Par un arrêt du 15 février 2024, la Cour d'appel de PARIS a condamné la société CAP SOLEIL ENERGIE pour avoir fait signer un bon de commande vide de toute information, à des clients.

Cet arrêt est donc l'occasion d'un rappel juridique sur la question des obligations des vendeurs envers les consommateurs.




I. LES FAITS

Le 20 juillet 2017, suite à un démarchage à domicile, un particulier passe commande auprès de la société CAP SOLEIL ENERGIE de panneaux photovoltaïques, d'un ballon thermodynamique et d'une isolation sous toiture, le tout pour la somme de 25000€.

L'achat est financé au moyen d'un crédit souscrit auprès de SOFINCO, remboursable sur 10 ans.

Le 8 décembre 2017, l'acquéreur sollicite auprès du vendeur l'annulation du contrat avec copie du courrier adressé au préteur, au motif que :

"le projet ne pouvait s'autofinancer et qu'il existait des fuites d'eau dans le garage et dans la pergola. Il pointait également les différences de taux, de mensualité et de coût de crédit existant entre le bon de commande et le document émanant du prêteur. Il indiquait en outre que les travaux d'isolation n'avaient pas été réalisés"




II. PROCÈS

La venderesse est alors assignée devant le tribunal de LONGJUMEAU qui, par jugement du 24 février 2022, a :

  • prononcé la nullité du contrat de vente et du contrat de crédit affecté,
  • condamné la venderesse à rembourser l'acquéreur la somme de 25000€ et à reprendre à ses frais les matériels
  • condamné la société Capsoleil à payer à la banque la somme de 5 500 euros à titre de dommages intérêts

la société CAP SOLEIL ENERGIE interjette alors appel, mais en vain !

En effet, la cour d'appel de a reproché à la venderesse d'avoir fait signé un bon de commande sommaire à son client, faute d'indiquer :

  • la puissance en WC, la marque, le nombre des panneaux photovoltaïques vendus
  • la marque, la référence et la capacité en litres du ballon thermodynamique
  • la surface à isoler 

le bon de commande en la possession de l'acquéreur décrivait l'installation comme suit :

  • "Panneaux Photovoltaïque Certifiés CE Marque A Aa '''''. Nombre de capteurs ''''''. Puissance unitaire du Capteur ''''' Total puissance '''''''Wc" mais aucune mention n'est remplie  
  • "ballon thermodynamique livraison pose pièces main d'œuvre et déplacement marque '''''. référence '''''. capacité '''''.litres" mais aucune mention n'est remplie  
  • "isolation sous toiture livraison pose pièces main d'œuvre et déplacement marque '''. intérieur extérieur option cloison BA 13 surface à isoler totale nombre de ''''''.m²''''." mais aucune case n'est cochée et aucune mention n'est remplie.  
  • aucun prix n'est indiqué dans le bon de commande !

De fait, la Cour d'appel a reproché à la venderesse de ne pas avoir renseigné l'acquéreur avec suffisamment de précision sur les biens acquis ou leurs caractéristiques et le cas échéant d'avoir pu lui permettre comparer les biens vendus auprès de sociétés concurrentes notamment pendant le délai de rétractation.

Pire, la Cour d'appel a constaté que "le bon de commande resté en la possession du vendeur comporte beaucoup plus de mentions qui ont donc été rajoutées ensuite."

Autrement dit, le vendeur a triché sur le bon de commande en sa possession !

Par conséquent, la Cour d'appel a confirmé le jugement attaqué enn annulant la vente et en condamnant la société CAP SOLEIL ENERGIE à rembourser ses clients.




III. EXPLICATIONS JURIDIQUES SUR LA CONDAMNATION DE LA SOCIETE CAP SOLEIL ENERGIE

En premier lieu, cela peut sembler évident, mais la marque d'un bien est une caractéristique essentielle dans un contrat !

La Cour de cassation l'a clairement énoncé dans un arrêt du 24 janvier 2024 (pourvoi n°21-20.691).

L'argument peut prêter à sourire, mais il nous est arrivé d'être confronté à quelques juridictions qui statuaient dans le sens inverse (par exemple, jugement du tribunal de NARBONNE du 14 décembre 2020  écartant toute  cause  de  nullité  de la vente malgré l'utilisation  de  l'expression  "ou  équivalent" pour désigner la marque des panneaux, cette mention n'était pas assimilée à un défaut d'information mais à une modalité de gestion de disponibilité de stocks.)

Aussi, en l'absence de marque, la vente est nulle !

En deuxième lieu, il est obligatoire de mentionner le prix d'un bien vendu, faute de quoi la vente est également nulle ou alors le bien est gratuit...

On rappellera que "Les prix des biens, produits et services […] sont librement déterminés par le jeu de la concurrence" (article L. 410-2 du code de commerce) et que "Tout vendeur de produits ou tout prestataire de services informe le consommateur, par voie de marquage, d'étiquetage, d'affichage ou par tout autre procédé approprié, sur les prix et les conditions particulières de la vente et de l’exécution des services" (article L. 112-1 du code de la consommation).

En effet, dans la présente affaire, aucun prix n'était mentionné sur le bon de commande, ce qui était totalement illégal, car le vendeur avait été payé par la banque. 

En dernier lieu, le bon de commande qui prévaut en justice est celui détenu par l'acquéreur et non celui du vendeur.

En effet, en l'espèce, le vendeur avait ajouté des éléments sur son bon de commande (marque, prix, etc.) pour faire croire aux juges que la vente était régulière !

Cette tricherie est irrecevable et inacceptable en justice ! les magistrats sollicitent très souvent les originaux des bons de commande, afin de lever tout doute.

Du reste, la falsification d'un bon de commande exclut le consentement des parties exigé par l'article 1128 du code civil (ancien article 1108) et permet aux juges de prononcer la nullité du contrat de vente (en ce sens, CA RIOM, 13 décembre 2023, affaire X. C/ DEEGON et COFIDIS).




Me Grégory ROULAND - avocat au Barreau de PARIS

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