L’incapacité permanente correspond à l’existence d’une infirmité qui pour conséquence de réduire, de manière définitive, la capacité de travail de la victime. Cette incapacité peut être totale ou partielle, selon la nature et la gravité des lésions. En effet la guérison de l’assuré social met fin à l’incapacité temporaire. Il en va de même si son état se stabilise (on parle de consolidation). 

Ainsi dans cette hypothèse, l’assuré est fondé à réclamer à la CPAM la réparation de l’incapacité permanente, totale ou partielle qui peut être réparée par une rente. Conformément à l’article R. 434-31 du Code de la sécurité sociale, « Dès qu'il apparaît que l'accident a entraîné, entraîne ou paraît devoir entraîner la mort ou une incapacité permanente de travail, la caisse, à quelque époque que ce soit, prend l'avis du service du contrôle médical (…) ».

Dès lors l’IPP, est évaluée par le médecin conseil de la caisse au vu des avis du médecin traitant et du médecin du travail après la guérison complète (c’est-à-dire sans séquelles) ou après la consolidation (stabilisation avec d’éventuelles séquelles indemnisables). Cette évaluation du taux s’apprécie ainsi à la date de la consolidation de l’assuré.

Cependant l’IPP a une double indemnisation, en effet son taux doit être évalué « d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité » (article L. 434-2 alinéa 1er du Code de la sécurité sociale), mais également une indemnisation comportant un volet « professionnel » ou « socio professionnel » dont le but est d’évaluer les conséquences de l’incidence professionnelle de l’assuré.

A ce titre, il convient de rappeler que par une décision du 18 juin 2010 (Cons, consti, 18 juin 2010, décret n°2010-8 QPC), le Conseil constitutionnel a estimé qu’en présence d’une faute inexcusable de l’employeur, ces dispositions ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victime d’actes fautifs, faire obstacle à ce que ces mêmes personnes, devant les juridictions de Sécurité sociale, puissent demander à l’employeur réparation de l’ensemble des dommages non couverts par le Code de sécurité sociale. Cette décision institue donc, au profit des victimes d’accidents du travail/maladies professionnelles et de leurs ayants droit, le droit à une indemnisation intégrale de leur préjudice subis du fait de l’accident ou de la maladie, dès lors que ceux-ci trouvent leur cause dans la faute inexcusable de l’employeur.

Ces dernières années, de nombreuses décisions de la Cour de cassation ont été rendues pour mettre un terme à une différence de traitement entre les accidentés du travail et les victimes de droit commun.

Maitre Johan Zenou expert en droit de la sécurité sociale évoque successivement la réparation forfaire de la rente AT/MP (1), la réparation de l’incidence professionnelle et perte de gains futurs professionnels (2) et enfin l’absence de prise en compte du déficit fonctionnel permanent dans la rente AT/MP (3).

 

I. Sur la réparation forfaitaire de la rente AT/ MP

En vertu de l’article L. 434-2 du Code de la sécurité sociale, « le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité ». Il ressort de cet article que la réparation des dommages corporels d’un accident du travail est concrète et somme toute objective puisque dépendant un «barème indicatif d’invalidité ».

Cependant il convient de rappeler pour commencer que ce barème est indicatif cela signifie qu’il n’est pas contraignant pour les caisses dont l’évaluation se fait par le médecin conseil au cas par cas (ou in concreto).

A noter : également que la caisse nationale d’assurance maladie a diffusé auprès des médecins conseils des barèmes moins favorables, et la CNAM de poursuivre « le document diffusé est un outil mis à la disposition des médecins conseils : comme tel, il n'a pas valeur réglementaire » (Voir la circulaire CNAM n°15/2013 du 19 novembre 2013).

Aussi sous l’apparence d’une évaluation objective par un barème indicatif d’invalidité la réparation de cette rente, se révèlera aléatoire et complétement subjective d’un médecin conseil à l’autre. Rappelons que les instructions de la CNAM sont pour l’heure aux économies donc les médecins conseils ne sont pas forcément d’une grande générosité dans l’attribution d’un taux d’IPP.

Qui plus est comment déterminé les conséquences d’une incidence professionnelle pour un assuré qui est maçon ?

Les médecins conseils ne sont pas des experts des tribunaux pour l’indemnisation des préjudices corporels et encore moins des médecins du travail pour juger de l’inaptitude à occuper un emploi ou des conséquences d’une réorientation professionnelle pour un maçon qui ne plus porter de charges lourdes par exemple ?

 

II. Sur la réparation de l’incidence professionnelle et perte de gains futurs professionnels

 

Tout d’abord il conviendra de définir l’incidence professionnelle, selon la nomenclature Dintilhac, l'incidence professionnelle a pour objectif d'indemniser : les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle, tel que le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle.

Depuis quelques années, les praticiens constatent que les juges tendent à octroyer un taux d’IPP tenant compte d’autres facteurs, qui influent sur la situation socio professionnelle de la victime que l’on nomme le « taux professionnel » ou bien encore le « coefficient professionnel » en plus du taux strictement médical fixé par le médecin conseil. Ce taux tient compte de l’inaptitude totale ou partielle à exercer l’activité professionnelle antérieure avec possibilité ou non de réorientation ou enfin avec une rémunération moins élevée.

A ce titre, il appartient au juge de rechercher « dans quelle mesure les séquelles de l’accident étaient susceptibles d’entrainer une modification dans la situation professionnelle de la victime, au regard notamment de ses aptitudes et de sa qualification professionnelle » (Voir en ce sens l’arrêt de la Cass, 2ème civ, 24 juin 2021, n°20-10.714 et Cass, 2ème civ, 9 mai 2019, n°17-11.350).

De ce fait, il doit être pris en compte la difficulté pour l’assuré de poursuivre son activité, la nécessité d’envisager une reconversion professionnelle mais également le niveau d’instruction de l’assuré et la difficulté qu’il aura à se réinsérer sur le marché du travail du fait se son âge, de sa qualification professionnelle, mais aussi les difficultés que l’assuré va rencontrer pour apprendre une autre qualification du fait de sa qualification professionnelle initiale… (Par exemple, il sera plus difficile pour un maçon de faire un travail type administratif car il sera contraint de maitriser parfaitement le français). 

Au final, le juge devra évaluer la perte de salaire subi du fait de la réorientation professionnelle de l’assuré, la perte de salaire peut également être évaluée dans le temps, c’est-à-dire que l’on indemnise un salarié qui est resté sans activité durant plusieurs années après la consolidation. L’assuré est fondé à demander l’indemnisation des deux années de salaire, dont il a été privé sans déduction des indemnités France Travail.

Rappel juridique : Les PGPF ou perte de gains professionnels futurs correspondent à la perte ou à la diminution des revenus consécutive à l’incapacité permanente à compter de la date de consolidation.

 

III. Sur l’absence de prise en compte du déficit fonctionnel permanent dans la rente AT/MP

 

Par un revirement que l’on pourrait qualifier de salutaire et de souhaitable, l’assemblée plénière de la Cour de cassation est revenue sur sa jurisprudence traditionnelle en estimant que « l'ensemble de ces considérations conduit la Cour à juger désormais que la rente ne répare pas le déficit fonctionnel permanent » (Cass. Ass. plèn., 20 janvier 2023, n° 20-23.673 et n° 21-23.947).

Mais dès lors à quoi correspond le DFP ? Selon la nomenclature DINTHILLAC « Cette notion regroupe, outre les troubles dans les conditions d’existence, l’atteinte aux fonctions physiologiques, la perte de la qualité de vie et les douleurs permanentes – c’est-à-dire post-consolidation ». En droit commun de l’indemnisation donc, le déficit fonctionnel permanent inclut l'ensemble des souffrances physiques et psychiques endurées ainsi que les troubles qui leur sont associés.

Tout d’abord cette jurisprudence permet aux salariés victime d’un AT/MP ayant perçu une rente, ainsi que la majoration de la rente en cas de reconnaissance de la faute inexcusable conformément à l’article L.452-2 du Code de la sécurité sociale de solliciter en outre des indemnités complémentaires réparant les différents préjudices compris dans le DFP.

Le DFP (déficit fonctionnel permanent) répare tout autre chose que la perte de la capacité de tirer subsistance de son corps par le travail. Nous sommes ici sur le versant spécifiquement personnel et extrapatrimonial, c’est-à-dire celui qui concerne toute la vie (perte de qualité de vie) qui se déroule en dehors de la sphère professionnelle.

Bon à savoir : Cette nouvelle jurisprudence est transposable lorsque le dommage a été causé par un tiers responsable, dans l’indemnisation du contentieux de l’amiante, de la faute inexcusable de l’employeur et enfin l’indemnisation par la loi BADINTER : loi sur les accidents de la circulation (Loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation).

Enfin, la rente AT/MP ne s’impute plus sur le poste du DFP : la victime ne se trouve plus bloquée par le versement de la CPAM, qui autrefois réparé ce poste de préjudice lors du versement de la rente. Le principe de la réparation intégrale, et le principe indemnitaire tout le préjudice, rien que le préjudice s’inscrivent dans une logique de personnalisation de l’indemnisation. L’indemnisation de chaque poste de préjudice doit être déterminée avec précision, de manière à le compenser dans son intégralité.

La CPAM vous a octroyé un taux d’IPP suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle qui est consolidé. Vous estimez que ce taux est sous-évalué et vous aimeriez contester ce taux soit à titre amiable devant la commission médicale de recours amiable (dite CMRA) soit à titre contentieux devant le tribunal judiciaire pôle social afin de solliciter une expertise médicale ?

Le Cabinet ZENOU, expert en indemnisation de la rente AT/MP à Paris 20ème vous accompagne et vous défend afin d’obtenir le meilleur taux possible d’IPP.