Comment se faire rembourser des honoraires de consultation juridique illicite ?
Introduction
En décembre 2025, la Cour d’appel de Paris a rendu un arrêt (RG 23/03895) qui rappelle qu’une activité exercée dans des conditions illicites conduit à l’annulation du contrat et, le cas échéant, au remboursement des honoraires.
La consultation juridique est règlementée en France et ne peut pas être exercée par n’importe qui.
Une société non habilitée, qui exerce des activités réservées aux avocats, se voit obligée de rembourser les honoraires perçus, au titre de son activité de consultation juridique.
Cet arrêt, opposant une société spécialisée en optimisation fiscale (dénommée "Société X" pour les besoins de cet article) à une société immobilière ("Société Y") et au Conseil National des Barreaux (CNB), illustre les conséquences juridiques et financières pour une société non autorisée réalisant des prestations réservées aux professions réglementées, comme les avocats.
Il offre également des pistes concrètes pour les victimes de telles pratiques illicites afin d’obtenir réparation.
- Le contexte : une mission d’audit aux contours juridiques
La Société X, spécialisée dans l’optimisation fiscale, avait conclu en 2013 un contrat avec la Société Z (une société civile immobilière) pour vérifier et contester les bases d’imposition de plusieurs taxes (taxe foncière, CVAE, CET, etc.).
La rémunération de la Société X était fixée à 30 % des dégrèvements obtenus, un mécanisme proche du pacte de quota-litis , interdit aux avocats en France.
Le CNB, représentant la profession d’avocat, est intervenu dans le litige pour faire annuler la convention, arguant que la Société X avait exercé des activités réservées aux avocats, en violation de la loi du 31 décembre 1971.
La Cour d’appel de Paris a confirmé cette analyse, annulant le contrat et condamnant la Société X à restituer partiellement les sommes perçues.
2. Pourquoi la convention a-t-elle été annulée ?
a) Une activité réservée aux avocats
La Cour a rappelé que la consultation juridique et la représentation devant l’administration fiscale constituent des activités réglementées, réservées aux professions suivantes (art. 54 et 56 de la loi du 31 décembre 1971) :
- Avocats inscrits à un barreau français,
- Avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation,
- Commissaires de justice (Huissiers de justice),
- Notaires,
- Administrateurs judiciaires et mandataires-liquidateurs.
La Société X, bien qu’agréée pour des activités d’optimisation des coûts, a dépassé ce cadre en :
- Analysant la situation fiscale de son client au regard des textes en vigueur,
- Rédigeant des actes (rapports d’audit, demandes de dégrèvement),
- Défendant directement les intérêts de son client devant l’administration fiscale.
Ces prestations relèvent de la consultation juridique, qui ne peut être exercée que par des professionnels appartenant à des professions règlementées à titre principal.
La Cour a donc conclu à la nullité du contrat pour illicéité de son objet.
b) L’absence de qualité pour exercer ces missions
La Société X invoquait un agrément dans le domaine de l’optimisation des coûts, mais celui-ci ne couvre pas les activités juridiques à titre principal. La Cour a souligné que :
« Les prestations fournies excédaient la simple information juridique et constituaient une véritable consultation juridique à titre principal. »
La société n’avait pas la compétence requise pour donner des avis personnalisés ou représenter son client dans un contentieux fiscal, activités réservées aux avocats.
3. Comment obtenir le remboursement des honoraires versés ?
a) L’annulation rétroactive du contrat
L’annulation d’un contrat pour illicéité entraîne son effacement rétroactif (art. 1178 du Code civil).
Les parties doivent être remises dans leur état initial :
- Le client (ici, la Société Z) n’a plus à payer les honoraires,
- Le prestataire (la Société X) doit restituer les sommes perçues pour les prestations illicites.
Dans cette affaire, la Cour a condamné la Société Z à verser 1 500 € à la Société X, correspondant à la valeur d’un mail envoyé à l’administration fiscale pour demander un dégrèvement en 2014.
Cette somme a été jugée restituable, car elle ne relevait pas d’une prestation purement juridique.
b) La preuve du préjudice pour le CNB
Le CNB a obtenu 10 000 € de dommages et intérêts pour atteinte au monopole des avocats.
La Cour a estimé que :
« La réalisation illégale de prestations juridiques porte atteinte à l’ordre public professionnel et justifie une réparation. »
Pour les victimes (entreprises ou particuliers), cela signifie que :
1. Le contrat est nul : aucune obligation de paiement ne subsiste.
2. Les sommes déjà versées peuvent être récupérées si elles correspondent à des prestations illicites.
3. Un préjudice moral ou économique peut être indemnisé si la profession d’avocat a subi un dommage (ex. : perte de chance de facturer ces prestations).
4. Les enseignements pour les entreprises et particuliers
a) Vérifier la qualité du prestataire
Avant de confier une mission à caractère juridique, il est essentiel de s’assurer que le prestataire est habilité à exercer. Les critères à vérifier :
- Inscription à un barreau (pour les avocats),
- Agrément spécifique pour les activités accessoires (ex. : experts-comptables pour des conseils fiscaux limités),
- Absence de pacte de quota litis (rémunération proportionnelle aux gains obtenus), interdit en France.
b) Agir en justice pour faire annuler le contrat
Si une société non autorisée a réalisé des prestations juridiques, il est possible de :
1. Saisir le tribunal pour faire constater la nullité du contrat,
2. Demander la restitution des honoraires versés,
3. Solliciter des dommages et intérêts si un préjudice est établi (ex. : mauvaise défense devant l’administration).
c) Le rôle du CNB et des Ordres d’avocats
Le Conseil National des Barreaux, comme l’Ordre des avocats, peut intervenir pour défendre l’ordre public professionnel.
Dans cette affaire, son action a permis :
- L’annulation du contrat,
- Une condamnation symbolique de la Société X,
- Un rappel à l’ordre sur le respect des règles déontologiques.
Cela souligne l’importance de distinguer :
- Les conseils techniques (licites pour des sociétés spécialisées),
- Les conseils juridiques (réservés aux professions réglementées).
5. Que faire si vous êtes victime d’une consultation illicite ?
1. Consulter un avocat pour analyser la licéité du contrat,
2. Engager une action en nullité devant les tribunaux,
3. Demander la restitution des honoraires et des dommages et intérêts,
4. Saisir le CNB ou les Ordres des avocats locaux si le prestataire persiste dans ses pratiques illégales.
Conclusion
Cet arrêt rappelle que la consultation juridique est une activité règlementée, destiné à garantir la compétence et l’éthique des professionnels, dans l’intérêt du public et des entreprises.
Pour les entreprises et particuliers, cette décision offre une voie de recours claire en cas de prestations illicites : annulation du contrat, restitution des sommes versées, et indemnisation.
Méfiez-vous des sociétés proposant des services juridiques sans agrément.
En cas de doute, privilégiez toujours un avocat inscrit à un barreau, seule habilité à vous défendre pleinement.

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