Par un arrêt du 6 décembre 2018 (pourvoi n°17-17.557) dont l'importance est attestée par sa large publication (FS-P+B+R+I), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, en charge des questions de procédure civile, vient d'apporter une précision importante quant au respect du principe du contradictoire dans le cadre des échanges de conclusions et de pièces entre les parties. 

En l'espèce, l'appelant avait déposé de nouvelles conclusions et produit de nouvelles pièces la veille de l'ordonnance de clôture. 

Les conclusions avaient été déclarées recevables au motif qu'elles avaient été notifiées avant l'ordonnance de clôture, mais la Cour d'appel avait écarté les pièces venant à leur soutien, l'intimé "n'ayant pas valablement pu s'expliquer" sur celles-ci.

Le pourvoi soutenait que le sort des pièces devait suivre celui des conclusions, de sorte que des pièces communiquées au soutien de conclusions recevables étaient elles-mêmes nécessairement recevables. 

La Cour de cassation rejette le moyen, dissocie le sort des conclusions et des pièces venant à leur soutien, et estime qu'ayant retenu que les pièces "n'avaient pas été communiquées en temps utile, la cour d'appel en a exactement déduit que ces pièces devaient être écartées des débats, quand bien même les dernières conclusions déposées par la société avaient été déclarées recevables". 

La Cour de cassation fait là une stricte application de l'article 135 du Code de procédure civile qui, disposant que "le juge peut écarter du débat les pièces qui n'ont pas été communiquées en temps utile", autorise un examen de la recevabilité des pièces indépendant de celui des conclusions auxquelles elles se rattachent.

Reste que l'on peut s'étonner que seules les pièces aient été écartées par la Cour d'appel, à qui l'intimé demandait d'écarter tant les pièces que les conclusions de l'appelant.

Il est en effet admis au visa des articles 15 et 16 du Code de procédure civile que des conclusions, même communiquées avant l'ordonnance de clôture, peuvent être déclarées irrecevables si la partie adverse n'est pas en mesure d'y répliquer.

Les juges du fond relevaient dans leur arrêt que l'appelant avait changé d'avocat en cours d'instance: peut-être ont-ils estimé que le contradictoire commandait de permettre à l'appelant de faire valoir les moyens développés par son nouveau conseil?

La solution n'est cependant pas satisfaisante intellectuellement, car les conclusions et les pièces forment, du point de vue de l'argumentaire, un bloc difficilement dissociable: des conclusions sans pièces sont dénuées de portée probatoire, et des pièces sans conclusions ne soutiennent aucun moyen de fait ou de droit.