La communauté de communes du Golfe de Saint-Tropez avait approuvé son SCOT en octobre 2019. Après suspension par le préfet du Var en application de l’article L. 143-25 du code de l’urbanisme, elle a engagé une procédure de modification, approuvée le 21 juin 2023. La commune de Ramatuelle conteste cette délibération, particulièrement la délimitation des espaces proches du rivage sur son territoire, incluant des zones situées jusqu’à 3,5 km de la mer.
La décision
La Cour annule d’abord le jugement du tribunal administratif de Toulon pour insuffisance de motivation, avant d’évoquer l’affaire au fond. Elle censure la délibération en raison d’une méconnaissance des règles de délimitation des espaces proches du rivage prévues par la loi Littoral.
L’apport jurisprudentiel : le respect impératif des trois critères cumulatifs
La Cour rappelle que trois critères doivent être pris en compte pour qualifier un espace proche du rivage : la distance au rivage, le caractère urbanisé ou non, et la covisibilité avec la mer. Si chaque parcelle n’a pas nécessairement à être en covisibilité directe avec la mer, elle doit s’inscrire dans un ensemble cohérent.
L’apport majeur de cet arrêt réside dans la censure d’une méthode privilégiant quasi-exclusivement le critère de la covisibilité. La Cour constate que la communauté de communes s’est bornée à produire des photographies démontrant la visibilité depuis la plaine agricole, sans véritablement analyser le caractère urbanisé des secteurs ni justifier l’inclusion de zones très éloignées du littoral.
Cette erreur méthodologique constitue une violation de l’article L. 131-1 du code de l’urbanisme imposant la compatibilité des SCOT avec les dispositions particulières au littoral. La Cour qualifie cette erreur de droit d’indivisible, entraînant l’annulation de l’ensemble de la délimitation sur tout le territoire du SCOT.
Une exigence de cohérence documentaire
La Cour relève également une contradiction interne aux documents du SCOT. Le DOO fixe une distance moyenne d’un kilomètre, modulable selon les autres critères, sans privilégier l’un d’eux. Or, les cartes annexées incluent des secteurs situés à plusieurs kilomètres, en privilégiant manifestement la covisibilité. Cette incohérence entre les orientations écrites et leur traduction cartographique participe du vice d’illégalité.
Portée et impacts pratiques de la décision
Cet arrêt constitue un rappel salutaire des exigences de la loi Littoral. Il sanctionne une approche trop extensive des espaces proches du rivage fondée sur un critère unique, et affirme la nécessité d’une analyse équilibrée et documentée des trois critères légaux.
L’enjeu est paradoxalement favorable à l’urbanisation. En censurant une délimitation qui incluait des zones jusqu’à 3,5 km du rivage sur le seul fondement de la covisibilité, la Cour impose une réduction substantielle du périmètre des espaces proches. Or, dans ces espaces, l’article L. 121-13 du code de l’urbanisme n’autorise qu’une “extension limitée de l’urbanisation”, strictement encadrée.
Concrètement, les zones exclues des espaces proches du rivage retrouvent un régime juridique plus souple, permettant une urbanisation moins contrainte. La communauté de communes devra redélimiter ces espaces selon une méthode équilibrée : un secteur agricole non urbanisé situé à 3 km du littoral, même visible depuis la mer, ne pourra plus être systématiquement classé en espace proche.
Cette jurisprudence illustre la tension permanente du droit du littoral : protéger sans fossiliser. Les collectivités devront désormais justifier précisément leurs choix selon une méthodologie rigoureuse, sous peine d’annulation pour erreur de droit.

Pas de contribution, soyez le premier