Lorsque des époux séparés de biens achètent un bien affecté à l’usage familial (logement de la famille ou résidence secondaire), et si rien n’est précisé dans le titre de propriété, l’immeuble leur appartient pour moitié chacun.
Il se peut aussi que les parties précisent dans le titre leurs parts et portions. Cela sera le cas lorsque l’un investit plus que l’autre en capital (apport personnel plus important que l’autre) ou en vertu d’accords entre époux : l’un gagnant « plus » que l’autre, paiera d’avantage ou paiera tout le crédit et la vie courante, par exemple.
Dans les deux cas, comment cet immeuble sera-t-il partagé au moment de la vente ou de la liquidation du régime matrimonial en cas de divorce ?
Le principe est que ceux qui achètent un bien en indivision en acquièrent la propriété dans les proportions fixées par le titre de propriété, quelles que soient les modalités du financement.
Ce principe a été notamment rappelé par la première chambre civile de la Cour de cassation, au visa de l'article 815 du Code civil (N° Lexbase : L9929HN3), ensemble l'article 1134 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 (N° Lexbase : L1234ABC ; cf. désormais, C. civ., art. 1103 N° Lexbase : L0822KZH) (Cass. civ. 1, 10 janvier 2018, n° 16-25.190, F-P+B N° Lexbase : A2003XAG).
Il ne sera donc pas possible au moment de la vente ou de la liquidation du régime matrimonial (sauf accord contraire bien sûr) de modifier la répartition du prix ou de la valeur entre chacun des époux.
Toutefois, ce principe peut être corrigé par la reconnaissance de créances entre époux.
Première possibilité, l’invocation par l’époux créancier du fait qu’il a financé la part de l’immeuble de l’autre par un apport en capital détenu en propre et non par le règlement d’échéances de crédit.
Il a été jugé que l’apport en capital provenant de la vente de biens personnels effectué par un époux séparé de biens pour financer la part de son conjoint dans l’achat d’un immeuble indivis affecté à l’usage familial ne relève pas de la contribution aux charges du mariage et ouvre droit à une créance
Cass. 1e civ. 3-10-2019 n° 18-20.828 FS-PBI
De ce fait, au moment de la liquidation des intérêts pécuniaires des époux séparés de biens, le notaire doit préalablement déterminer les modalités de financement du ou des biens acquis en indivision.
Il doit distinguer le financement par l’emprunt et le financement par des apports en capitaux personnels de l’un ou l’autre des époux
En effet, s’agissant du financement par l’emprunt, le remboursement des mensualités a été jugé comme entrant dans les charges du mariage (Cass. 1e civ. 15-5-2013 n° 11-26.933 FS-PBI : Sol. Not. 7/13 inf. 176, D. 2013 p. 2243 chron. V. Brémond ; Cass. 1e civ. 12-6-2013 n° 11-26.748 F-PB : Sol. Not. 8-9/13 inf. 204, D. 2013 p. 2242 chron. V. Brémond).
Cette solution est admise pour le logement constituant le logement de la famille, et pour une résidence secondaire (Cass. 1e civ. 18-12-2013 n° 12-17.420 F-PB : Sol. Not. 3/14 inf. 60, Defrénois 2014 p. 762 note A. Chamoulaud-Trapiers).
L’époux qui a remboursé l’emprunt ne peut pas, en principe, revendiquer une créance. (à moins qu’il ne rembourse d’un coup le capital avec des deniers lui appartenant…un héritage par exemple)
Toutefois, s’il est établi que l’époux payeur des mensualités a déjà suffisamment contribué aux charges du mariage, il dispose alors d’une créance (voir par exemple Cass. 1e civ. 11-4-2018 n° 17-17.457 F-D ; Cass. 1e civ. 16-1-2019 n° 18-10.459 F-D).
C’est alors la seconde possibilité de revendiquer une créance, même en présence d’un crédit remboursé par un époux pour financer le bien indivis.
Il faut alors faire valoir une sur-contribution aux charges du mariage, à condition que le contrat de mariage ne prévoit pas une clause de présomption selon laquelle « chacun des époux sera réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, en sorte qu'ils ne seront assujettis à aucun compte entre eux, ni à retirer à ce sujet aucune quittance l'un de l'autre ».
Cette clause est presque systématique dans les contrats de séparation de biens.
Elle empêche les époux de réclamer postérieurement des comptes à l’autre pour les dépenses courantes du ménage en instituant conventionnellement entre eux une présomption selon laquelle chacun a fourni au jour le jour sa part contributive.
Cette présomption semble pouvoir se révéler simple ou irréfragable. Si elle est simple, prouver la sur-contribution ou la sous-contribution est admis. Si elle est irréfragable, les époux n’ont pas de recours s’agissant de l’étendue de leur contribution aux charges du mariage.
Le juge du fond dispose d’un pouvoir souverain pour qualifier cette clause de simple ou irréfragable (Cass. 1ère civ. 1er avril 2015, n°14-14.349).
En définitive, il est donc primordial de préparer un dossier documenté de pièces, ce qui est souvent compliqué eu égard à l’ancienneté des pièces, relevés bancaires, etc….
L’aléa des solutions judiciaires est évident, aggravé par une lenteur des procédures pouvant s’étaler sur plusieurs années, de sorte que l’accord est à privilégier.

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