La protection du locataire contre la résiliation du bail emphytéotique
Le bail emphytéotique confère au preneur un droit réel pour la durée du bail, c'est-à-dire un droit de quasi-propriétaire temporaire (Code rural, article L451-1).
Ce type de bail doit être conclu pour une durée longue, comprise entre 18 et 99 ans (Code rural, article L451-1).
Par principe, la résiliation du bail à l'initiative du bailleur est possible. Cependant, une faute suffisamment grave doit être caractérisée, et des exigences particulièrement strictes sont posées concernant la résiliation pour impayé en matière de bail emphytéotique :
"A défaut de paiement de deux années consécutives, le bailleur est autorisé, après une sommation restée sans effet, à faire prononcer en justice la résolution de l'emphytéose.
La résolution peut également être demandée par le bailleur en cas d'inexécution des conditions du contrat ou si le preneur a commis sur le fonds des détériorations graves." (Code rural, article L451-5).
La clause de résiliation de plein droit, incompatible avec le régime du bail emphytéotique
S'appuyant sur ces éléments du régime, la Cour de cassation a anciennement reconnu l'incompatibilité de la clause de résiliation de plein droit avec le régime du bail emphytéotique :
"Attendu que, pour qualifier les contrats liant les parties de baux emphytéotiques, l'arrêt retient que le caractère emphytéotique ne peut être écarté par l'effet de la clause de résiliation, en faveur du bailleur en cas de non-paiement du loyer, la précarité imposée à l'emphytéote ayant son origine dans son propre fait ; Qu'en statuant ainsi, alors qu'une clause de résolution de plein droit confère à la jouissance du preneur une précarité incompatible avec la constitution d'un droit réel, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;" (Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 14 novembre 2002, 01-13.904, Publié au bulletin).
"Attendu que, pour mettre fin aux sous-locations consenties par la Caisse centrale de réassurance à la société Euro-Publi Marcel X... et à M. Marcel X... sur une partie d'immeuble appartenant à la Société civile immobilière du ... et à M. Y..., l'arrêt attaqué (Paris, 6 juillet 1989) retient, par motifs propres et adoptés, que ces sous-locations sont arrivées à expiration en même temps que le bail principal, car celui-ci était de nature emphytéotique ; Qu'en statuant ainsi, alors que les propriétaires s'étaient réservé une faculté de résiliation du contrat pour leur permettre de vendre ou de démolir l'immeuble, ce qui donnait au droit de jouissance du preneur un caractère précaire incompatible avec la constitution d'une hypothèque et excluait le caractère emphytéotique du bail principal, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;" (Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 15 mai 1991, 89-20.008, Publié au bulletin).
Cependant, ces arrêts renseignaient peu sur la sanction de ces clauses, semblant déduire de leur présence que le bail n'était pas emphytéotique puisque les parties avaient créé une précarité en insérant une clause de résiliation de plein droit.
La sanction de la clause de résiliation de plein droit : elle est réputée non-écrite
Un premier arrêt d'appel complète cette jurisprudence ancienne de la Cour de Cassation. Il est désormais admis que la clause de résiliation de plein droit est réputée non-écrite :
"Le bail du 27 février 2008 contient une clause résolutoire en page 4, selon laquelle à défaut notamment de paiement de trois mois de loyer ou à défaut d'exécution d'une seule des conditions du bail, après simple commandement de payer ou mis en demeure, le bail est résilié immédiatement et de plein droit.
Or il est de droit constant que ne peut être prononcée la résiliation d'un bail emphytéotique par application d'une clause résolutoire de plein droit.
Dès lors, cette clause sera réputée non-écrite." (Cour d'appel de Bordeaux, 2 décembre 2024, n°22/05237).
S'il s'agit d'un premier pas vers un courant jurisprudentiel en ce sens, il convient néanmoins de noter que cette position n'est pas encore adoptée par la Cour de cassation.
Les rédacteurs de baux emphytéotiques doivent donc veiller scrupuleusement à éviter ces clauses, pourtant courantes en pratique. Elles privent en effet le bailleur d'un recours efficace, celui-ci devant se contenter des principes posés par le Code et rappelés ci-avant.
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Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes
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