Analyse de la Décision n° 2024-1127 QPC du 5 mars 2025 du Conseil Constitutionnel

La protection des majeurs vulnérables constitue un pilier fondamental de notre droit, visant à garantir leur dignité et l'effectivité de leurs droits. C'est dans ce cadre essentiel que s'inscrit la récente décision n° 2024-1127 QPC du 5 mars 2025 du Conseil Constitutionnel, qui vient éclaircir et renforcer les garanties attachées aux mesures d'isolement ou de contention en psychiatrie, particulièrement lorsqu'elles concernent des personnes faisant l'objet d'une mesure de protection juridique.

1. Le Contexte : Isolement des majeurs protégés

Le Conseil Constitutionnel a été saisi d'une Question Prioritaire de Constitutionalité (QPC) le 13 décembre 2024, à la suite d'une affaire portée devant la Cour de cassation. La question portait spécifiquement sur les droits d'un majeur protégé (une personne sous tutelle ou curatelle) hospitalisé sans son consentement, notamment lorsque cette personne fait l'objet d'une mesure de placement en chambre d'isolement.

L'article visé était le L. 3222-5-1 du Code de la santé publique, dans sa version issue de la loi du 22 janvier 2022 (loi "crise sanitaire"). Ce texte encadre les mesures d'isolement ou de contention qui peuvent être décidées par un psychiatre pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, en précisant les durées maximales de ces mesures.

2. Le Problème Constitutionnel Soulevé : L'absence d'information du tuteur ou curateur

Le cœur de la contestation portait sur un manque dans la loi. L'article L. 3222-5-1 ne prévoyait pas que, lorsqu'un majeur protégé était placé en isolement, le directeur de l'établissement hospitalier ait l'obligation d'informer systématiquement son tuteur ou son curateur.

Cette absence d'obligation d'information a été jugée problématique car elle empêchait potentiellement le majeur protégé d'être correctement assisté dans l'exercice de ses droits. En effet, en raison de l'altération de ses facultés mentales ou corporelles et de la mesure d'isolement elle-même, une personne protégée pourrait ne pas être en mesure de défendre ses intérêts ou d'exercer les recours nécessaires.

3. La Décision du Conseil Constitutionnel : Non-conformité à la Constitution

Le Conseil Constitutionnel a jugé que cette omission législative (l'absence d'obligation d'informer le tuteur ou curateur) était contraire à la Constitution.

Les "Sages" (les membres du Conseil Constitutionnel) ont estimé que cette lacune violait notamment le droit à un recours juridictionnel effectif. Sans cette information essentielle, la personne chargée de la protection juridique ne pouvait pas intervenir à temps pour s'assurer que les droits du majeur protégé étaient respectés et que des recours étaient possibles, ce qui risquait d'entraîner des décisions contraires aux intérêts de la personne protégée.

En résumé : La décision du 5 mars 2025 établit que la loi doit expressément prévoir l'obligation d'informer le tuteur ou le curateur d'un majeur protégé dès lors que ce dernier fait l'objet d'une mesure d'isolement ou de contention en soins psychiatriques sans consentement. Cette information est jugée indispensable pour garantir le droit fondamental à une protection effective des droits du majeur protégé.


Claudia CANINI

Avocat - Droit des majeurs protégés

www.canini-avocat.com


Sources : Décision n° 2024-1127 QPC du 5 mars 2025

Mots clés : #DroitDesMajeursProtégés #Tutelle #curatelle #QPC #SoinsSansConsentement #IsolementPsychiatrique #ProtectionJuridique #DroitsFondamentaux #InformationTuteur #InformationCurateur #SantéMentale #LibertésIndividuelles