La jurisprudence de la Chambre criminelle de la Cour de cassation relative aux nullités de procédure pénale en 2025 peut être envisagée à l’égard de divers actes d’enquête (I) et des actes d’information judiciaire (II).
I. Actes d’enquête divers
La jurisprudence a eu notamment à se prononcer sur la consultation des fichiers de police (A), la garde à vue (B), les dispositifs de géolocalisation (C), les perquisitions et saisies (D), les interceptions de communications (E) et certaines techniques spéciales d’enquête (F).
A. Consultation de fichiers de police
Selon l’article 15-5 du code de procédure pénale, « seuls les personnels spécialement et individuellement habilités à cet effet peuvent procéder à la consultation de traitements au cours d'une enquête ou d'une instruction.
La réalité de cette habilitation spéciale et individuelle peut être contrôlée à tout moment par un magistrat, à son initiative ou à la demande d'une personne intéressée. L'absence de la mention de cette habilitation sur les différentes pièces de procédure résultant de la consultation de ces traitements n'emporte pas, par elle-même, nullité de la procédure. »
En application de cet article, il appartient donc à la chambre de l'instruction saisie d’un requête en nullité invoquant un défaut d'habilitation des agents ayant consulté les fichiers des personnes recherchées (FPR) et de traitement d'antécédents judiciaires (TAJ), le cas échéant en ordonnant un supplément d'information, de vérifier la réalité d'une telle habilitation spéciale et individuelle pour chacun des fichiers consultés, sans que suffise, à cet égard, le versement en procédure de l'habilitation délivrée aux officiers de police judiciaire autorisant ces derniers à accéder aux applications fédérées sous le portail sécurisé CHEOPS-NG (dit système de Circulation Hiérarchisée des Enregistrements Opérationnels de la Police Sécurisés – Nouvelle Génération) (Crim. 4 novembre 2025, n° 25-81899).
B. Garde à vue
Il a été jugé que :
- il n’y a pas lieu d’établir d’un procès-verbal distinct pour chacune des diligences effectuées, retracées par le procès-verbal récapitulatif de fin de garde à vue (1) ;
- la nullité résultant du défaut de signature des procès-verbaux par l'officier ou agent de police judiciaire est subordonnée à l’établissement d’un grief (2) ;
- le gardé à vue est présumé ne pas être en état d’être informé de ses droits en cas de taux d'alcoolémie caractérisant l'imprégnation alcoolique au sens de l'article R. 234-1 du code de la route (3) ;
- il est nécessaire, en cas de report, même oral, de l’intervention de l’avocat, de mentionner, en procédure, les raisons impérieuses et la durée du report (4).
1. Absence de nécessité d’un procès-verbal distinct pour chacune des diligences effectuées, retracées par le procès-verbal récapitulatif de fin de garde à vue
L’article D. 15-5-3 du code de procédure pénale prévoit que « le procès-verbal récapitulatif de garde à vue prévu par l'article 64 mentionne les informations données et les demandes faites en application des articles 63-2 à 63-3-1 et les suites qui leur ont été données, sans qu'il soit nécessaire de dresser un procès-verbal pour chacune des diligences accomplies pour l'exercice de ces droits ».
Au visa de ces dispositions et de celles de l’article 64 du code de procédure pénale, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a censuré l’arrêt d’une chambre de l’instruction qui avait annulé une garde à vue, notamment au motif qu’aucun « procès-verbal postérieur à la notification des droits ne fait état des diligences qui auraient été réalisées pour aviser l'avocat ni ne mentionne si un entretien a effectivement eu lieu », alors que la Cour de cassation a pu juger, au vu des pièces de la procédure, dont elle a le contrôle, « que l'officier de police judiciaire a, dans le procès-verbal récapitulatif de fin de garde à vue, fait état des diligences accomplies à la suite de la demande faite par la personne placée en garde à vue pour s'entretenir avec l'avocat qu'elle avait choisi dès le début de la mesure, et des suites qui y avaient été données » (Crim. 6 mai 2025, n° 24-86.191).
2. Nullité résultant du défaut de signature des procès-verbaux par l'officier ou agent de police judiciaire subordonnée à l’établissement d’un grief
Aux termes de l'article 66 du code de procédure pénale, les procès-verbaux dressés par l'officier de police judiciaire en exécution des articles 54 à 62 du même code sont signés par lui sur chaque feuillet du procès-verbal, ce dont il se déduit que l'inobservation de cette formalité, qui a pour objet d'identifier l'auteur des procès-verbaux et des actes dont ils attestent, lorsqu'elle a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la personne concernée, est sanctionnée par la nullité du procès-verbal.
L'attestation de conformité prévue à l'article A. 53-8 du code de procédure pénale, qui a pour objet de conférer une valeur probante aux pièces ayant fait l'objet d'un procédé de signature sous forme numérique au sens de l'article D. 589-2 du même code, après leur impression, ne saurait pallier l'irrégularité découlant du défaut de signature d'un procès-verbal par l'officier ou l'agent de police judiciaire.
En l’espèce, dès lors que le procès-verbal récapitulatif de garde à vue, signé par le gardé à vue et l’officier de police judiciaire mentionnait les diligences accomplies par celui-ci conformément à l'article 64 du code de procédure pénale, et que le demandeur n'avait pas contesté la présence dans son véhicule des stupéfiants saisis lors de la fouille de celui-ci, aucun autre grief autre que les poursuites dont il avait été l'objet, la nullité des procès-verbaux de placement en garde à vue, de fouille du véhicule et d'entretien avec l'avocat, pris du défaut de signature desdits procès-verbaux par l'officier de police judiciaire, n’était pas encourue (Crim. 16 septembre 2025, n° 24-87080).
3. Gardé à vue présumé ne pas être en état d’être informé de ses droits en cas de taux d'alcoolémie caractérisant l'imprégnation alcoolique au sens de l'article R. 234-1 du code de la route
Un mis en cause, interpellé le 31 juillet 2023 à 23 h 40 et placé en garde à vue le 1er août 2023 à 0 h 25, sans que ses droits lui soient notifiés, son taux d'alcoolémie étant alors mesuré à 1,06 milligramme par litre d'air expiré.
Après plusieurs mesures d'alcoolémie (0,49 milligramme par litre d'air expiré à 10 h 10 et 0,37 milligramme par litre d'air expiré à 12 h 10), il ne s'est vu notifier ses droits qu’à 14 heures 20 le 1er août 2023, alors que son taux d'alcoolémie venait d'être mesuré à 0,15 milligramme par litre d'air expiré.
Il a présenté une demande d’annulation d’actes de la procédure, notamment de sa garde à vue, et s’est pourvu en cassation contre l’arrêt de la chambre de l’instruction l’ayant rejeté en jugeant qu'il était dans un état d'ébriété avancé, caractérisant une circonstance insurmontable nécessitant de retarder le moment de la notification de ses droits jusqu'au 1er août 2023 à 14 heures 20, heure où son imprégnation alcoolique n'était plus que de 0,15 milligramme par litre d'air expiré.
La Chambre criminelle de la Cour de cassation l’a approuvé dès lors que « la seule référence à des taux d'alcoolémie est suffisante à caractériser l'incapacité de la personne en garde à vue à comprendre la portée de la notification de ses droits, constitutive d'une circonstance insurmontable ayant pu retarder leur notification, lorsque ces taux caractérisent l'imprégnation alcoolique de l'intéressé au sens de l'article R. 234-1 du code de la route » (Crim. 17 septembre 2025, n° 25-80555), soit, sans doute, lorsque le taux est supérieure à 0,25 milligramme par litre d’air expiré (ledit article prévoyant également un taux de 0,10 milligramme par litre d’air expiré pour certains conducteurs).
Il ne serait donc pas nécessaire de caractériser, par des motifs concrets relatifs à l'état et au comportement du gardé à vue, une incapacité de celui-ci à comprendre la portée de ses droits ayant persisté jusqu'à ce que son alcoolémie passe sous ce taux réglementaire.
4. Nécessité, en cas de report, même oral, de l’intervention de l’avocat, de mentionner,en procédure, les raisons impérieuses et la durée du report
L'article 706-88 du code de procédure pénale prévoit :
« Par dérogation aux dispositions des articles 63-4 à 63-4-2, lorsque la personne est gardée à vue pour une infraction entrant dans le champ d'application de l'article 706-73, l'intervention de l'avocat peut être différée, en considération de raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête ou de l'instruction, soit pour permettre le recueil ou la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l'intégrité physique d'une personne, pendant une durée maximale de quarante-huit heures ou, s'il s'agit d'une infraction mentionnée aux 3° ou 11° du même article 706-73, pendant une durée maximale de soixante-douze heures » (sixième alinéa) ;
« Le report de l'intervention de l'avocat jusqu'à la fin de la vingt-quatrième heure est décidé par le procureur de la République, d'office ou à la demande de l'officier de police judiciaire. Le report de l'intervention de l'avocat au-delà de la vingt-quatrième heure est décidé, dans les limites fixées au sixième alinéa, par le juge des libertés et de la détention statuant à la requête du procureur de la République. Lorsque la garde à vue intervient au cours d'une commission rogatoire, le report est décidé par le juge d'instruction. Dans tous les cas, la décision du magistrat, écrite et motivée, précise la durée pour laquelle l'intervention de l'avocat est différée » (septième alinéa).
Il en résulte « que l'autorisation donnée par le juge d'instruction aux officiers de police judiciaire de reporter l'intervention de l'avocat doit énoncer les raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'instruction, soit pour permettre le recueil ou la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l'intégrité physique d'une personne de nature à justifier cette atteinte aux droits de la défense, dans une ordonnance écrite et motivée qui précise la durée pour laquelle l'intervention de l'avocat est différée » (Crim. 18 novembre 2025, n° 25-82629 ).
« Si une autorisation orale donnée par le juge d'instruction peut précéder la formalisation d'une décision écrite et motivée, c'est à la condition qu'elle précise, d'une part, les raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'instruction justifiant une telle mesure, d'autre part, la durée pour laquelle l'intervention de l'avocat est différée, ce dont il doit être justifié en procédure » (idem).
« L'absence de telles mentions ne permet pas de s'assurer que le magistrat a exercé un contrôle réel et effectif de la mesure de report de l'intervention de l'avocat, ce qui cause nécessairement un grief à la personne concernée » (idem).
Tel est le cas, en l’espèce, d’un procès-verbal rendant compte de la décision du magistrat d'autoriser le report de l'intervention de l'avocat, qui n’indique ni les raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'instruction, soit pour permettre le recueil ou la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l'intégrité physique d'une personne, qui auraient justifié cette décision, ni la durée pour laquelle l'intervention de l'avocat est différée.
C. Dispositifs de géolocalisation
Il a été jugé que :
- la nullité de la pose d’un dispositif de géolocalisation sur un véhicule stationné sur un parking privé, est subordonnée à l’établissement d’un grief (1) ;
- la personne sans droit sur un véhicule volé est irrecevable à en invoquer l'irrégularité de la géolocalisation non déloyale (2) ;
- toute partie, même sans droit sur un véhicule, a qualité pour contester l’exploitation des données de sa géolocalisation en temps réel poursuivie à l’étranger en méconnaissance de la souveraineté d’un autre Etat (3).
1. Nullité de la pose d’un dispositif de géolocalisation sur un véhicule stationné sur un parking privé, subordonnée à l’établissement d’un grief
Les dispositions de l'article 230-34, alinéa 1er, du code de procédure pénale, qui soumettent à autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction l'introduction dans un lieu privé destiné ou utilisé à l'entrepôt notamment de véhicules, ou dans un véhicule situé sur la voie publique ou dans un tel lieu, afin de mettre en place ou de retirer un moyen technique de géolocalisation, ayant pour objet la protection de la vie privée (cf. CEDH, 2 septembre 2010, Uzun c. Allemagne, n° 35623/05, paragraphes 51 à 53), leur méconnaissance ne constitue pas une nullité d'ordre public, mais une nullité d'ordre privé, qui ne cause pas nécessairement grief à la personne concernée, si bien qu'en cas de non-respect de ces dispositions, il appartient au requérant d'établir qu'une telle irrégularité lui a causé effectivement un grief (Crim. 22 janvier 2025, n° 23-85709).
2. Personne sans droit sur un véhicule volé irrecevable à en invoquer l'irrégularité de la géolocalisation non déloyale
Hors le cas de recours, par l'autorité publique, à un procédé déloyal, l'irrecevabilité opposée à un moyen de nullité pris de l'irrégularité de la géolocalisation d'un véhicule volé et faussement immatriculé, présenté par une personne qui ne peut se prévaloir d'aucun droit sur ce dernier, en ce qu'elle opère une conciliation équilibrée entre, d'une part, le droit à un procès équitable et celui au respect de la vie privée, d'autre part, l'obligation pour les Etats d'assurer le droit à la sécurité des citoyens par la prévention des infractions et la recherche de leurs auteurs, n'est pas contraire aux articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Constitue un procédé déloyal le stratagème qui, par un contournement ou un détournement d'une règle de procédure, a pour objet ou pour effet de vicier la recherche de la preuve en portant atteinte à l'un des droits essentiels ou à l'une des garanties fondamentales de la personne suspectée ou poursuivie.
Or, ne constitue pas un tel contournement d'une règle de procédure ayant pour objet ou pour effet de vicier la recherche de la preuve, la réquisition adressée au Plateau d'investigation véhicule du pôle judiciaire de la gendarmerie nationale, et la transmission aux enquêteurs par cette plateforme de données d'un système de géolocalisation embarqué installé par le constructeur, activé lorsque le véhicule a été volé (Crim. 19 novembre 2025, n° 23-81919 et 25-85919).
3. Qualité de toute partie, même sans droit sur un véhicule, à contester l’exploitation des données de sa géolocalisation en temps réel poursuivie à l’étranger en méconnaissance de la souveraineté d’un autre Etat
Il se déduit de l'article 230-32 du code de procédure pénale que toute partie a qualité pour contester l'exploitation en procédure des données d'une mesure de géolocalisation en temps réel mise en œuvre sur le territoire national et qui s'est poursuivie sur le territoire d'un autre Etat en méconnaissance des règles d'ordre public tenant à la souveraineté des Etats.
Une telle nullité a un caractère d'ordre public et touche à la bonne administration de la justice, peu important dès lors que l'intéressé n'invoque aucun droit sur le véhicule géolocalisé ou ne se prévale d'aucun grief (Crim. 18 novembre 2025, n° 25-83069, et 2 décembre 2025, n° 25-81.132).
D. Perquisitions et saisies
Les règles de perquisitions et saisies ont été jugées inapplicables à l’ouverture d’un conteneur faisant l’objet d’une livraison surveillée (1) ou à la fouille d’un conteneur ne contenant que des marchandises et pas d’objet personnel (2).
Celles qui concernent la perquisition au domicile d’un gardé à vue, non encore mise en examen, ont été précisées (3).
1. Inapplicabilité des règles de perquisitions et saisies à l’ouverture d’un conteneur faisant l’objet d’une livraison surveillée
Les règles prévues à l'article 57, alinéa 2, du code de procédure pénale, auquel renvoie l'article 96 du même code, ne sont pas applicables lorsque les biens appréhendés ne l'ont pas été au cours d'une perquisition.
L'opération réalisée sur le fondement des articles 706-80 et suivants du code de procédure pénale a pour objet de permettre aux enquêteurs de suivre l'acheminement ou le transport d'objets, biens ou produits tirés de la commission d'infractions ou servant à les commettre, préalablement identifiés comme tels par le magistrat l'ayant autorisée.
Dès lors qu'elle implique nécessairement pour les enquêteurs, lorsqu'ils y sont autorisés par le magistrat compétent, de procéder à l'ouverture d'un conteneur renfermant les produits stupéfiants, objet de la surveillance, cette opération n'entre pas dans les prévisions de l'article 96 du code de procédure pénale et, par voie de conséquence, de l'article 57, alinéa 2, de ce code.
Il s'ensuit que les saisies subséquentes ne relèvent pas davantage de ces textes.
Le requérant conserve par ailleurs la faculté de discuter la valeur probante des saisies et prélèvements réalisés à l'occasion de cette opération devant la juridiction de jugement, dans des conditions conformes aux exigences de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme (Crim. 18 novembre 2025, n° 3).
2. Inapplicabilité des règles de perquisitions en cas de fouille d’un conteneur ne contenant que des marchandises et pas d’objet personnel
Les enquêteurs ne sont pas tenus d'appliquer les règles de la perquisition lorsqu'avant de procéder à la fouille d'un conteneur, ils ont établi que celui-ci ne contenait que des marchandises (par exemple, au vu des bordereaux de transport et des documents douaniers y afférents), à l'exclusion de tout objet personnel.
Le requérant conserve la faculté, devant la juridiction de jugement, de discuter la valeur probante des constatations et des saisies réalisées à l'occasion de cet acte, dans des conditions conformes aux exigences de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme (Crim. 18 novembre 2025, n° 25-82629).
3. Règles de perquisition au domicile d’un gardé à vue, non encore mis en examen
Lorsque la personne au domicile de laquelle une perquisition a lieu sur commission rogatoire n'a pas la qualité de personne mise en examen au moment de cet acte, il y a lieu d'appliquer les dispositions de l'article 96 du code de procédure pénale et non celles de l'article 95 du même code.
Une telle perquisition est régulière au regard des articles 96 et 57 de ce code pourvu qu'elle soit effectuée en présence d'une personne domiciliée dans les lieux, la présence de la personne mise en cause domiciliée dans ce même lieu n'étant pas exigée même si elle est, à ce moment, placée en garde à vue (Crim. 6 mai 2025, n° 24-85007).
E. Interceptions de communications
La jurisprudence a précisé le régime juridique d’interception de communications électroniques entre serveurs informatiques (1), et rappelé la nécessité de respecter l’information préalable du premier président ou du procureur général avant l’interception des communications d’un magistrat (2), et la durée autorisée d’interception (3).
1. Régime d’interception des communications électroniques entre serveurs informatiques
L'article 706-102-1 du code de procédure pénale prévoit :
« Il peut être recouru à la mise en place d'un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, d'accéder, en tous lieux, à des données informatiques, de les enregistrer, de les conserver et de les transmettre, telles qu'elles sont stockées dans un système informatique, telles qu'elles s'affichent sur un écran pour l'utilisateur d'un système de traitement automatisé de données, telles qu'il les y introduit par saisie de caractères ou telles qu'elles sont reçues et émises par des périphériques.
Le procureur de la République ou le juge d'instruction peut désigner toute personne physique ou morale habilitée et inscrite sur l'une des listes prévues à l'article 157, en vue d'effectuer les opérations techniques permettant la réalisation du dispositif technique mentionné au premier alinéa du présent article. Le procureur de la République ou le juge d'instruction peut également prescrire le recours aux moyens de l'Etat soumis au secret de la défense nationale selon les formes prévues au chapitre Ier du titre IV du livre Ier ».
L’interception de données échangées entre serveurs informatiques par l'intermédiaire de réseaux de télécommunication constitue une interception de flux et non une captation de données stockées sur l'un ou l'autre de ces serveurs.
Les articles 100 et suivants du code de procédure pénale sont donc applicables à ces mesures, à l’exclusion des dispositions de l'article 706-102-1 du code de procédure pénale (Crim. 14 janvier 2025, n° 24-84110, 24-84116 et 24-85955).
2. L’interception de communications d’un magistrat subordonnée à l’information du premier président ou du procureur général
Selon l'article 100-7, alinéa 3, du code de procédure pénale, aucune interception ne peut avoir lieu sur une ligne dépendant du cabinet d'un magistrat ou de son domicile sans que le premier président ou le procureur général de la juridiction où il réside en soit informé.
L'interception de communications et leur enregistrement en méconnaissance de cette formalité porte nécessairement atteinte aux droits de la personne concernée (Crim. 25 novembre 2025, n° 25-83857).
3. Nécessité de respecter la durée autorisée de la mesure d’interception
Il résulte des articles 100, 100-2, 100-3 du code de procédure pénale qu'à l'expiration de la durée autorisée pour une mesure d'interception de correspondances, et sauf renouvellement de celle-ci avant son échéance, l'interception doit cesser, la poursuite de la mesure au-delà de la période autorisée, suivie de la reprise de celle-ci, même autorisée par le magistrat compétent, portant nécessairement atteinte au droit au respect de la vie privée de la personne concernée par la mesure. Il n'en va autrement qu'en cas de contraintes techniques faisant obstacle à cette cessation, qui doivent ressortir des pièces de la procédure, ou si celles-ci font apparaître que le dispositif a été désactivé à l'expiration de la durée autorisée. (Crim. 18 novembre 2025, n° 25-82785).
F. Techniques spéciales d’enquête
En matière de sonorisation d’un domicile ou d’un véhicule, il a été jugé que l’absence d'avis du ministère public avant l'autorisation de mise en place d'un dispositif de sonorisation dans un domicile fait nécessairement grief (1) et que la captation à l’étranger de paroles dans un véhicule sonorisé sans atteinte à la souveraineté de l’Etat étranger n’est pas entachée de nullité (2).
1. Absence d'avis du ministère public avant l'autorisation de mise en place d'un dispositif de sonorisation dans un domicile faisant nécessairement grief
Conformément aux articles 706-95-12, 706-95-16 et 706-96 du code de procédure pénale, les techniques spéciales d'enquête, parmi lesquelles figure la mise en place d'un dispositif technique ayant pour objet la captation, la fixation, la transmission et l'enregistrement de paroles prononcées par une ou plusieurs personnes à titre privé ou confidentiel, dans des lieux ou véhicules privés ou publics, sont autorisées au cours de l'information, par le juge d'instruction, après avis du procureur de la République et qu'elles sont renouvelables dans les mêmes conditions de forme.
L'absence d'avis du ministère public avant l'autorisation de mise en place d'un dispositif de sonorisation dans un domicile fait nécessairement grief (Crim. 26 novembre 2025, n° 25-81390).
2. Absence de nullité de la captation à l’étranger de paroles dans un véhicule sonorisé sans atteinte à la souveraineté de l’Etat étranger
Dès lors que l'article 706-96 du code de procédure pénale ne circonscrit pas au territoire national la captation, la fixation, la transmission et l'enregistrement de paroles prononcées par une ou plusieurs personnes à titre privé ou confidentiel, le dispositif technique ayant été mis en place sur le territoire national, et que la mesure en cause s'est effectuée sans l'assistance technique des pays dans lesquels le véhicule sonorisé s'est déplacé, par l'effet du dispositif technique mis en place dans le véhicule et consistant à transmettre les paroles captées vers le territoire national, le simple transit de celles-ci par le réseau d'un opérateur de l'Etat étranger ne caractérisant pas une atteinte à la souveraineté de cet Etat, la sonorisation du véhicule effectuée dans ces conditions n’a pas été entachée de nullité (Crim. 18 novembre 2025, n° 25-83069).
II. Actes d’information judiciaire
La jurisprudence a eu notamment à se prononcer sur la saisine du juge d'instruction (A), les règles de forme des procès-verbaux d’interrogatoire (B), les règles afférentes à la mise en examen (C) et aux expertises (D).
A. Saisine du juge d'instruction
La saisine du juge d’instruction est irrégulière en l’absence de réquisitoire pris par le Procureur de la République sur une plainte avec constitution de partie civile.
En effet, conformément à l’article 86 du code de procédure pénale, le procureur de la République saisi par le juge d'instruction d'une plainte avec constitution de partie civile prend des réquisitions aux fins d'informer, de non informer ou de non-lieu, le juge d'instruction, même saisi d’une plainte avec constitution de partie civile, ne pouvant informer qu'en vertu d'un réquisitoire du procureur de la République.
N’exerce pas la compétence qu'il tient des articles 80 et 86 du code de procédure pénale de saisir le juge d'instruction de réquisitions aux fins d'informer, de refus d'informer ou de non-lieu, le procureur de la République qui se borne à apposer une mention manuscrite, au pied de l'ordonnance de soit-communiqué du juge d'instruction, selon laquelle il s'en rapporte, en précisant seulement que la constitution de partie civile est recevable (Crim. 17 juin 2025, n° 24-87.024).
La partie civile a donc intérêt à veiller à ce que de telles réquisitions soient bien prises par le ministère public, pour ne pas s’exposer à un risque d’annulation des actes de l’information judiciaire ouverte à la suite de sa plainte.
B. Règles de forme des procès-verbaux d’interrogatoire
Dès lors que, selon les articles 106 et 121 du code de procédure pénale, chaque page des procès-verbaux d'interrogatoire et de confrontation doit être signée notamment du greffier, l'inobservation partielle de cette formalité est sanctionnée par la nullité de la ou des pages du procès-verbal concernées, lorsqu'elle a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la personne interrogée, à charge à la chambre de l'instruction d'apprécier si l'annulation qu'elle prononce entraîne la nullité de l'intégralité du procès-verbal.
Ne porte pas atteinte aux intérêts de la personne entendue l'absence de la seule signature du greffier sous la retranscription, d'une part, des brèves déclarations de l'intéressé par lesquelles celui-ci s'est borné à indiquer qu'il confirmait ses précédentes explications, d'autre part, des observations présentées avant la mise en examen par l'avocat.
Mais fait grief à la personne l’irrégularité procédant de l’absence de signature par le greffier au bas de la page du procès-verbal dédiée notamment à la notification d'une partie des chefs de mise en examen, dont résulte une incertitude sur l'étendue et la nature desdits chefs de mise en examen (Crim. 25 mars 2025, n° 24-85585).
C. Les règles afférentes à la mise en examen
Sont entachés de nullité l’interrogatoire de première comparution et la mise en examen accomplis par un juge d’instruction à l’étranger (1), l’avis préalable à la mise en examen suivi de réponses ou observations du mis en cause, non informé du droit de se taire (2), l’interrogatoire de première comparution sans avis préalable au tuteur, en l’absence de transmission au juge d’instruction par le procureur d’une ordonnance du juge des libertés et de la détention mentionnant un placement sous tutelle du mis en cause (3), l’interrogatoire de première comparution sur des faits non mentionnés par la convocation du mis en cause non assisté par avocat (4).
Les règles de contestation de la mise en examen pour absence d’indices graves ou concordants ont été précisées (5).
1. Nullité d’un interrogatoire de première comparution et d’une mise en examen à l’étranger
Si, conformément à l’article 93-1 du CPP, lorsque les nécessités de l'instruction l'exigent, le juge d'instruction, agissant dans le cadre d'une commission rogatoire adressée à un Etat étranger et avec l'accord des autorités compétentes de l'Etat concerné, lorsqu'il se transporte avec son greffier sur le territoire de cet Etat, peut procéder lui-même à des auditions, est exclu de son champ d’application l’interrogatoire de première comparution suivi de la mise en examen, acte créateur de droits et rendant possible la comparution devant une juridiction pénale (Crim. 30 avril 2025, n° 24-84382).
2. Nullité de l’avis préalable à la mise en examen suivi de réponses ou observations du mis en cause, non informé du droit de se taire
Dès lors que les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale imposent que la personne dont la mise en examen est envisagée selon la procédure prévue à l'article 51-1 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse soit informée de son droit de se taire, la méconnaissance de cette obligation lui fait nécessairement grief, dès lors qu'elle formule des observations écrites ou répond aux questions que lui a posées le juge d'instruction, et entraîne la nullité de l’avis préalable à la mise en examen et des actes subséquents dont il est le support nécessaire (Crim. 7 janvier 2025, n° 23-85615)
3. Irrégularité de l’interrogatoire de première comparution sans avis préalable au tuteur, en l’absence de transmission au juge d’instruction par le procureur d’une ordonnance du juge des libertés et de la détention mentionnant un placement sous tutelle du mis en cause
Les articles 706-113 et D. 47-14 du code de procédure pénale imposent que le tuteur d'une personne majeure protégée soit avisé de la date de toute audience concernant la personne protégée, en ce compris l'interrogatoire de première comparution, et qu'en cas de doute sur l'existence d'une mesure de protection juridique, le procureur de la République ou le juge d'instruction fassent procéder aux vérifications nécessaires préalablement à cet acte
L’absence de transmission au juge d’instruction par le procureur de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant prolongé l’hospitalisation complète sans consentement du patient et mentionnant son placement sous tutelle, qui avait été reçue par les services civils du procureur, entraîne l’irrégularité de l’interrogatoire de première comparution dont le tuteur n’avait pas été avisé (Crim. 19 novembre 2025, n° 25-83666).
4. Irrégularité de l’interrogatoire de première comparution sur des faits non mentionnés par la convocation du mis en cause non assisté par avocat
Le juge d'instruction qui a délivré une convocation en vue d'un interrogatoire de première comparution conformément aux dispositions de l'article 80-2 du code de procédure pénale ne peut, si cette convocation ne mentionne pas l'ensemble des faits pour lesquels la mise en examen est envisagée et si la personne n'est pas assistée par un avocat, procéder à sa mise en examen pour des faits omis par la convocation, en faisant application des dispositions de l'article 116, alinéa 5, du code de procédure pénale, dont « les autres cas » auxquels il a vocation à s’appliquer doivent s’entendre de « ceux dans lesquels la première comparution a lieu sans convocation préalable » (Crim. 8 octobre 2025, n° 25-82028).
5. Règles de contestation de la mise en examen pour absence d’indices graves ou concordants
Est irrecevable la demande de nullité d’une mise en examen intervenue depuis l’entrée en vigueur, le 30 septembre 2024, de l’article 80-1 du code de procédure pénale, dans sa version issue de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023, prise de l'absence d'indices graves ou concordants de la participation du mis en examen à la commission des infractions visées à l'interrogatoire de première comparution (Crim. 18 novembre 2025, n° 25-82829).
Ledit article ne prévoit, en effet, plus que c’est « à peine de nullité », que le juge d’instruction ne peut mettre en examen que les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi.
Par son arrêt précité du 18 novembre 2025, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a ainsi jugé que :
- « si le législateur n'a pas modifié le début de l'article 80-1-1 du code de procédure pénale qui permet de demander l'annulation de la mise en examen conformément, notamment, à l'article 174-1 de ce code, il résulte des travaux parlementaires préalables à l'adoption de la loi du 20 novembre 2023 précitée qu'il a supprimé la possibilité pour la personne mise en examen de solliciter, au motif de l'absence d'indices graves ou concordants, l'annulation de cette mise en examen mais permet désormais de la contester en saisissant le juge d'instruction d'une demande de placement sous le statut de témoin assisté à l'issue de cette mise en examen ou dans les dix jours à compter de celle-ci, la décision ainsi rendue par le magistrat étant susceptible d'appel », l’article 186 du code de procédure pénale prévoyant, en effet, que « le droit d’appel appartient à la personne mise en examen contre les ordonnances (…) prévues (notamment par l’article 80-1-1) » ;
- « la mise en examen ne saurait faire l'objet d'une requête en annulation et d'une contestation de ce statut devant le juge d'instruction dont la décision est susceptible d'appel », « la procédure instituée par l'article 171 du code de procédure pénale ne (pouvant) être utilisée à l'égard des décisions susceptibles d'appel ou de recours » ;
- « l'analyse exposée aux deux précédents paragraphes n'est pas contradictoire avec les dispositions des articles 80-1, alinéa 2, 80-1-1 et 174-1 du code de procédure pénale, dont il se déduit que les modifications apportées par le législateur sont sans effet sur le droit, pour la personne mise en examen, de demander, dans les conditions prévues par les articles 173, 173-1 et 174 dudit code, l'annulation de sa mise en examen en application de l'article 80-1, alinéa 2, précité ou de l'interrogatoire de première comparution en cas de violation des autres règles de procédure pénale applicables ».
La dualité de régime juridique pour la contestation de la mise en examen, suivant que serait invoquée l’absence d’indices graves ou concordants, ou la violation d’autres règles de procédure pénale, n’est pas de nature à faciliter la tâche du mis en examen, qui devra apprécier l’opportunité d’exercer, suivant des modalités et délais différents, l’une ou l’autre des voies de recours ainsi ouvertes, voire les deux, en veillant aux objectifs et conséquences de chacune d’entre elles, ainsi qu’à leurs interactions éventuelles.
D. Règles afférentes aux expertises
Eu égard aux articles 161-1 et 171 du code de procédure pénale, lorsque l'urgence ou le risque d'entrave aux investigations ne sont pas suffisamment explicités pour justifier l'absence de transmission aux parties d'une ordonnance de commission d'expert, l'annulation de cette ordonnance et des opérations subséquentes est subordonnée au fait que la partie requérante justifie en quoi l'impossibilité de solliciter l'adjonction d'un expert ou l'énoncé de la mission dévolue à l'expert a porté atteinte à ses intérêts.
Tel n'est pas le cas de la partie qui se limite à affirmer qu'elle a été privée de la possibilité de faire modifier ou compléter les questions et de proposer des questions supplémentaires, sans démontrer en quoi l'énoncé des missions imparties aux différents experts par le juge d'instruction avait porté atteinte à ses intérêts.
En revanche, subit un grief celle qui, invoquant l'insuffisance de la mission confiée à l'expert, indique devant la chambre de l'instruction dans quel sens elle aurait voulu voir compléter les questions, de sorte que l'absence de contradictoire était de nature à porter atteinte à ses intérêts, peu important qu’elle n’ait pas, par la suite, sollicité un complément d’expertise (Crim. 14 octobre 2025, n° 25-80632).
Il importerait donc que le requérant assortisse son moyen de nullité d’une critique circonstanciée de la mission confiée à l’expert, notamment par l’exposé de son insuffisance ou des questions omises.


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