Cet arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Bordeaux ce 23 décembre 2021 se révèle intéressant à plusieurs titres.

 

Dans cette affaire la patiente avait subi une intervention chirurgicale et avait présenté dans les suites opératoires un certain nombre de complications doublées d'infections nosocomiales qui avaient au final conduit à son décès.

 

Le tribunal administratif avait seulement retenu un défaut d'information et un préjudice moral d'impréparation mais avait exclu toute indemnisation au titre de l'aléa thérapeutique et des infections nosocomiales qui avaient pourtant été objectivés par une expertise judiciaire préalable à la saisine du tribunal administratif au fond en indemnisation.

 

Le tribunal administratif pour exclure tout aléa thérapeutique indemnisable avait considéré que les conséquences  de cet accident médical motif n'était pas notablement plus grave qu'en cas d'abstention chirurgicale.

 

Néanmoins c'était là une analyse partielle des possibilités d'indemnisation d'un aléa thérapeutique.

 

En effet un tel accident médical non fautif n'est pas uniquement indemnisable lorsqu'il emporte des conséquences notablement plus graves que si aucun acte de soin n'avait été réalisé mais aussi lorsque le dommage engendré par cet aléa thérapeutique présentait une probabilité faible, ce qu’avait visiblement omis d'analyser la juridiction première instance alors que l'expert avait démontré que la probabilité de survenance de la complication était de 3% et constituait ainsi une probabilité faible.

 

V. en ce sens notre publication antérieure sur ce sujet à propos de l’arrêt de la CAA de VERSAILLES du 8.07.2021

https://consultation.avocat.fr/blog/vincent-raffin/article-40541-alea-therapeutique--victime--la-qualification-d-alea-et-l-etendue-des-prejudices-indemnisables.html

 

La cour administrative d'appel de Bordeaux infirme donc la décision du tribunal en adoptant le raisonnement classique en 2 temps en matière d'alerte thérapeutique :

 

«  Dès lors qu'il est constant que l'évolution naturelle du méningiome aurait entraîné le décès, les complications en lien avec son exérèse ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles la patiente était exposée en l'absence de traitement. L'expertise précise que le mécanisme des troubles de la résorption du liquide cérébro-spinal ayant conduit à l'hydrocéphalie trouve son origine dans une altération des veines parasagittales antérieures au décours de l'exérèse du méningiome, ce qui constitue une complication non fautive de la chirurgie de cette région cérébrale, dont le risque de survenance est d'environ 3 % dans le cas d'un méningiome parasagittal tel que celui présenté par Mme A.... Contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, le dommage présentait ainsi une probabilité faible. Par suite, Mme D... est fondée à soutenir que l'aléa thérapeutique ouvre droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale. »

 

Cet arrêt est en 2nd lieu intéressant s'agissant du traitement des infections nosocomiales qui étaient venues encore un peu plus compliquer la situation de santé de la patiente.

 

Là encore la cour infirme le jugement en prenant le soin de préciser que les infections nosocomiales n'étaient absolument pas en lien avec l'état initial de la patiente mais que le cumul des infections nosocomiales avec l'aléa thérapeutique avait conduit au  décès de sorte que ces infections devaient donner lieu également à indemnisation au titre de la solidarité nationale :

« Enfin, si les experts ont expliqué que les troubles de la résorption du liquide cérébro-spinal évoluant en hydrocéphalie (augmentation du liquide en volume et en pression) constituent des complications graves car elles impliquent des manipulations de valves qui augmentent le risque d'une infection elle-même à l'origine d'une augmentation de l'hydrocéphalie, cette description du mécanisme par lequel les deux étiologies distinctes de l'aléa thérapeutique et des infections se sont cumulées pour conduire au décès ne saurait faire regarder les infections comme la conséquence de l'état de santé initial de Mme A.... Par suite, Mme D... est fondée à soutenir que, comme l'avaient affirmé les experts et contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, les infections présentent un caractère nosocomial et ouvrent également droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale. »

 

CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 23/12/2021, 19BX03066, Inédit au recueil Lebon

 

Maître Vincent RAFFIN, Avocat associé au sein du cabinet BRG Avocats (Nantes-Paris), et responsable du département droit médical et dommages corporels, vous conseille, vous assiste et vous accompagne sur toute la France concernant vos litiges.

 

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