Plusieurs arrêts de la Première chambre civile de la Cour de cassation, à paraître à son Bulletin, et une décision du Conseil constitutionnel ont marqué l’actualité de la jurisprudence en matière de soins psychiatriques sans consentement en 2023, sur :

  • l’éventuelle atteinte aux droits d’une personne en soins sans consentement en l’absence d’information de la commission départementale des soins psychiatriques (1) ;
  • le respect par le juge de l’appréciation médicale de la nécessité des soins sans consentement (2) ;
  • la constitutionnalité des deux premières phrases du paragraphe I de l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique dans sa rédaction issue de la loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique(3) ;
  • le droit du patient à être informé des décisions de soins psychiatriques sans consentement (4) ;
  • la capacité du majeur protégé à agir seul en mainlevée d'une mesure de soins sans consentement, ou en appel d’une décision du juge des libertés et de la détention maintenant une telle mesure (5) ;
  • le délai de quarante-huit heures imparti au préfet pour prononcer l’admission en soins psychiatriques sans consentement d’une personne atteinte de troubles mentaux manifestes ayant fait l’objet de mesures provisoires décidées par un maire ou un commissaire de police (6).

 

1. L’éventuelle atteinte aux droits d’une personne en soins sans consentement en l’absence d’information de la commission départementale des soins psychiatriques (Civ. 1ère 18 janvier 2023, n° 21-21370).

Selon un arrêt de la Première chambre civile de la Cour de cassation du 18 janvier 2023 (n° 21-21370), la méconnaissance par le directeur de l’établissement d’accueil de l’obligation d’informer sans délai la commission départementale des soins psychiatriques de sa décision d'admission d'une personne en soins psychiatriques sans consentement à la demande d’un tiers ou en cas de péril imminent, peut constituer une irrégularité de nature à justifier la mainlevée, par le juge des libertés et de la détention, de son hospitalisation sans consentement, s’il a ainsi été porté atteinte à ses droits.

Cette commission constitue l’une des garanties établies en faveur des personnes admises en soins psychiatriques en application des chapitres II à IV du titre Ier du livre II de sa troisième partie du code de la santé publique, dont l’article L. 3222-5 prévoit :

« Sans préjudice des dispositions de l'article L. 3222-4, dans chaque département une commission départementale des soins psychiatriques est chargée d'examiner la situation des personnes admises en soins psychiatriques en application des chapitres II à IV du titre Ier du présent livre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale au regard du respect des libertés individuelles et de la dignité des personnes. »

En relèvent donc :

  • les personnes admises en soins psychiatriques à la demande d'un tiers ou en cas de péril imminent (chapitre II du titre Ier du livre II de la troisième partie du code de la santé publique) ;
  • les personnes admises en soins psychiatriques sur décision du représentant de l'Etat (chapitre III du titre Ier du livre II de la troisième partie du code de la santé publique) ;
  • les personnes détenues atteintes de troubles mentaux admises en soins psychiatriques (chapitre IV du titre Ier du livre II de la troisième partie du code de la santé publique) ;
  • les personnes dont l’admission en soins psychiatriques, sous la forme d'une hospitalisation complète, a été ordonnée par la chambre de l'instruction ou une juridiction de jugement ayant déclaré leur irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental (article 706-135 du code de procédure pénale).

En cas d’admission d’une personne en soins psychiatriques à la demande d'un tiers ou en cas de péril imminent, l’article L. 3212-5 du code de la santé publique prévoit notamment :

« I.- Le directeur de l'établissement d'accueil informe sans délai le représentant de l'Etat dans le département ou, à Paris, le préfet de police, et la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l'article L. 3222-5 de toute décision d'admission d'une personne en soins psychiatriques en application du présent chapitre et leur communique une copie du certificat médical d'admission et du bulletin d'entrée. Il leur transmet également sans délai copie de chacun des certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3211-2-2. »

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 18 janvier 2023, une personne avait été admise, le 8 avril 2021, en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète par décision du directeur d'établissement et à la demande d'un tiers, sur le fondement de l'article L. 3212-3 du code de la santé publique, ce qui lui rendait applicables les exigences précitées de l’article L. 3212-5 du code de la santé publique.

Le 14 avril 2021, le directeur d'établissement avait saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande de poursuite de la mesure sur le fondement de l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique.

L’ordonnance du 30 avril 2021 du premier président de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion ayant maintenu l’hospitalisation complète de la patiente, qui s’était prévalue de l'irrégularité de la décision de placement en l'absence de preuve d'une information de la commission départementale des soins psychiatriques quant à sa situation, vient, sur son pourvoi, d’être annulée par la Cour de cassation, au vu de l’article 455 du code de procédure civile, pour contradiction de motifs, dès lors que, pour écarter le grief tiré du défaut d'information de la commission départementale des soins psychiatriques, elle avait relevé « qu'il est mentionné sur les décisions d'admission que cet avis a été effectué et qu'aucun élément intrinsèque ou extrinsèque à la procédure ne permet de le remettre en cause, tout en constatant que cette commission n'est pas mise en œuvre à La Réunion et correspond de fait à l'ARS qui s'auto-avise et qu'il est primordial de la mettre en œuvre dans l'année en cours pour ne pas priver à terme le malade d'un moyen de contrôle ou de recours ».

L’arrêt du 18 janvier 2023 a également censuré la violation, par l’ordonnance du 30 avril 2021, des dispositions du code de la santé publique suivant lesquelles :

  • la commission départementale des soins psychiatriques « peut proposer au juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel se situe l'établissement d'accueil d'une personne admise en soins psychiatriques en application des chapitres II à IV du titre Ier du présent livre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale d'ordonner, dans les conditions définies à l'article L. 3211-12 du présent code, la levée de la mesure de soins psychiatriques dont cette personne fait l'objet » (7° de l’article L. 3223-1) ;
  • « le directeur de l'établissement prononce la levée de la mesure de soins psychiatriques lorsque celle-ci est demandée (…) 1° Par la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l'article L. 3222-5 » (article L. 3212-9) ;
  • « le juge des libertés et de la détention connaît des contestations mentionnées au premier alinéa du présent article dans le cadre des instances introduites en application des articles L. 3211-12 et L. 3211-12-1. Dans ce cas, l'irrégularité affectant une décision administrative mentionnée au premier alinéa du présent article n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet » (article L. 3216-1, alinéa 2).

La Cour de cassation a déduit de ces articles que « le défaut d'information de la commission des décisions d'admission peut porter atteinte aux droits de la personne concernée et justifier une mainlevée de la mesure ».

Or, « pour maintenir la mesure d'hospitalisation complète et écarter le grief tenant au défaut d'information de la commission, l'ordonnance énonce encore que celle-ci a seulement la possibilité d'interpeller ou de donner un avis sans pouvoir se saisir d'elle-même en l'absence de demande spécifique », si bien que les trois dispositions précitées ont été méconnues par le premier président, « qui a écarté par principe toute atteinte aux droit de la personne ».

Ayant cependant jugé que la cassation prononcée n’impliquait pas qu’il fût à nouveau statué au fond, la Cour a dit n’y avoir lieu à renvoi.

Il restera à la jurisprudence de préciser l’atteinte à ses droits que la personne concernée devrait invoquer ou prouver pour obtenir la mainlevée de son hospitalisation sans consentement, faute d’information de la commission départementale des soins psychiatriques quant à son admission en soins psychiatriques à la demande d’un tiers ou en cas de péril imminent.

Quelle que puisse être la valeur éventuelle du moyen tiré de ce défaut d’information, dès lors que, « si l'article L. 3216-1 du code de la santé publique donne compétence au juge des libertés et de la détention pour connaître des contestations relatives à la régularité des décisions administratives prises en matière de soins psychiatriques sans consentement, celui-ci n'est jamais tenu de relever d'office le moyen pris de l'irrégularité de la procédure au regard des dispositions de ce code » (Civ. 1ère 5 mars 2020, n° 19-23287), ce serait au requérant lui-même de s’en prévaloir, s’il s’y croyait fondé et y avoir intérêt, en tenant compte des prérogatives et des modalités de fonctionnement de la commission départementale des soins psychiatriques, fixées aux articles L. 3223-1 à L. 3223-3 et R. 3223-1 à R. 3223-11 du code de la santé publique.

 

2. Le respect par le juge de l’appréciation médicale de la nécessité des soins sans consentement (Civ. 1ère 8 février 2023, n° 22-10852).

Une personne avait été admise en soins psychiatriques sans consentement le 15 janvier 2021, sous la forme d'une hospitalisation complète par décision du directeur d'établissement et à la demande de son père, sur le fondement de l'article L. 3212-3 du code de la santé publique.

Le 2 novembre 2021, un programme de soins étant en cours, le directeur d'établissement avait pris une décision de réadmission en hospitalisation complète.

Le 4 novembre 2021, le directeur d'établissement avait saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande aux fins de prolongation de la mesure sur le fondement de l'article L. 3211-12-1 du même code.

Par une ordonnance du 3 décembre 2021, le premier président de la cour d’appel a ordonné la mainlevée de la mesure d’hospitalisation sous contrainte de la  patiente, sous vingt-quatre heures, en vue de la mise en place d'un programme de soins adapté à sa situation, malgré les certificats médicaux en faveur de la poursuite de l’hospitalisation complète, dont le caractère régulier et circonstancié n’était pas contesté.

Par un arrêt du 8 février 2023 (n° 22-10852), la Première chambre civile de la Cour de cassation a cassé cette ordonnance pour violation du paragraphe I de l’article L. 3212-1 (« Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ; 2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l'article L. 3211-2-1 »), et de l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique.

Elle a jugé que, « lorsqu'il est saisi sur le fondement du second texte, aux fins de se prononcer sur le maintien de l'hospitalisation complète d'un patient, le juge doit examiner le bien-fondé de la mesure au regard des éléments médicaux, communiqués par les parties ou établis à sa demande, sans pouvoir porter une appréciation d'ordre médical » (cf. Civ. 1ère 27 septembre 2017, n° 16-22544 : « il résulte des (articles L. 3211-12-1, L. 3216-1, L. 3212-3 et R. 3211-12 du code de la santé publique) que le juge qui se prononce sur le maintien de l'hospitalisation complète doit apprécier le bien-fondé de la mesure au regard des certificats médicaux qui lui sont communiqués » et qu’il ne doit pas, « par des motifs relevant de la seule appréciation médicale », « (substituer) son avis à l'évaluation, par les médecins, des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins »).

Il n’en reste pas moins que, pour que la privation de liberté ainsi imposée au patient soit conforme aux exigences de l’article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et « qu’un trouble mental soit réputé attesté devant une autorité compétente, et en particulier devant les juridictions internes, celles-ci doivent avoir établi de manière suffisante, en s’appuyant sur une expertise médicale adéquate, les faits pertinents sur lesquels elles fondent la décision de placer la personne concernée en détention (…). De l’avis de la Cour, l’autorité nationale doit pour cela soumettre l’expertise qui lui est communiquée à un examen scrupuleux et décider elle-même, au vu des éléments qui lui ont été fournis, si la personne concernée souffrait d’un trouble mental » (CEDH, Grande Chambre, 4 décembre 2018,  Ilnseher c. Allemagne, n° 10211/12 et 27505/14, paragraphe 132).

Par ailleurs, « l’article 5 § 4 garantit le droit pour une personne privée de sa liberté de faire contrôler par un tribunal la régularité de sa détention sous l’angle non seulement du droit interne, mais aussi de la Convention, des principes généraux qu’elle consacre et du but des restrictions qu’autorise le paragraphe 1 : la structure de l’article 5 montre que pour une seule et même privation de liberté le concept de « lawfulness » (« régularité », « légalité ») doit avoir le même sens aux paragraphes 1 e) et 4. Cela ne garantit pas le droit à un examen d’une portée telle qu’il habiliterait le tribunal à substituer, sur l’ensemble des aspects de l’affaire, sa propre appréciation à celle de l’autorité dont émane la décision. Le contrôle doit cependant être assez ample pour s’étendre à chacune des conditions indispensables à la régularité de la détention d’une personne, en l’occurrence pour aliénation mentale » (CEDH 5 octobre 2004, H. L. c. Royaume-Uni, n° 45508/99, § 135 ; cf. CEDH 5 novembre 1981, X c. Royaume-Uni, n° 7215/75, série A n° 46, § 58).

 

3. La constitutionnalité des deux premières phrases du paragraphe I de l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique dans sa rédaction issue de la loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique (Civ. 1ère 26 janvier 2023, n° 22-40021 et 22-40019 ; CC 31 mars 2023, n° 2023-1040/1041 QPC).

Par deux arrêts du 26 janvier 2023 (n° 22-40021 et 22-40019), la Première chambre civile de la Cour de cassation avait renvoyé au Conseil constitutionnel deux questions prioritaires de constitutionnalité ainsi formulées :

  • « Le II de l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique est-il contraire à la Constitution en ce qu'il porte atteinte aux principes du respect des droits de la défense qui découle de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et au respect de la liberté individuelle que l'article 66 de la Constitution place sous la protection de l'autorité judiciaire, en ne prévoyant pas l'intervention systématique d'un avocat au côté du patient lors du contrôle des mesures d'isolement et de contention ? » ;
  • « Les dispositions de l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique, en ce qu'elles ne prévoient pas d'obligation pour le directeur de l'établissement spécialisé en psychiatrie ou pour le médecin d'informer le patient soumis à une mesure d'isolement ou de contention - et ce, dès le début de la mesure - de la voie de recours qui lui est ouverte contre cette décision médicale sur le fondement de l'article L. 3211-12 du même code et de son droit d'être assisté ou représenté par un avocat choisi, désigné au titre de l'aide juridictionnelle ou commis d'office, est-il conforme à la Constitution et notamment au principe constitutionnel des droits de la défense, du droit à une procédure juste et équitable, au principe de dignité de la personne, à la liberté fondamentale d'aller et venir et du droit à un recours effectif, ainsi qu'à l'objectif à valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice résultant des articles 12, 15 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ? »

Le Conseil constitutionnel s’est prononcé à leur égard par sa décision du 31 mars 2023 (n° 2023-1040/1041 QPC), en considérant que ces deux questions prioritaires de constitutionnalité devaient être regardées comme portant sur les deux premières phrases du paragraphe I de l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique dans sa rédaction issue de la loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique (« L’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours et ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d’un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient »).

Quant au grief tiré de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, il a jugé qu’en « ne prévoyant pas que le patient doit immédiatement être informé de son droit de demander la mainlevée de la décision de placement en isolement ou sous contention dont il fait l’objet, les dispositions contestées ne méconnaissent pas, compte tenu de l’ensemble des voies de droit ouvertes et du contrôle exercé par le juge judiciaire, le droit à un recours juridictionnel effectif », dès lors que :

  • « conformément à l’article L. 3211-12 du code de la santé publique, le patient faisant l’objet d’une telle mesure ainsi que les personnes susceptibles d’agir dans son intérêt, mentionnées par cet article, peuvent saisir à tout moment le juge des libertés et de la détention d’une demande de mainlevée » ;
  • « lorsque le médecin renouvelle ces mesures au-delà d’une durée totale de quarante-huit heures, pour l’isolement, ou de vingt-quatre heures, pour la contention, le directeur de l’établissement de soins en informe sans délai le juge des libertés et de la détention, qui peut à tout moment se saisir d’office pour y mettre fin » ;
  • « si l’état de santé du patient rend nécessaire le renouvellement de la mesure au-delà de soixante-douze heures d’isolement ou de quarante-huit heures de contention, ce magistrat doit obligatoirement être saisi, avant l’expiration de ces délais, par le directeur de l’établissement » ;
  • « le patient peut exercer une action en responsabilité devant les juridictions compétentes pour obtenir réparation du préjudice résultant d’un placement irrégulier en isolement ou sous contention ou des conditions dans lesquelles s’est déroulée cette mesure ».

Il a également écarté le grief tiré de la méconnaissance des droits de la défense, également garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, dès lors que :

  • les mesures d’isolement et de contention décidées dans le cadre d’une hospitalisation complète sans consentement « ne relèvent pas d’une procédure de recherche d’auteurs d’infractions et ne constituent pas une sanction ayant le caractère d’une punition » et que « l’absence de notification au patient placé en isolement ou sous contention de son droit à l’assistance d’un avocat ne peut (donc) être contestée sur le fondement de l’article 16 de la Déclaration de 1789 » ;
  • « les conditions dans lesquelles un patient est assisté ou représenté par un avocat devant le juge des libertés et de la détention saisi d’une demande de mainlevée d’une mesure d’isolement ou de contention sont prévues par l’article L. 3211-12-2 du code de la santé publique, dont le Conseil constitutionnel n’est pas saisi », si bien qu’il n’y avait pas lieu, pour celui-ci, « d’examiner l’argument tiré de ce que méconnaîtrait les droits de la défense le fait que le patient ne bénéficie pas obligatoirement d’une assistance ou d’une représentation par un avocat. »

Quant à ce dernier point, la Première chambre civile de la Cour de cassation a refusé, par un arrêt du 28 juin 2023, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité du paragraphe III de l’article L. 3211-12-2 du code de la santé publique aux droits et libertés garantis par la Constitution, en particulier à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, au Préambule de la Constitution de 1946 et à l'article 66 de la Constitution, en ce qu'il ne prévoit pas le caractère obligatoire de l'assistance ou de la représentation par avocat dans le cadre du contrôle par le juge des libertés et de la détentions des mesures d'isolement ou de contention en milieu psychiatrique, dès lors, notamment, que « le patient a le droit d'être assisté ou représenté par un avocat choisi, désigné au titre de l'aide juridictionnelle ou commis d'office. Il peut demander à être entendu par le juge des libertés et de la détention et si, au vu d'un avis médical motivé, des motifs médicaux font obstacle, dans son intérêt, à son audition, il est alors représenté par un avocat. Enfin, il est nécessairement assisté d'un avocat lorsque le juge des libertés et de la détention décide de tenir une audience ou encore lorsque le contrôle de ces mesures est opéré en même temps que le contrôle des soins sans consentement » et que « la seule circonstance qu'il ne soit pas obligatoirement assisté ou représenté par un avocat dans les autres cas ne méconnaît pas les articles 16 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 et 66 de la Constitution » (Civ. 1ère 28 juin 2023, n° 23-40010).

 

4. Le droit du patient à être informé des décisions de soins psychiatriques sans consentement (Civ. 1ère 25 mai 2023, n° 22-12108).

Par un arrêt du 25 mai 2023 (n° 22-12108), la Première chambre civile de la Cour de cassation a jugé que, conformément au troisième alinéa de l’article L. 3211-3 du code de la santé publique, la personne soumise à des soins psychiatriques sans consentement, doit, notamment, être informée, le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état, de la décision d'admission prise par le directeur d'établissement ou le représentant de l'Etat dans le département, ainsi que de chacune des décisions de maintien et des raisons qui les motivent.

L’affaire concernait une personne admise le 25 décembre 2020 en urgence en soins psychiatriques sans consentement, sous la forme d'une hospitalisation complète, par décision d’un directeur d'établissement hospitalier et à la demande d'un tiers, sur le fondement de l'article L. 3212-3 du code de la santé publique (« En cas d'urgence, lorsqu'il existe un risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade, le directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 peut, à titre exceptionnel, prononcer à la demande d'un tiers l'admission en soins psychiatriques d'une personne malade au vu d'un seul certificat médical émanant, le cas échéant, d'un médecin exerçant dans l'établissement »).

Le 8 mars 2021, le directeur avait mis fin à la mesure d'hospitalisation complète et décidé d'un programme de soins.

Le 26 novembre 2021, le patient avait sollicité la mainlevée de son programme de soins.

Il s’était ensuite pourvu devant la Cour de cassation contre l’ordonnance du Premier président de la cour d’appel de Paris du 22 décembre 2021 ayant rejeté sa demande, à laquelle il reprochait d’avoir jugé qu’aucune disposition législative ne prévoirait qu’une décision maintenant un programme de soins, sans en modifier substantiellement le contenu, devrait être notifiée au patient, de sorte que le deuxième alinéa de l'article L. 3211-3 du code de la santé publique aurait été respecté.

Son pourvoi invoquait la méconnaissance, par ladite ordonnance :

  • du troisième alinéa de l'article L. 3211-3 du code de la santé publique (« En outre, toute personne faisant l'objet de soins psychiatriques en application des chapitres II et III du présent titre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale est informée : a) Le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état, de la décision d'admission et de chacune des décisions mentionnées au deuxième alinéa du présent article, ainsi que des raisons qui les motivent ; / b) Dès l'admission ou aussitôt que son état le permet et, par la suite, à sa demande et après chacune des décisions mentionnées au même deuxième alinéa, de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes et des garanties qui lui sont offertes en application de l'article L. 3211-12-1 ») ;
  • de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration (« Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (…) 3° Subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ») ;
  • de l’article L. 221-8 du code des relations entre le public et l’administration (« Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires ou instituant d'autres formalités préalables, une décision individuelle expresse est opposable à la personne qui en fait l'objet au moment où elle est notifiée »).

Par son arrêt du 25 mai 2023, la Première chambre civile de la Cour de cassation a fait droit à son pourvoi, cassé et annulé l’ordonnance du 22 décembre 2021, pour violation du troisième alinéa de l'article L. 3211-3 du code de la santé publique, et des articles L. 3211-12 et L. 3216-1 (« La régularité des décisions administratives prises en application des chapitres II à IV du présent titre ne peut être contestée que devant le juge judiciaire. / Le juge des libertés et de la détention connaît des contestations mentionnées au premier alinéa du présent article dans le cadre des instances introduites en application des articles L. 3211-12 et L. 3211-12-1. Dans ce cas, l'irrégularité affectant une décision administrative mentionnée au premier alinéa du présent article n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet ») du code de la santé publique.

Elle a déduit du premier de ces textes « que, si toute personne faisant l'objet de soins psychiatriques sans consentement, quelle que soit la forme de sa prise en charge, est, dans la mesure où son état le permet, informée par le psychiatre du projet visant à maintenir les soins ou à définir la forme de la prise en charge et mise à même de faire valoir ses observations, par tout moyen et de manière appropriée à cet état, elle est aussi informée, le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état, de la décision d'admission prise par le directeur d'établissement ou le représentant de l'Etat dans le département, ainsi que de chacune des décisions de maintien et des raisons qui les motivent. »

Elle ajoute que, « lorsque, sur le fondement du deuxième, le patient saisit le juge des libertés et de la détention aux fins d'ordonner, à bref délai, la mainlevée immédiate d'une mesure de soins psychiatriques sans consentement, quelle qu'en soit la forme, il peut, conformément au troisième, contester la régularité des décisions administratives relatives à cette mesure ».

Au visa de ces trois textes, l’arrêt du 25 mai 2023 a cassé et annulé l’ordonnance du 22 décembre 2021, dont il résultait des constatations que le patient n’avait pas été informé des décisions prises par le directeur d'établissement, alors même que celui-là aurait été informé du projet de décision et mis à même de faire valoir ses observations (cf. Civ. 1ère 29 septembre 2021, n° 20-14611), et que les décisions mensuelles de maintien des soins auraient été formalisées le jour même ou le lendemain des certificats médicaux établis par le psychiatre à la suite d'entretiens avec lui, au cours desquels celui-ci aurait été informé du maintien de la mesure.

La Première chambre civile de la Cour de cassation a cependant dit n’y avoir lieu à renvoi de l’affaire, dès lors que « les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger » et que « la cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond ».

Les principes posés, quant au contrôle incombant au juge des libertés et de la détention, par l’arrêt du 25 mai 2023, pourraient s’appliquer également dans l’appréciation des actions indemnitaires régies par le troisième alinéa de l’article L. 3216-1 du code de la santé publique (« Lorsque le tribunal judiciaire statue sur les demandes en réparation des conséquences dommageables résultant pour l'intéressé des décisions administratives (prises en application des chapitres II à IV du titre Ier du livre II de la troisième partie du code de la santé publique), il peut, à cette fin, connaître des irrégularités dont ces dernières seraient entachées » ; cf. Civ. 1ère 17 octobre 2019, n° 18-16837, et 29 septembre 2021, n° 20-14611), et renforcer ainsi, le cas échéant, l’effectivité des droits du patient soumis à des soins psychiatriques sans consentement (sur la nature civile du « droit à la liberté » et l’applicabilité de l’article 6, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à un litige s’y rapportant, cf. CEDH, 30 juillet 1998, Aerts c. Belgique, paragraphes 57 à 60, et 7 janvier 2003, Laidin c. France (n° 2), n° 39282/98,  paragraphes 73 à 77).

 

5. La capacité du majeur protégé à agir seul en mainlevée d'une mesure de soins sans consentement, ou en appel d’une décision du juge des libertés et de la détention maintenant une telle mesure (Civ. 1ère 5 juillet 2023, n° 23-10096).

Une personne avait été admise le 16 août 2022 en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète par décision d’un directeur d'établissement hospitalier, en application de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, à la demande d'un tiers.

Le 22 août 2022, le directeur d'établissement avait saisi le juge des libertés et de la détention, sur le fondement de l'article L. 3211-12-1 du même code, aux fins de poursuite de la mesure.

Le 25 août 2022, le juge des libertés et de la détention avait ordonné la poursuite de cette mesure.

L’appel de la patiente contre la décision du juge des libertés et de la détention avait été déclaré irrecevable par une ordonnance du premier président de la cour d'appel du 2 septembre 2022, aux motifs que, majeure sous curatelle, la patiente ne pouvait ester ou se défendre en justice sans l'assistance de son curateur, et que celui-ci n'avait, à aucun moment, relevé appel lui-même de cette décision, ni régularisé l'appel de sa protégée.

Par un arrêt du 5 juillet 2023 (n° 23-10096), la Première chambre civile de la Cour de cassation a cassé cette ordonnance pour violation des articles 415 (« Les personnes majeures reçoivent la protection de leur personne et de leurs biens que leur état ou leur situation rend nécessaire selon les modalités prévues au présent titre. / Cette protection est instaurée et assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne. / Elle a pour finalité l'intérêt de la personne protégée. Elle favorise, dans la mesure du possible, l'autonomie de celle-ci ») et 459 du code civil (« Hors les cas prévus à l'article 458, la personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet. / Lorsque l'état de la personne protégée ne lui permet pas de prendre seule une décision personnelle éclairée, le juge ou le conseil de famille s'il a été constitué peut prévoir qu'elle bénéficiera, pour l'ensemble des actes relatifs à sa personne ou ceux d'entre eux qu'il énumère, de l'assistance de la personne chargée de sa protection. Au cas où cette assistance ne suffirait pas, il peut, le cas échéant après le prononcé d'une habilitation familiale ou l'ouverture d'une mesure de tutelle, autoriser la personne chargée de cette habilitation ou de cette mesure à représenter l'intéressé »), et L. 3211-12 du code de la santé publique (« La saisine (du juge des libertés et de la détention) peut être formée par : 1° La personne faisant l'objet des soins ; (…) 3° La personne chargée d'une mesure de protection juridique relative à la personne faisant l'objet des soins »).

Elle a déduit de ces dispositions que « tant la saisine du juge des libertés et de la détention aux fins d'obtenir la mainlevée d'une mesure de soins sans consentement que l'appel de sa décision maintenant une telle mesure constituent des actes personnels que la personne majeure protégée peut accomplir seule. »

 

6. Le délai de quarante-huit heures imparti au préfet pour prononcer l’admission en soins psychiatriques sans consentement d’une personne atteinte de troubles mentaux manifestes ayant fait l’objet de mesures provisoires décidées par un maire ou un commissaire de police (Civ. 1ère 18 octobre 2023, n° 22-17752).

Le premier alinéa de l’article L.3213-2 du code de la santé publique prévoit qu’en « cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical, le maire et, à Paris, les commissaires de police arrêtent, à l'égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes, toutes les mesures provisoires nécessaires, à charge d'en référer dans les vingt-quatre heures au représentant de l'Etat dans le département qui statue sans délai et prononce, s'il y a lieu, un arrêté d'admission en soins psychiatriques dans les formes prévues à l'article L. 3213-1. Faute de décision du représentant de l'Etat, ces mesures provisoires sont caduques au terme d'une durée de quarante-huit heures. »

En application de ces dispositions, une personne avait été admise provisoirement le 26 mars 2022 en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète au sein d’un centre hospitalier, en exécution d'un arrêté du maire territorialement compétent.

Sa décision avait été confirmée par un arrêté préfectoral du 28 mars 2022.

Par requête du 4 avril 2022, le préfet avait saisi le juge des libertés et de la détention, sur le fondement de l'article L. 3211-12-1 du même code, aux fins de poursuite de la mesure.

Par une ordonnance du 14 avril 2022, le premier président de la cour d’appel avait prononcé la mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète, aux motifs que l’obligation pour le préfet de statuer « sans délai » prévue par l’article L.3213-2 du code de la santé publique, prévoyant, par ailleurs, la caducité des mesures provisoires prises par le maire ou le commissaire de police, faute de décision du préfet dans les quarante-huit heures, aurait impliqué de le faire dans le temps strictement nécessaire matériellement et intellectuellement à l'élaboration de l'acte, et ne lui aurait pas permis de disposer à cette fin de la totalité du délai de quarante-huit heures ainsi prévu à peine de caducité.

Sur pourvoi du préfet, la Première chambre civile de la Cour de cassation a écarté cette interprétation de l’article L.3213-2 du code de la santé publique, et cassé l’ordonnance du 14 avril 2022, par un arrêt du 18 octobre 2023 (n° 22-17752).

Elle a jugé que « le représentant de l'Etat dans le département doit, en l'état des éléments médicaux dont il dispose et au plus tard dans un délai de quarante-huit heures à compter des mesures provisoires, soit mettre un terme à ces mesures si elles ne se justifient plus, soit décider d'une admission en soins psychiatriques sans consentement ».