L'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action

 

Cour de cassation - Chambre civile 3

  • N° de pourvoi : 23-21.815
  • ECLI:FR:CCASS:2025:C300094
  • Non publié au bulletin
  • Solution : Cassation partielle

Audience publique du jeudi 13 février 2025

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, du 06 juillet 2023

Président

Mme Teiller (président)

Avocat(s)

SARL Gury & Maitre, SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CC



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 février 2025




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 94 F-D

Pourvoi n° N 23-21.815




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 FÉVRIER 2025

1°/ M. [X] [Y],

2°/ Mme [P] [R], épouse [Y],

tous deux domiciliés [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° N 23-21.815 contre l'arrêt rendu le 6 juillet 2023 par la cour d'appel de Rennes (4e chambre civile), dans le litige les opposant à la commune de [Localité 3], représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité en [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Rat, conseiller référendaire, les observations de la SARL Gury & Maitre, avocat de M. et Mme [Y], de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la commune de [Localité 3], après débats en l'audience publique du 14 janvier 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Rat, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 6 juillet 2023), par un jugement irrévocable, un juge de l'expropriation a fixé l'indemnité principale de dépossession due par la commune de [Localité 3] (la commune) à M. et Mme [Y], par suite de l'expropriation d'une parcelle leur appartenant.

2. Cette indemnité a été évaluée en tenant compte du coût des travaux de dépollution nécessaires à la réalisation du projet déclaré d'utilité publique.

3. Soutenant que ces travaux n'avaient pas été réalisés par la commune et qu'elle s'était ainsi enrichie à leurs dépens, M. et Mme [Y] l'ont assignée en expertise.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

4. M. et Mme [Y] font grief à l'arrêt de les déclarer irrecevables comme dépourvus d'intérêt à agir en leur demande d'expertise, alors « que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l'action ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu qu'en l'absence de force obligatoire des travaux litigieux, les époux [Y] étaient dépourvus d'intérêt à agir ; qu'en se prononçant ainsi, quand l'obligation de réaliser les dits travaux conditionnait le bien-fondé de la mesure d'expertise sollicitée et non sa recevabilité, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 31 du code de procédure civile :

5. Selon ce texte, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention.

6. Pour déclarer M. et Mme [Y] irrecevables en leur demande d'expertise, l'arrêt retient, d'une part, que la décision par laquelle le juge de l'expropriation a pratiqué un abattement sur l'indemnité principale au titre des travaux de dépollution de la parcelle expropriée jugés nécessaires à la réalisation du projet déclaré d'utilité publique n'emportait aucune obligation, pour la commune, de procéder auxdits travaux, d'autre part, que le litige sur le montant de l'indemnité d'expropriation a été irrévocablement tranché.

7. En statuant ainsi, alors que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action, soit en l'espèce du motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle déclare irrecevable M. et Mme [Y] en leur demande et en ce qu'elle les condamne à payer à la commune de [Localité 3] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et les dépens d'appel, l'arrêt rendu le 6 juillet 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne la commune de [Localité 3] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par commune de [Localité 3] et la condamne à payer à M. et Mme [Y] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize février deux mille vingt-cinq.ECLI:FR:CCASS:2025:C300094

Publié par ALBERT CASTON à 09:01  

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