Un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 7 décembre 2017, entre Monsieur Jean-Yves NAOURI et la société PUBLICIS, est l’occasion de rappeler les conditions de fond et de forme dans lesquelles la révocation d’un dirigeant d’une société anonyme, en l’occurrence un membre du Directoire, doit intervenir.

Après avoir assuré diverses fonctions au sein du groupe PUBLICIS depuis 1993, Monsieur NAOURI avait été désigné membre du Directoire en 2008.

Monsieur NAOURI bénéficiait d’un golden parachute, dans l’hypothèse où il serait mis fin, sans juste motif, à son mandat de membre du Directoire.

Les années passant, il ressort des termes de l’arrêt de la Cour d’appel que Monsieur NAOURI avait développé l’espoir de succéder à Monsieur Maurice LEVY.

Puis, à l’été 2013, était annoncé un projet de fusion avec le numéro 1 mondial de la publicité et de la communication, OMNICOM, qui mettait un terme à la question de sa succession éventuelle à la tête de PUBLICIS, et à toute perspective d’évolution de carrière, aux yeux de Monsieur NAOURI.

Des échanges eurent alors lieu entre Monsieur NAOURI et la société PUBLICIS, afin de mettre un terme au mandat de membre du Directoire, dans un contexte amiable, l’un ayant décidé de quitter la société, et l’autre ayant proposé de négocier les conditions de son départ.

Mais, faute de parvenir un accord amiable, Monsieur NAOURI était finalement révoqué de ses fonctions de membre du Directoire le 15 septembre 2014, au motif avancé par PUBLICIS d’une divergence de vue, ayant entrainé une perte de confiance et compromis le bon du fonctionnement du Directoire, avec pour conséquence notamment l’absence de versement de l’indemnité de révocation.

Monsieur NAOURI, considérant que sa révocation était intervenue sans justif et dans des conditions abusives, saisit le Tribunal de commerce de Paris qui lui donna raison sur le premier point et tort sur le second. Appel fut interjeté par le demandeur.

La Cour d’appel de Paris a ainsi eu l’occasion de se prononcer sur les conditions de fond et de forme de la révocation.

L’article L 225-61 du Code de commerce prévoit que « Les membres du directoire ou le directeur général unique peuvent être révoqués par l'assemblée générale, ainsi que, si les statuts le prévoient, par le conseil de surveillance. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à dommages-intérêts. »

Le juste motif de révocation peut résulter d’une faute du dirigeant, telle que la mauvaise gestion de nature à compromettre l’intérêt social ou le fonctionnement de la société, ou encore du souhait des associés d’adopter une stratégie à laquelle le dirigeant s’oppose.

De même, il existe de nombreuses décisions justifiant la révocation par une divergence de vues et / ou une perte de confiance dans le dirigeant.

Dans le procès-verbal du Conseil de surveillance ayant prononcé sa révocation, il était justement mis en avant par la société le désaccord de Monsieur NAOURI sur la stratégie du groupe, son refus de rester au sein du groupe pour assurer la transition dans le cadre de la fusion, et plus généralement son hostilité au projet de fusion.

Puis au cours de la procédure judiciaire fut également soulevé l’argument de mauvaises performances de sa part.

Mais la Cour d’appel souligne d’une part l’absence d’éléments probants tant sur la question de l’attitude que sur la question de la performance, et d’autre part la contradiction avec des courriels adressés par les membres du Conseil de surveillance, vantant ses qualités.

La juridiction d’appel considère qu’en définitive, la révocation de Monsieur NAOURI n’a été motivée que par l’échec des négociations sur les conditions de son départ et que par suite, elle est dépourvue de juste motif.

Et s’il était difficile de conserver au sein du Directoire un membre qui négociait son départ, en raison de la suppression de ses perspectives d’évolution, cela ne pouvait pas constituer un juste motif.

Il en résulte un droit à réparation du préjudice subi, égal au montant de l’indemnité contractuelle qu’il aurait dû percevoir.

Par ailleurs, une révocation peut être considérée comme abusive si elle est accompagnée de circonstances portant atteinte à la réputation ou à l’honneur du dirigeant, ou encore si elle est décidée sans respecter le principe du contradictoire, peu important qu’elle ait été par ailleurs justifiée par de justes motifs.

En l’espèce, l’appelant estimait que sa révocation était intervenue dans des conditions abusives et contradictoires, en se fondant notamment sur des promesses qui avaient pu lui être faites avant le projet de fusion.

Cet argument est rejeté, et il est retenu que Monsieur NAOURI avait été convoqué au Conseil de surveillance, dont sa révocation était inscrite à l’ordre du jour, et qu’il avait pu présenter ses observations aux griefs qui étaient développés.

En outre, le communiqué de presse relatif à sa révocation a été jugé sobre et sans propos négatifs à son égard.

De la lecture de cet arrêt ressortent deux constats :

- la nécessité de motiver de façon substantielle les procès-verbaux de délibération se rapportant à une révocation, afin d’être à même de démontrer l’existence d’un juste motif et le respect du principe du contradictoire,

- l’exigence de bonne foi et de loyauté dans la conduite des négociations et / ou la mise en œuvre de la révocation ; étant observé que pour l’essentiel, c’est sur cet aspect de la révocation que la société a été condamnée, par une analyse a posteriori d’une situation parfois ambigüe, ambiguïté d’ailleurs pas nécessairement imputable aux parties mais davantage à la réalité d’une négociation.