4 septembre 2025 Cour de cassation, Troisième chambre civile Pourvoi n° 23-19.675
Les désordres de construction en copropriété donnent régulièrement lieu à des contentieux complexes, mêlant garanties légales, délais d’action et responsabilités croisées entre les intervenants à l’acte de construire. Lorsque des désordres (exemple : infiltrations) apparaissent après des travaux, le syndic de copropriété occupe une place centrale : encore faut-il qu’il agisse utilement dans les délais.
Une décision récente rappelle qu’une inaction prolongée du syndic peut engager sa responsabilité :
https://www.courdecassation.fr/decision/68b92e92d5d722cabac542bc
1. Les faits à l'origine du litige :
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des travaux de réfection de toiture sont entrepris au sein d'une copropriété ;
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la réception des travaux est prononcée ;
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un an après, des infiltrations apparaissent ;
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plus de dix ans après la réception, donc après expiration du délai pour agir à l'encontre des constructeurs, le Syndicat des Copropriétaires, représenté par son Syndic, engage une procédure de référé-expertise à l'encontre de l'architecte et de l'assureur (RCD) de l'entreprise chargée des travaux en toiture ;
-
un expert judiciaire est tout de même désigné par ordonnance ;
-
le rapport d’expertise met en évidence de nombreuses non-conformités aux règles de l’art.
2. La procédure :
Huit ans après le dépôt du rapport d’expertise, le syndicat — désormais représenté par un nouveau syndic - assigne son ancien Syndic, afin qu’il l’indemnise des désordres subis, faute d'avoir effectué en temps utile les démarches nécessaires à l'engagement de la responsabilité décennale des différents constructeurs.
3. Devant la Cour d'appel de Colmar :
Dans son arrêt du 23 février 2023, n°20/00407, la Cour d'appel de Colmar dit que :
✔️ Les désordres étaient bien de nature décennale
✔️ Une action engagée dans les délais aurait pu permettre une indemnisation (chance évaluée à 70%)
✔️Le syndic a commis une faute en :
- laissant expirer les délais,
- n’ayant jamais alerté le syndicat sur ce risque majeur,
- ayant au contraire entretenu l’illusion de recours en cours, y compris en assemblée générale.
✔️Cette faute est en lien de causalité avec la perte de chance pour le Syndicat des copropriétaires d'obtenir une indemnisation de la part des constructeurs/assureurs responsables des désordres.
Le Syndic est en conséquence condamné à payer :
- 70% du coût de la révision de la toiture : + 40.000 €
- Les frais d’avocat du demandeur : 4.000 €
- Les dépens.
Un pourvoi en cassation a été formé.
4. Devant la Haute juridiction : (Cass. 3e civ., 4 septembre 2025, n° 23-19.675) :
La troisième Chambre civile de la Cour de cassation a confirmé l'arrêt de la Cour d'appel en ces termes :
"Réponse de la Cour
6. La cour d'appel a, d'abord, relevé que l'expert judiciaire avait recensé l'existence de très nombreuses non-conformités datant de la réfection de la toiture en 1989-1990, non apparentes à la date de la réception et ayant entraîné des infiltrations généralisées dont il était constant qu'elles étaient apparues entre 1992 et 1999, ainsi qu'un pourrissement du bois des lucarnes et de la façade au niveau de l'écoulement des eaux pluviales et une dégradation de cette dernière, et que leur nature et leur nombre mettaient en évidence le caractère décennal des désordres survenus pendant cette période.
7. Elle a, ensuite, constaté que la société Foncia Lobstein Sogestim tout en indiquant aux copropriétaires avoir fait les démarches nécessaires pour sauvegarder les droits de la copropriété, n'avait engagé qu'une action en justice, tardive, soit une procédure de référé-expertise contre l'architecte en 2004.
8. Ayant ainsi fait ressortir que c'était du fait de la négligence de la société Foncia Lobstein Sogestim que le syndicat des copropriétaires avait été privé de la possibilité d'agir en temps utile pour obtenir réparation de désordres relevant de la garantie décennale, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche, inopérante, invoquée par la troisième branche, ni à celle, invoquée par la quatrième branche, qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision."

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