La célébration d’un mariage est le plus souvent un jour de fête où familles et amis se rassemblent pour partager la joie des époux et les entourer de leur affection.

Bien peu d’entre nous prêtent attention à la lecture donnée par Monsieur le Maire des articles du Code Civil qui énoncent solennellement que « les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance » (article 212).

Qu’importe alors les notions de communauté de vie et de résidence de la famille de cette litanie surannée qui précède les festivités.

Ce n’est que plus tard, lorsque le domicile conjugal se conjugue avec incertitude que les formules de l’officier d’état civil se rappellent à la mémoire.

Cette analyse a pour but de rassurer car abrité par le Code Civil, le logement du couple marié est bien protégé.

 

Protection contre la saisie des créanciers :

La protection diffère selon que les créanciers de l’un ou l’autre des époux sont professionnels ou personnels.

  • Les créanciers professionnels

Lorsque les époux sont mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, l’ensemble de leurs revenus, qu’ils proviennent de biens propres à l’un d’eux ou de biens communs, profite à la communauté. 

Aussi, les dettes professionnelles de l’entrepreneur individuel sont supportées par la communauté : les créanciers peuvent donc saisir les fonds et biens communs du couple.

Lorsque les époux ont établi un contrat de mariage et opté pour le régime de la séparation des biens, le patrimoine du conjoint de l’entrepreneur individuel est protégé.

Mais quel que soit le régime matrimonial du couple marié, l’article L 526-1 alinéa 1er du Code de Commerce met leur résidence principale à l’abri.

La Loi du 6 août 2015 a, en effet, rendu insaisissable le patrimoine foncier de l’entrepreneur individuel.

Cependant cette insaisissabilité se limite à sa seule résidence principale et à l’égard des seuls créanciers professionnels.

Pour ce faire, l’entrepreneur doit être propriétaire du bien foncier directement, seul ou en indivision ou faisant partie de la communauté, étant précisé que la protection ne s’applique pas aux créances personnelles.

  • Les créanciers personnels 

L’article 215 s’applique au logement familial et permet de protéger le conjoint et les enfants contre les initiatives solitaires d’un époux.

Pour ce faire, il impose aux époux quel que soit le régime matrimonial applicable et la qualité du propriétaire du bien, un système de cogestion car « les époux ne peuvent l’un sans l’autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni ».

A défaut, l’époux qui n’a pas donné son accord à l’acte peut en demander l’annulation  dans l’année suivant le jour où il en a eu connaissance de l’acte.

L’action en nullité peut ainsi remettre en question la situation des créanciers personnels.

Tout acte disposant du logement de la famille nécessite donc le consentement des époux et non d’un seul : vente, donation, hypothèque conventionnelle…etc.

Les dispositions du Code Civil précitées peuvent être à l’origine d’une atteinte au droit de propriété d’ordre public dans les cas suivants :

Si les époux sont mariés sous le régime de la communauté légale et que le bien immobilier est la propriété d’un seul des époux, celui-ci n’aura pas le droit de disposer seul de son bien.

Si les époux sont mariés sous le régime de la séparation de biens et que le bien immobilier est la propriété d’un seul des époux, il en sera de même.

A l’inverse,  les règles du régime matrimonial et le droit commun du régime primaire concordent lorsque le bien immobilier est commun (régime de communauté) ou indivis (en régime de séparation).

La portée de l’article 215 du Code Civil reste néanmoins limitée aux cas de fraude à l’égard des créanciers personnels d’un époux indivisaire car ces dispositions ne peuvent empêcher ces derniers de provoquer le partage au nom de leur débiteur en application de l’article 815-17 du même code.

Cass. Civ. 1ère 16 septembre 2020 Pourvoi n° 19-15939

 

 

Protection contre l’éviction lors du décès du conjoint :

La protection diffère selon que l’occupation du logement familial ressort de l’exercice du droit de propriété ou de l’exécution d’un contrat de bail.

  • La propriété 

Selon l’article 764 alinéa 1 du Code Civil, le conjoint successible dispose d’un droit d’habitation et d’usage sur le mobilier le garnissant jusqu’à son propre décès que le bien appartienne aux époux ou dépende de la succession, et ce « sauf volonté contraire du défunt exprimée dans les conditions de l’article 971 » .

D’ailleurs, lorsque si le logement grevé du droit d’habitation n’est plus adapté à ses besoins, le conjoint veuf peut le louer afin de dégager les ressources nécessaires à de nouvelles conditions d’hébergement.

La qualité d’héritier confère donc à l’époux survivant un droit viager au maintien dans le logement familial.

Pour autant, le défunt peut avoir privé son conjoint de ce droit : dans ce cas, les droits réels immobiliers dont il va hériter, vont prendre le relais pour assurer sa sauvegarde.

A l’inverse, le partenaire de Pacs ou le concubin qui n’ont aucun droit sur sa succession, ne bénéficie d’aucune protection contre l’éviction.

C’est ainsi que les dispositions de l’article 764 alinéas 2 du Code Civil prévoient que la privation des droits d’habitation et d’usage exprimée par le défunt est sans incidence sur les droits d’usufruit que le conjoint recueille en vertu de la loi ou d’une libéralité.

Si le défunt était marié et ne laisse que des enfants issus du couple, l’époux survivant peut choisir de bénéficier de l’usufruit de la totalité de la succession ou de la pleine propriété du quart de la succession.

L’usufruit permet donc à l’époux survivant de poursuivre l’occupation du logement familial aussi longtemps qu’il le souhaite.

Il convient d’ajouter qu’en application des article 831-2 et 831-3 du Code Civil, le conjoint survivant peut également demander l’attribution préférentielle de droit de la propriété ou du droit au bail du local qui lui sert effectivement d’habitation, s’il y avait sa résidence à l’époque du décès, et du mobilier le garnissant .

  • La location 

Lorsque l’occupation du logement des conjoints ressort d’un droit au bail, la protection du conjoint veuf est doublement assurée.

L’époux survivant dispose d’un droit au logement temporaire et d’un droit viager d’usage et d’habitation du  logement familial.

En effet, il bénéficie de l’attribution préférentielle du droit au bail au titre de l’article 1751 du Code Civil et à défaut, en application de la loi du 6 juillet 1989.

Le contrat de location se poursuit à son bénéfice à condition que le bail soit conclu à usage exclusif d’habitation.

La cotitularité des baux ruraux et commerciaux, les baux professionnels et mixtes est donc exclue de cette protection.

L’article 763 alinéas 2 du Code Civil vient soutenir ces dispositions en précisant que les loyers seront remboursés au conjoint successible par la succession pendant l’année d’occupation, au fur et à mesure de leur acquittement.