Optimiser les exonérations des indemnités de sortie d’un cadre

La fin d’un contrat de travail pour un cadre expérimenté soulève des enjeux importants, tant sur le plan financier que juridique. Au-delà du simple montant des indemnités, il s’agit de maîtriser les règles fiscales et sociales pour maximiser le net perçu et sécuriser l’accord. Entre indemnités légales, conventionnelles, transactionnelles ou issues d’une conciliation prud’homale, chaque mécanisme présente des opportunités d’exonération qu’il convient de connaître et d’exploiter.

Cet article propose un guide pratique pour optimiser les exonérations sur les indemnités de sortie d’un cadre avec ancienneté.

1) Identifier les différents types d’indemnités

Les indemnités versées lors de la rupture d’un contrat de travail peuvent se décliner en plusieurs catégories :

  • Indemnité légale ou conventionnelle de licenciement : prévue par le Code du travail, la convention collective ou un accord professionnel.
  • Indemnité compensatrice de congés payés et/ou de préavis : souvent intégrée au calcul global des indemnités.
  • Indemnité transactionnelle : versée dans le cadre d’un protocole pour clore un litige.
  • Indemnité de conciliation prud’homale : allouée après accord devant le conseil de prud’hommes.

Chaque type d’indemnité a un régime fiscal et social spécifique, et toutes ne bénéficient pas des mêmes exonérations.

2) Comprendre le régime des indemnités de sortie et leurs exonérations

Les sommes versées lors de la rupture du contrat de travail ayant le caractère de rémunération entrent, en principe, dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale. Toutefois, une exonération partielle est prévue pour les indemnités mentionnées à l’article L.242-1, II-7° du Code de la Sécurité sociale (CSS), qui renvoie aux sommes non assujetties à l’impôt sur le revenu selon l’article 80 duodecies du Code général des impôts (CGI).

Les indemnités non expressément mentionnées peuvent également bénéficier d’une exonération, à condition que l’employeur démontre qu’elles réparent un préjudice, ce qui concerne notamment les indemnités transactionnelles ou les dommages-intérêts versés sur décision de justice.

Parmi les indemnités de sorties, il y a la notion d’indemnité légale ou conventionnelle qui recouvre les indemnités dues à titre obligatoire par l’employeur en application du Code du travail, sous réserve des dispositions plus favorables prévues par une convention collective de branche, un accord profession ou interprofessionnel.

Cette indemnité de licenciement proprement dite, est exonérée de cotisations, dans la limite de 2 fois le plafond annuel de la sécurité sociale (PASS), soit 94 200€ en 2025, à hauteur du plus élevé des 3 montants suivants :

  • Montant de l’indemnité prévue par la convention collective de branche, par l’accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi ;
  • 2 fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l’année civile précédant la rupture de son contrat de travail ;
  • 50% du montant de l’indemnité versée.

Au-delà, les sommes versées sont soumises aux cotisations sociales et à la CSG/CRDS, avec un taux moyen de prélèvement d’environ 23 % pour les cotisations et 9,7 % pour la CSG/CRDS. (Fiches pratiques - Gestion des salariés - 15/10/2025).

Cependant, les indemnités dont le montant dépasse 10 fois le plafond annuel de la sécurité sociale, soit 471 000€ en 2025, sont intégralement assujetties aux cotisations.

Ce régime s’applique également :

  • aux indemnités pour licenciement irrégulier, abusif ou nul (L.1235-2, L.1235-11 à L.1235-13 du Code du travail) qui restent exonérées dans la limite de 2 fois le plafond annuel de la sécurité sociale ;
  • aux indemnités de départ volontaire, qui sont en principe soumises aux cotisations mais peuvent être requalifiées en dommages-intérêts si l’employeur a provoqué la rupture (Cass. soc. 6-1-1998 n° 94-21.159 PB :  RJS 3/98 n° 362 ; BOSS-Ind. rupture-1800) ;
  • aux ruptures conventionnelles homologuée dont l’indemnité spécifique est exonérée dans les mêmes conditions que l’indemnité de licenciement ;
  • à l’indemnité de mise à la retraite, également exonérées jusqu’à 2 fois le PASS, dans les mêmes conditions, et entièrement soumises aux cotisations si elles dépassent 10 fois le PASS (Cass. soc. 24-2-1994 n° 91-21.140 :  RJS 4/94 n° 460 ; BOSS-Ind. rupture-1560).

3) La conciliation prud’homale : une indemnité fiscalement et socialement avantageuse

L’indemnité de conciliation prud’homale est versée après conclusion d’un accord devant le bureau de conciliation et d’orientation du Conseil de prud’hommes en application de l’article L.1235-1 du Code du travail.

Elle constitue une indemnité forfaitaire qui est cumulable avec d’autres indemnités telles que : l’indemnité de licenciement, l’indemnité de congés payés, l’indemnité de préavis, l’indemnité contractuelle de non-concurrence…

En effet, en cas de contestation d’un licenciement, il peut être mis fin au litige moyennant le versement par l’employeur d’une indemnité forfaitaire au profit du salarié, établie selon le barème suivant (D.1235-21 du Code du travail).

Ce barème fixe le montant de l’indemnité en fonction de l’ancienneté du salarié et est fonction de la rémunération brute du salarié.

Cette indemnité spécifique de conciliation doit donc être versée dans le cadre du barème suivant :

Sur le plan fiscal et social, cette indemnité présente des avantages significatifs.

Tout d’abord, elle est exonérée d’impôt sur le revenu lorsqu’elle est versée dans la limite du barème réglementaire.

En outre, cette indemnité est exclue de l’assiette de cotisations, sur renvoi de l’article L.242-1, II-7 du Code de la sécurité sociale (CSS) dans la limite d’un plafond égal à 2 fois le plafond annuel de la sécurité sociale (PASS.) (Ord. 96-50 du 24-1-1996 art. 14-II ; BOSS-Ind. rupture-1840 s.), soit 94 200 € en 2025. (Mémento Paie 2025 – 16/10/2025)

Cette exonération s’applique à condition que le total des indemnités versées au salarié ne dépasse pas 10 fois le plafond annuel de la sécurité sociale, à l’exclusion de celles versées en 2016 où aucun plafond n’était en théorie applicable.

Toutefois, la part de l’indemnité excédant le barème réglementaire est soumise à la CSG et à la CRDS, sans application de l’abattement pour frais.

Même si les indemnités sont versées au cours de plusieurs années, le total cumulé est pris en compte pour vérifier le respect des plafonds de 2 × PASS par indemnité et de 10 × PASS pour l’ensemble des indemnités.

Pour un cadre ancien et bien rémunéré, l’indemnité forfaitaire de conciliation est particulièrement intéressante :

  • Elle s’ajoutera à l’indemnité légale / conventionnelle de licenciement perçue par ailleurs, les deux indemnités étant exonérées en totalité de l’impôt sur le revenu.
  • En outre, elle présente un intérêt pour le calcul du délai de carence des allocations chômages. En principe, France travail applique un délai de carence de 150 jours calendaires maximum. Or, l’indemnité forfaitaire de conciliation n’est pas prise en compte dans le calcul différé spécifique. Cela permet de réduire le temps du versement des allocations chômages et la date du licenciement.

4) L’indemnité transactionnelle

Enfin, dernière alternative avantageuse, est celle de l’indemnité transactionnelle. La transaction conclue entre l’employeur et le salarié pour régler un litige relatif à la rupture du contrat de contrat peut prévoir le versement d’une indemnité dite « transactionnelle ».

L’indemnité transactionnelle obéit, en effet, au même régime social que celui de l’indemnité qu’elle vient compléter, les limites d’exonération s’appliquant alors au montant global versé.

L’exonération peut avoir lieu si l’indemnité :

La distinction entre indemnités liées à l’exécution du contrat (non soumises à cotisations sociales) et indemnités liées à la rupture du contrat (soumis aux cotisations) permet d’optimiser le traitement social des sommes versées.

Par exemple, est affranchie de cotisations l’indemnité transactionnelle versée à un salarié pour faute grave, dès lors que l’employeur démontre qu’il n’a pas renoncé à se prévaloir de cette faute, qu’aucun préavis n’a été exécuté et que l’indemnité ne comporte aucune indemnité de préavis ni aucun élément soumis à cotisations (Cass. 2e civ. 21-6-2018 n° 17-19.773 F-PB :  RJS 10/18 n° 633).

Si, en revanche, l’employeur abandonne la notion de faute grave, une fraction de l’indemnité transactionnelle correspondant au préavis dû au salarié licencié doit être assujettie à cotisations (Cass. 2e civ. 4-4-2019 n° 18-12.898 F-D :  RJS 7/19 n° 457).

Si la transaction prévoit le versement d’éléments à caractère de salaire (rappels de salaire, indemnité compensatrice de préavis), ceux-ci doivent être soumis aux cotisations (Cass. 2e civ. 23-3-2004 n° 01-21.430 FS-D :  RJS 7/04 n° 842).

L’employeur est fondé à déduire les cotisations salariales correspondantes de la somme due au salarié, sauf si la transaction en dispose autrement (Cass. soc. 9-5-1979 n° 77-41.762 P).

Ainsi, pour un cadre avec de l’ancienneté, la négociation des indemnités de sortie repose sur : la maîtrise des plafonds sociaux et fiscaux ainsi que l’utilisation stratégique du procès-verbal de conciliation et le cas échéant du protocole transactionnel pour sécuriser l’accord.

En combinant ces leviers, le salarié peut maximiser ses indemnités nettes et éviter les risques fiscaux et sociaux liés à la rupture du contrat.

Nicolas PODOLAK - Avocat