Cass. 3e civ., 6 juin 2024, n° 22-24.784, Sté Architecture Jacques Eskenazi c/ Sté MF Faliconnière 061 (Le Noble Age)

Dans une clause litige d’un contrat de MOE en groupement, les termes « solliciter l'avis d'un expert » doivent être interprétés comme la volonté des parties d'obtenir cet avis avant toute procédure judiciaire.

LES FAITS

Un promoteur a fait construire un EHPAD de 112 lits en confiant la maîtrise d'œuvre des travaux à un groupement dont un architecte était partie.

L’architecte a résilié le contrat de manière anticipée et a demandé le règlement de ses honoraires pour les tranches exécutées et les prestations de la tranche en cours, soit 166.851 euros.

Le promoteur a refusé de payer et a opposé en réponse une demande de 86.101 euros de pénalités.

Pour tenter de résoudre amiablement le différend, l’architecte a invoqué la clause litige du contrat qui prévoyait la désignation préalable avant tout procès d’un expert :

« en cas de litige portant sur l'exécution du présent contrat, les parties conviennent de saisir le tribunal compétent dans la juridiction de Nantes. Toutefois, les parties s'engagent à solliciter les avis d'un expert choisi d'un commun accord, avant toute action judiciaire ».

Si l’expert (un économiste de la construction) a bien été saisi de l’affaire, deux jours plus tard, le promoteur a assigné l’architecte en justice sans que l’expertise ait eu lieu.

LA PORTEE

La Cour de cassation a décidé que le fait d’agir en justice sans permettre à l’expert de pouvoir rendre ses conclusions, alors que les parties sont convenues de solliciter son avis avant toute action judiciaire, doit être sanctionné par une fin de non-recevoir : c’est-à-dire que la partie en demande a un défaut de droit d'agir et ne peut donc pas exiger la tenue d’un procès.

La solution serait identique s’il s’agissait d’une conciliation classique (Cass. ch. mixte, 14 février 2003, n° 00-19.423) ou de l’avis d’un ordre professionnel (Cass. 3e civ., 18 décembre 2013, n° 12-18.439).

Il faut donc prêter une extrême attention à la rédaction des clauses litiges pour éviter qu’une situation d’impayés perdure et préjudicie finalement à toutes les parties, comme en l’espèce où près de 9 années se sont écoulées entre la naissance du litige et la décision de la Cour de cassation.

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