REFORME DU CODE DU TRAVAIL : INDEMNITES PRUD’HOMALES

 

L’ordonnance relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, en application de la loi d’habilitation, présentée le 31 août 2017 prévoit un barème de dommages et intérêts impératif avec pour objectif déclaré de donner « sécurité et visibilité sur les contentieux potentiels »

 

 I - Actuellement le Code du travail opère une distinction entre les salariés en fonction de leur ancienneté et de la taille de l’entreprise pour fixer le montant de l’indemnité que le juge peut leur octroyer dans le cadre d’un contentieux prud’homal.

1. Le salarié a une ancienneté supérieure à 2 ans au sein d’une entreprise de plus de 11 salariés

Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise,

Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. (Article L1235-3)

Dans la pratique, la réintégration n’est quasiment jamais proposée par le tribunal ; le salarié ne la demandant que très rarement soit parce-qu’il ne souhaite pas revenir dans l’entreprise soit parce-qu’il suppose que l’employeur ne l’accepterait pas.

Au-delà de ce minimum légal, la fixation du montant de l'indemnité relève du pouvoir souverain d'appréciation du juge du fond.

L'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est cumulable avec les indemnités de rupture (licenciement légale ou conventionnelle de licenciement, indemnité compensatrice de préavis et de congés payés …)

2. Le salarié a une ancienneté inférieure à 2 ans au sein d’une entreprise de moins de 11 salariés

Les dispositions relatives notamment à l'absence de cause réelle et sérieuse ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés,.

Le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi. (Article L1235-5)

 II - L’ordonnance présentée le 31 août 2017 (Article 2) maintient une distinction en fonction de la taille de l’entreprise et de l’ancienneté mais prévoit désormais un barème avec une indemnité minimale (qui n’est plus de 6 mois mais de 3 mois à compter de 2 ans d’ancienneté) et une indemnité maximale.

  1. Entreprise de plus de 11 salariés

Il est prévu que « si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous.

Ancienneté du
salarié dans
l’entreprise (en années complètes)

Indemnité minimale

(en mois de salaire brut)

Indemnité maximale

(en mois de salaire brut)

 

0

Sans objet

1

 

1

1

2

 

2

3

3

 

3

3

4

 

4

3

5

 

5

3

6

 

6

3

7

 

7

3

8

 

8

3

8

 

9

3

9

 

10

3

10

 

11

3

10 ,5

 

12

3

11

 

 

13

3

11,5

 

14

3

12

 

15

3

13

 

16

3

13,5

 

17

3

14

 

18

3

14,5

 

19

3

15

 

20

3

15,5

 

21

3

16

 

22

3

16,5

 

23

3

17

 

24

3

17,5

 

25

3

18

 

26

3

18,5

 

27

3

19

 

28

3

19,5

 

29

3

20

 

30 et au-delà

3

20

 

« Pour déterminer le montant de l’indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l’occasion de la rupture. »

Ainsi le plancher, à compter de 2 ans d’ancienneté, est de 3 mois dans tous les cas mais les salariés ayant au moins 30 ans d’ancienneté peuvent obtenir une indemnité de 20 mois de salaire maximum.

 

  1. Entreprise de moins de 11 salariés

En cas de licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, ce sont les montants minimaux fixés ci-dessous qui sont applicables, à titre dérogatoire :

Ancienneté du salarié dans

l’entreprise(en années complètes)   

Indemnité minimale
(en mois de salaire brut)

0

Sans objet

1

0,5

2

0,5

3

1

4

1

5

1,5

6

1,5

7

2

8

2

9

2,5

10

2,5

 

Dispositions non applicables en cas de nullité du licenciement

Ces dispositions ne sont pas applicables « lorsque le juge constate que le licenciement est nul en application d’une disposition législative en vigueur ou qu’il est intervenu en violation d’une liberté fondamentale. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. »

Les nullités mentionnées à l’alinéa précédent sont celles qui sont afférentes à la violation d’une liberté fondamentale, à des faits de harcèlement moral ou sexuel, à un licenciement discriminatoire ou consécutif à une action en justice en matière d’égalité professionnelle entre hommes et femmes ou en matière de dénonciation de crimes et délits, ou de l’exercice d’un mandat par un salarié protégé, ainsi que des protections dont bénéficient certains salariés (état de grossesse, congés de paternité, accident du travail ou maladie professionnelle …)

 

Entrée en vigueur  (Article 43 de l’ordonnance)

Ces dispositions sont applicables aux licenciements notifiés postérieurement à la publication de la présente ordonnance.

Il convient de rappeler qu’aux termes du calendrier communiqué, suite à la présentation le 31 août 2017 des 5 projets d’ordonnance, interviendra une consultation des instances consultatives  et que la présentation et l’adoption des ordonnances a été fixée au Conseil des ministres du 22 septembre 2017.

 

Délai de recours aux prud'hommes unifié  (Article 6 de l’ordonnance)

Actuellement, le délai de recours est fixé à un an pour les licenciements économiques et à deux ans pour les autres.

L’ordonnance prévoit que désormais :

« Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter

de la notification de la rupture. »

Ces dispositions s’appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente ordonnance.

Lorsqu'une instance a été introduite avant la promulgation de la présente ordonnance, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne, y compris en appel et en cassation.