Aux termes de l'article 29, alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881, cadre légal de la liberté de la presse en France, la diffamation est définie comme "toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé".

Il ne suffit pas pour autant qu'une allégation ou une imputation attentatoire à l'honneur ou à la considération d'une personne ou d'un corps soit portée, pour qu'ipso facto, l'auteur du propos soit justiciable de la loi.

En effet, encore faut-il d'abord, pour qu'il y ait diffamation, qu'elle soit publique (délit) ou privée (contravention), qu'il y ait imputation d'un fait précis se présentant "sous la forme d'une articulation précise de faits de nature à être, sans difficulté, l'objet d'une preuve et d'un débat contradictoire" (Crim. 7 janv. 2020, n°19-82581).

Ne relèvent donc de la diffamation ni les vagues jugements de valeur, ni les opinions trop générales, ni l'expression d'un sentiment, dès lors qu'ils constituent des appréciations subjectives non susceptibles de preuve, et pas davantage le procès d'intention comme l'a récemment rappelé la 17e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris.

Dans cette affaire, à la suite d'une plainte avec constitution de partie civile déposée par une association LGBT, une responsable politique comparaissait devant le tribunal correctionnel de Paris, du chef notamment de diffamation publique aggravée pour un motif "homophobe" (TJ Paris, 17e ch. corr., 2 déc. 2025).

La partie civile reprochait à la prévenue d'avoir, en réaction à l'absence de soutien des associations LGBT que dénonçait Mila, jeune fille victime d'un cyberharcèlement à la suite de propos qu'elle avait tenus sur l'Islam, prétendu qu'une alliance de fait, manifestée selon elle par ce silence, aurait alors existé entre des militants LGBT et les islamistes.

Pour renvoyer la prévenue des fins de la poursuite, la 17e chambre correctionnelle de Paris a retenu que :

"Ces propos imputent ainsi aux membres investis dans le mouvement LGBT d'avoir conclu une alliance de fait, à des fins politiciennes, avec les 'islamistes' en ne défendant pas Mila.

Cette alliance est toutefois déduite par [la prévenue]du manque de soutien selon elle des associations LBGT à Mila. Ces déductions sur le mobile supposé de cette alliance de fait constituent une interprétation propre à la prévenue de la situation qu'elle dénonce, qui relève d'un procès d'intention.

Ces faits ne contiennent pas de faits suffisamment précis pour faire l'objet d'un débat probatoire et ne sont pas diffamatoires."

Cette décision, qui s'inscrit dans le droit fil de la jurisprudence de la cour de cassation, nous rappelle que la loi du 29 juillet 1881 est avant tout une loi de protection de notre liberté d'expression, dont elle constitue le sanctuaire, et que le droit à la critique demeure une garantie essentielle au bon fonctionnement démocratique.