Un véritable contrat

L’administration fiscale a la possibilité, dans le cadre d'une transaction, d'accorder une atténuation des pénalités appliquées. La transaction en droit fiscal est emprunté du droit civil. L’article 2044 du code civil dispose en effet que la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. La transaction, mode de règlement amiable du litige fiscal est donc un véritable contrat conclu entre l’administration fiscale et le contribuable qui doit de l’argent au fisc. La transaction implique des concessions réciproques constatées dans un contrat écrit. On connaît bien l’article 1103 du code civil selon lequel les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. La transaction engagent donc pleinement les parties. C’est ainsi par exemple que le juge a refusé à l’administration fiscale la possibilité de réclamer au contribuable des pénalités, une fois la transaction signée par les deux parties, alors même que six mois après la signature de la transaction, l’administration s’était rendue compte qu’elle a commis une erreur matérielle en indiquant dans la transaction un montant de pénalités mille fois inférieur à celui qui figurait dans la proposition initiale (CE, Sect. 28/09/1983, n°11513, Sté établissements Prévost, Rec. p.376).

De même, la conclusion d'une transaction avec l'administration fiscale par laquelle le contribuable donne son accord aux rehaussements de base notifiés, met fin à la procédure contradictoire sans que celle-ci puisse être rouverte par le défaut d'exécution de la transaction par le fait du contribuable (Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 12/07/2023, 463709, Sté New Asia, Dr fisc. 2023). Dans cette affaire, (il faut d’ailleurs observer le terme de  « contrat de transaction » utilisé par le Conseil d’Etat), la société New Asia a conclu avec l'administration fiscale une transaction, prévoyant une réduction des pénalités mises à sa charge et moyennant, d'une part, le règlement  de sa dette fiscale restante selon des modalités fixées en accord avec le comptable public, d'autre part, le nantissement de son fonds de commerce et enfin le renoncement à engager toute action contentieuse concernant l'imposition en litige. Par la suite, la société a cessé d'effectuer les règlements de sa dette fiscale puis a présenté une réclamation contentieuse et n'a qu'ultérieurement communiqué à l'administration fiscale la preuve de l'inscription du nantissement au registre du greffe du tribunal de commerce. Pour les juges du fond et le Conseil d’Etat,  le défaut d'exécution de la transaction était le seul fait de la société New Asia, tenant à l'introduction de sa réclamation contentieuse, et l'administration fiscale, qui avait constaté pour ce motif la caducité de la transaction n'était pas tenue de rouvrir la procédure contradictoire ni de faire droit à la demande d'entretien avec l'interlocuteur départemental adressée  antérieurement à la conclusion de la transaction.

Une transaction n’a de portée que pour les pénalités qui sont expressément mentionnées dans l’acte transactionnel (CE 24/03/2006, req.257533, SARL Le Cœur Samba, Dr. Fisc.2006, 39, comm.625, concl. Vallée). Sur le plan fiscal, c’est le 3° de l’article L 247 du Livre des procédures fiscales (LPF) qui prévoit que l'administration peut accorder, sur la demande, par voie de transaction, une atténuation d'amendes fiscales ou de majorations d'impôts lorsque ces pénalités et, le cas échéant, les impositions auxquelles elles s'ajoutent ne sont pas définitives. Il ressort de ces dispositions que la transaction ne porte que sur les pénalités et non sur les droits.

Un contrat portant sur les seules pénalités et non sur les droits

La transaction signée entre l’administration fiscale et le contribuable pour régler un litige ne peut porter sur le principal de l’impôt. Elle ne peut, en effet, porter que sur les pénalités, c’est-à-dire les majorations, les amendes et les intérêts de retard. En général, c’est le contribuable qui prend l’initiative de demander la conclusion d’une transaction. Mais l’administration peut, elle-aussi, prendre cette initiative. Il arrive même, quoi que cela soit peu fréquent, que le vérificateur  qui a procédé à la vérification prenne l'initiative dès le stade de la proposition de rectification de  suggérer une transaction. Pour certains auteurs, la transaction est proposée par l’administration fiscale dans les dossiers qui présentent un enjeux financier important ou stratégique (Maurice COZIAN, Florence DEBOISSY, Martial CHADEFAUX, Précis de fiscalité des entreprises, 2024-2025, 48e édition, n° 2874 p.1053).

Dans tous les cas, du côté de l’administration fiscale, on s’engage à faire une remise totale ou partielle des pénalités, et le contribuable, de son côté, s’engage à payer les droits, et le solde éventuel qui serait resté à sa charge, et en prenant aussi l’engagement de renoncer à toute procédure contentieuse liée aux pénalités ayant fait l’objet de la transaction.

La transaction est donc une convention entre l'administration et le contribuable, portant atténuation de pénalités, lorsque ces pénalités  ne sont pas définitives, c'est-à-dire lorsque le contribuable dispose encore du moyen de les contester suivant la procédure contentieuse.

En signant une transaction, le contribuable renonce à engager ensuite une procédure contentieuse pour remettre en cause les pénalités qui ont fait l’objet de la transaction. En effet, aux termes de l’article L 251 du LPF, lorsqu'une transaction est devenue définitive après accomplissement des obligations qu'elle prévoit et approbation de l'autorité compétente, aucune procédure contentieuse ne peut plus être engagée ou reprise pour remettre en cause les pénalités qui ont fait l'objet de la transaction ou les droits eux-mêmes. Le contribuable doit donc renoncer expressément à tout recours contentieux relatif à ces pénalités. Il doit par ailleurs, s’engager à régler l'intégralité des impôts concernés et des pénalités restées à sa charge dans des délais souvent courts.

Lorsque l’administration accepte le principe d’une transaction, elle notifie la proposition au contribuable, en mentionnant les montants convenus, sachant que la transaction doit garantir le respect de la hiérarchie des sanctions. Autrement dit, l’atténuation accordée par l’administration fiscale ne doit pas placer le contribuable de mauvaise foi dans une situation plus favorable que celle d’un contribuable de bonne foi. C’est ce qui ressort de l’article L 247-0 A du LPF qui dispose que la détermination du montant de l'atténuation fixée en application du 3° de l'article L 247 garantit le respect de la hiérarchie des sanctions. Par exemple, en cas de manquement délibéré, le contribuable ne doit pas être finalement moins sévèrement sanctionné qu'en l'absence de manquement délibéré.

Lorsque l'administration fiscale n'a pas statué sur une demande gracieuse dans le délai de deux mois, elle est réputée avoir rejeté celle-ci, lequel délai est porté à quatre mois en cas de demande de transaction ou de demande en remise particulièrement complexe. Le contribuable dispose de trente jours pour donner son accord ou refuser la proposition.

L’administration fiscale peut ne pas faire droit à une demande de transaction. En effet, il peut arriver que l’administration refuse de faire une proposition de transaction à un contribuable qui l’aurait sollicitée. Le contribuable peut alors contester la position de l’administration devant le juge, en formant un recours pour excès de pouvoir. Il faut noter par ailleurs que le dernier al. de l’article L 247 du LPF indique que l'administration ne peut transiger lorsque le contribuable met en œuvre des manœuvres dilatoires visant à nuire au bon déroulement du contrôle. La conclusion d'une transaction n'est donc pas possible lorsque le contribuable met en œuvre des manœuvres dilatoires visant à nuire au bon déroulement du contrôle fiscal. La transaction est exclue dans ces circonstances. C’est le cas par exemple en matière d’opposition à contrôle fiscal, c’est-à-dire lorsque le vérificateur est empêché d'accomplir sa mission, soit du fait du contribuable, soit du fait de tiers.

Si le contribuable a la possibilité d’exercer un recours pour excès de pouvoir devant le juge lorsque l’administration lui refuse une transaction qu’il a sollicitée, il ne peut, en revanche, intenter une telle action contre une proposition de transaction que lui aurait faite l’administration fiscale et qu’il aurait jugé trop peu généreuse (CE, 04/03/2009, n°295.288, Sté Réseau Publics et Services).

En réalité, l’administration fiscale tient compte de certains éléments pour apprécier l’opportunité de signer une transaction avec le contribuable. Au rang de ces éléments, on peut citer notamment le comportement du contribuable (son respect ou non de ses obligations déclaratives par exemple, son attitude durant le contrôle fiscal etc.), l’importance de l’impôt fraudé ou dissimulés, l’étendue de sa responsabilité, sa bonne foi, l'ancienneté de la fraude, ses antécédents contentieux, ses facultés de paiement et éventuellement ses charges de famille ainsi que les difficultés économiques qu'il rencontre.

Les difficultés financières à l'origine de la demande de remise ou de modération ne doivent pas être imputables à l'organisation volontaire par le contribuable de son insolvabilité (CE 31-7-2009 n° 298973 : RJF 12/09 n° 1165). Cependant le choix du contribuable de rembourser prioritairement des dettes autres que sa dette fiscale ne caractérise pas une telle organisation (Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 07/03/2019, 419907, RJF 6/19 n° 578).

Aux termes de l’article L 251 du LPF, dans le cas où le contribuable refuse la transaction qui lui a été proposée par l'administration et porte ultérieurement le litige devant le tribunal compétent, celui-ci fixe le taux des majorations ou pénalités en même temps que la base de l'impôt. Le contribuable reste donc toujours libre pour ne pas appliquer une transaction qui lui semblerait, après coup, désavantageuse. Si le contribuable ne respecte pas son engagement, la transaction devient caduque.

En pratique, lorsque les rectifications qui sont assorties de pénalités résultent d’un contrôle fiscal, la demande de remise de pénalités est adressée au service vérificateur. C’est toujours mieux de discuter, au préalable, avec le comptable public chargé du recouvrement de cette initiative de demande de remise de pénalités avant d’adresser la demande au service vérificateur, et il faut prendre soin de mettre le comptable public en copie de la demande envoyée au service vérificateur. Si après analyse de l'ensemble du compte fiscal d’une société par exemple, le service vérificateur dit qu’il ne lui est pas possible de recevoir favorablement une demande de remise transactionnelle, il peut toutefois, indiquer qu’il est disposé à accorder à la société  la plus large remise des majorations dès lors que l'entier principal aura été apuré auprès du Service des Impôts des Entreprises. Lorsque la totalité des droits sont payés, une remise de majoration est toujours possible.

Dans tous les cas et sauf lorsqu’il s’agit de rectifications qui ne souffrent d’aucun reproche, il est toujours conseillé de s’organiser de façon à pouvoir conserver la faculté de déposer un recours contentieux en vue de contester certains droits qui peuvent être injustifiés, tout en bénéficiant du sursis de paiement.

Un contrat ne pouvant concerner certains impôts et taxes

Selon les dispositions de l’article L 247 du LPF, aucune autorité publique ne peut accorder de remise totale ou partielle de droits d'enregistrement, d'impôt sur la fortune immobilière, de taxe de publicité foncière, de droits de timbre, de taxes sur le chiffre d'affaires, de contributions indirectes et de taxes assimilées à ces droits, taxes et contributions. Ainsi, aucune remise de droits d'enregistrement, d’IFI, de taxe de publicité foncière, de droits de timbre et de TVA  ne peut, en principe, être accordée. Par dérogation, l'administration peut accorder une remise totale ou partielle des rappels de TVA, résultant de la caractérisation d'un établissement stable en France d'une entreprise étrangère, sous réserve que le montant de la TVA rappelé ait été acquitté au titre des mêmes opérations par le preneur des biens et services fournis et n'ait pas été contesté par celui-ci dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux.

Arnaud Soton

Avocat fiscaliste

Professeur de droit fiscal