Cession de fonds de commerce : il achète un fonds de commerce de restaurant et obtient un an plus tard le remboursement du prix de vente du fait de la non conformité de la hotte

 

Cour d'appel de Rennes, 3e chambre commerciale, 3 juin 2025, n° 24/02281

 

Faits :

 

Un bail commercial est consenti avec une destination :

 

« Les locaux sont exclusivement destinés à usage de bar et restaurant.

Le preneur pourra exercer dans ces lieux les activités suivantes : débit de boissons, restauration, sur place, à emporter ou en livraison, à l’exclusion de toute autre. »

 

Le locataire fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire, convertie ensuite en liquidation judiciaire.

 

Au cours de la procédure collective, la société T. Restauration a acquis le fonds de commerce.

 

Un an plus tard, considérant qu'elle ne pouvait exploiter le fonds en l'état, la société T. Restauration assigne son vendeur devant le tribunal de commerce aux fins de voir prononcer la résolution de la cession ou, à défaut, la nullité de la cession du fonds de commerce. Le cessionnaire demandait également le remboursement des loyers au liquidateur.

 

Procédure :

 

Le tribunal de commerce a rejeté les demandes du nouveau locataire, le cessionnaire, aux motifs :

 

  • qu’il ne pouvait ignorer la liste des biens revendiqués

 

  • qu’il ne pouvait invoquer un manque ou un dysfonctionnement des agencements, et matériels dépendant dudit fonds pour demander la résolution de la vente ou la nullité de la vente.

 

Le cessionnaire fait appel.

 

Arguments des parties :

 

Le cessionnaire :

 

La société T. Restauration fait valoir que son vendeur (la société locataire en liquidation judiciaire) a manqué à son obligation de délivrance conforme :

 

  • en ce qu’elle a vendu un fonds de commerce de restauration avec un droit au bail qui ne permet pas une telle activité,

 

  • que la hotte d’extraction n’est pas conforme,

 

  • que le bailleur n’a pu obtenir l’autorisation de la copropriété pour y remédier.

 

Le cédant :

 

Le liquidateur fait valoir :

 

  • que les éléments visés dans la cession ont été délivrés et notamment le droit au bail et les matériels, dont la hotte.

 

  • que le cessionnaire a acquis ledit fonds en s’obligeant à prendre le fonds avec les matériels dans leur état, sans pouvoir réclamer d’indemnité ou de diminution du prix, pour quelque cause que ce soit.

 

  • que le cessionnaire ne justifie pas avoir demandé une autorisation d’exploitation qui lui aurait été refusée et relève que l’éventuelle impossibilité d’étendre son activité restauration à l’installation d’un barbecue ne peut caractériser l’absence de délivrance conforme.

 

  • que le cessionnaire, par l’acte de cession, a reconnu être informé de son obligation de se soumettre à la réglementation en matière d’hygiène, de salubrité, de sécurité et d’accessibilité, à ses risques et périls.

 

 

Décision de la cour d’appel :

 

Fondement juridique : dans le cadre d’une vente, le vendeur est tenu à une obligation de délivrance (article 1641 du code civil).

 

En cas de manquement à l’obligation de délivrance, l’acquéreur pourra, à son choix, demander la résolution de la vente, ou sa mise en possession, si le retard ne vient que du fait du vendeur.

 

L’obligation de délivrance incombant au vendeur d’un fonds de commerce lui impose de mettre l’acquéreur en possession de tous les éléments corporels et incorporels du fonds qui concourent à l’exploitation et au ralliement de la clientèle et qui sont compris dans la cession.

 

Dans cette affaire, l’acte de cession précisait :

 

  • l’acquéreur déclare avoir pris connaissance des conditions de location, s’être rendu compte de l’état des lieux.

 

  • l’acquéreur est informé de son obligation de se soumette à la réglementation et aux normes en vigueur en matière d’hygiène, de salubrité de sécurité d’accessibilité à ses frais et ses risques et périls, sans recours contre quiconque, et qu’elles qu’en soient les conséquences, l’acquéreur s’engageant à solliciter la visite de la commission de sécurité et d’accessibilité selon la réglementation en vigueur.

 

Ce type de clauses ne peut décharger le cédant de son obligation de délivrance conforme consistant à délivrer un fonds de commerce qui peut être effectivement exploité.

 

En outre, l’acte de cession comportait une clause aux termes de laquelle :

 

  • le vendeur déclare qu’il n’existe aucune interdiction judiciaire, administrative ou autre tendant à paralyser totalement ou partiellement l’exploitation du fonds ou de sa cession et qu’il n’est dans aucun des cas prévus par les lois ou règlements pouvant entraîner la fermeture totale ou partielle du fonds de commerce

 

 

Le problème est que des courriers antérieurs à l’acte de cession démontraient la nécessité de procéder à la mise aux normes de la hotte au regard de la non-conformité de l’évacuation.

 

Et le bailleur dans cette affaire ? le local est situé dans un immeuble soumis au statut de la copropriété et le bailleur avait seulement transmis un courrier faisant état l’opposition de deux des copropriétaires à ladite mise aux normes.

 

La cour d’appel relève pourtant qu’il n’est pas produit les procès-verbaux d’assemblée générale de refus de certains des copropriétaires à la mise aux normes.

 

Les juges estiment que quand bien même une solution technique de mise aux normes serait envisageable, la société cessionnaire n’a pu être mise en mesure d’exercer l’activité de restauration du fonds de commerce cédé.

 

Conséquence : la société cessionnaire, sans la mise aux normes de la hotte, ne pouvait envisager l’exploitation du restaurant.

 

  • Le cédant a donc vendu un fonds de commerce dont l’activité de restauration était réglementairement impossible du fait de la non-conformité de la hotte.

 

La résolution de la vente est prononcée et le cédant est condamné à restituer le prix de vente à la société cessionnaire.

 

Cour d'appel de Rennes, 3e chambre commerciale, 3 juin 2025, n° 24/02281

 

____________________________________

 

Nawal BELLATRECHE-TITOUCHE

Avocate spécialiste en droit immobilier

Formatrice en droit immobilier

Sous-traitance en droit immobilier

contact@avocatnb.fr

 

#bail commercial

#cession de fonds de commerce

#restaurant

#liquidation judiciaire

 

 

NB : cet article n’est pas généré par l’IA