Dans un arrêt très motivé (19 pages) du 11 mai 2023 de la Cour d’appel de Paris (Pole 6 chambre 5) une responsable comptable de Re:sources (Publicis) obtient en appel 87 000 euros au total pour discrimination salariale, traitement discriminatoire, défaut de mise en œuvre régulière de la prévoyance, violation de l’obligation de sécurité, harcèlement moral, licenciement nul.

L’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 11 mai 2023 est définif, les parties ne se sont pas pourvues en cassation.

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1) MOTIVATION :

Dans son arrêt du 11 mai 2023 (Pole 6 Chambre 5), la cour d’appel de Paris, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

. Rejette la demande d’annulation du jugement,

. Infirme le jugement dans toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

. Condamne la société Re:sources France à verser à Mme X les sommes suivantes :

- 7 956 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour discrimination salariale,

- 10 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi pour traitement discriminatoire,

- 15 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour défaut de mise en œuvre régulière de la prévoyance,

- 2 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour violation de l’obligation de sécurité,

- 5 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour harcèlement moral,

 

. Prononce la nullité du licenciement,

 

. Condamne la société Re:sources France à verser à Mme X la somme de 45 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul,

. Dit que les intérêts au taux légal sont dus à compter de la présente décision,

. Ordonne à la société Re:sources France de remettre à Mme X un bulletin de paie récapitulatif, une attestation pour Pôle emploi et un certificat de travail conformes à la présente décision,

 

. Condamne la société Re:sources France à rembourser à l’organisme concerné les indemnités de chômage éventuellement versées à Mme X depuis son licenciement dans la limite de six mois,

 

. Déboute Mme X du surplus de ses demandes,

. Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société Re:sources France,

 

. Condamne la société Re:sources France aux dépens et à verser à Mme  X la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

1.1) Sur la nullité du jugement :

Mme X sollicite l’annulation du jugement en soutenant que les premiers juges ont statué et motivé leur jugement en des termes incompatibles avec l’exigence d’impartialité, en violation de l’article 6 & 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales aux termes duquel toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial.

Elle reproche au conseil de prud’hommes d’avoir repris l’exacte position de l’employeur et affirmé des motivations strictement contredites par ses pièces et écritures traduisant de fait sa partialité, les premiers juges ayant pris fait et cause pour l’employeur. Elle dénonce les conditions de la tenue de l’audience de plaidoirie du 22 mars 2021 et son manque d’équité en soutenant que la décision a été prise sans examen des pièces communiquées avec un temps de parole limité pour elle et le Défenseur des droits, observant en outre que le président et directeur des ressources humaines de la société Re:sources est également président de l’une des chambres de la section encadrement du conseil de prud’hommes de Paris, élu sur une liste de l’organisation patronale du Medef comme l’était la présidente de la formation ayant statué.

Enfin, elle critique la motivation du jugement en ce qu’elle n’a pas tenu compte de ses pièces moyens et arguments.

La société Re:source France conclut au débouté en faisant valoir qu’en application de l’article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’impartialité d’un magistrat se présume jusqu’à preuve du contraire et qu’aucun élément ne permet de prouver les allégations de Mme X quant à l’absence d’examen des pièces par les premiers juges. Elle rappelle que ceux-ci ne sont pas tenus lorsqu’ils usent de leur pouvoir souverain d’appréciation de s’expliquer sur les éléments de preuve qu’ils décident d’écarter ni même de viser ces pièces.

Elle fait valoir qu’en réalité la critique de Mme X ne vise qu’à reprocher au conseil de prud’hommes d’avoir retenu que ses pièces ne démontrent pas la réalité de ses allégations.

Elle ajoute que Mme X n’apporte aucun élément de preuve sur le temps de parole de son conseil à l’audience qui aurait été limité et soutient enfin que le seul fait de l’appartenance d’un conseiller prud’homal à un syndicat n’est pas suffisant pour caractériser la partialité dénoncée.

La cour rappelle qu’en application de l’article R. 1454–25 du code du travail, la décision du conseil de prud’hommes peut valablement être rendue à l’issue des débats.

Dès lors, Mme X ne peut se prévaloir de cette situation pour soutenir, sans l’établir par d’autres éléments concrets, que les premiers juges n’ont pas examiné les pièces du dossier.

Par ailleurs, elle n’apporte aucun élément pour prouver la partialité des juges lors de la tenue de l’audience de plaidoirie. Enfin s’agissant de l’appartenance syndicale de la présidente de la formation de jugement et du président de la société ressource France la cour rappelle qu’il résulte de l’article L 1457–1 du code du travail que la circonstance qu’un ou plusieurs membres d’un conseil de prud’hommes appartiennent à la même organisation syndicale que l’une des parties au procès n’est pas de nature à affecter l’équilibre d’intérêts inhérents au fonctionnement de la juridiction prud’homale ou à mettre en cause la partialité de ses membres.

Par ailleurs, si un jugement ne doit pas se borner au titre de sa motivation à reproduire sur tous les points en litige, à l’exception de quelques aménagements du style, les conclusions de l’employeur, il n’en demeure pas moins que le juge apprécie souverainement les éléments de faits qui lui sont présentés, qu’il peut reproduire certains paragraphes des conclusions de la partie à laquelle il est donné satisfaction dès lors que sa décision est motivée, comme c’est le cas en l’espèce et qu’il n’a pas à rentrer dans le détail des arguments des parties ni s’expliquer sur les pièces qu’il écarte.

Dès lors que le jugement critiqué ne révèle pas la partialité alléguée, la cour rejette la demande de nullité présentée.

1.2) Sur la discrimination alléguée :

Mme X soutient que pendant plus de huit ans elle a subi une discrimination fondée sur son état de santé qui s’est manifestée par :

- l’absence d’évolution salariale contrairement à ses collègues dans une situation identique

à la sienne et ce en dépit de ses demandes d’augmentation, en raison de la volonté délibérée de M. D de geler son salaire,

- le refus de la société d’adapter et de modifier son poste de travail conformément aux préconisations du médecin du travail et aux alertes de la salariée,

- le rejet injustifié de ses demandes de mobilité.

La société Re:sources France conclut au débouté en soutenant que Mme X n’a été victime d’aucune discrimination salariale en raison de son état de santé, qu’elle n’a subi aucune inégalité de traitement et a été traitée de la même façon que les salariés qui se trouvent dans une situation comparable à la sienne et qu’elle ne présente aucun élément de nature à établir l’existence d’une inégalité de traitement dès lors qu’elle a bénéficié d’augmentations de salaires et de primes régulières.

La cour rappelle que toute discrimination en raison de l’état de santé est prohibée par l’article L. 1132-1 du code du travail et qu’en application de l'article L.1134-1 du même code, en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné entant que de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il en résulte que lorsque le salarié présente des éléments de faits constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’une discrimination et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs qui y sont étrangers.

i) Sur l’absence d’évolution salariale :

Mme X fait valoir que depuis 2010 son salaire n’a jamais augmenté, contrairement à celui de ses collègues du même service, engagés en qualité de responsables et s’appuie sur ses bulletins de paie qui révèlent selon elle, qu’en 2010, elle avait un salaire de base de 3 290,97 euros et une indemnité “accord 35 heures” de 376,03 euros soit un salaire de base total de 3 667 euros brut, salaires qu’elle conservait en 2011 et 2012.

Elle soutient que si en 2013, par l’application d’une convention de forfait en jours illicite puisqu’elle ne l’a pas acceptée, elle a vu son salaire augmenter de 40 euros il s’agissait d’une compensation des heures supplémentaires dont elle a bénéficié à l’instar de tous ses collègues de sorte que son salaire mensuel brut de base est passé à 3 707 euros. Elle précise qu’en 2014, son salaire était calculé sur une base de 3 747 euros brut qu’il en était de même en 2015, en 2016 en 2017 et jusqu’au mois de juin 2018, mois à partir duquel son salaire a été augmenté de 50 euros.

Elle soutient que depuis 2012, elle sollicitait des augmentations en communiquant les mails en ce sens de 2012, 2013 et qu’elle se heurtait à la volonté délibérée de M. D, directeur du service de comptabilité générale de geler son salaire.

Elle communique un mail de sa part adressé à ce dernier le 26 juillet 2016 s’étonnant de cette situation ainsi qu’une attestation de sa supérieure hiérarchique, Mme V selon laquelle celle-ci demandait chaque année qu’une augmentation soit accordée à Mme X et que M. D rayait son nom de la liste en disant que c’était lui qui décidait “pour X ”;

Elle procède à une comparaison avec les bulletins de paie de 9 salariés placés dans une situation comparable à la sienne, en contrat de travail à durée indéterminée, avec une ancienneté et une expérience comparable ou inférieure à la sienne et des diplômes similaires dont il ressort selon elle que tous ont connu en 5 à 10 ans un pourcentage d’augmentation de salaire supérieur au sien et que son salaire, sur la base d’un temps plein, est inférieur à celui de 5 d’entre eux.

Pour lire l’intégralité de la brève, cliquez sur le lien ci-dessous

https://www.legavox.fr/blog/frederic-chhum-avocats/discrimination-salariale-traitement-discriminatoire-harcelement-34726.htm

 

Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)

CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)

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