divergentes, constitue un manquement à l’obligation de loyauté envers l’employeur, peu importe qu’un préjudice pour l’employeur ou pour l’entreprise soit établi, dès lors qu’une situation de conflit d’intérêts est créée.

En l’espèce, il y avait une situation de conflit d’intérêts.

Même si 14% des couples se forment au travail (sondage Ipsos 2018), il peut être compliqué de mélanger amour et travail.

Pour lire l’intégralité de la brève, cliquez sur le lien ci-dessous

https://www.village-justice.com/articles/amour-travail-licenciement-nul-auditeur-chanel-qui-pas-informe-son-employeur,55546.html

 

Sources.

Cour de cassation 10 décembre 2025, n° 24-17.316
Amour au boulot - Directeur des partenariats qui a un comportement insistant envers une collègue = licenciement pour faute grave
Amour au travail : est-ce risqué pour les salariés ?
Dissimulation par un directeur de sa relation amoureuse avec une représentante syndicale = faute grave.

 

Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)

CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)

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