Pour revenir à mon concept de partage du droit administratif, je vais vous parler aujourd’hui du déroulement d'une audience de référé d'urgence devant une juridiction administrative. 

L’article R.522-1 du code de justice administrative dispose : « La requête visant au prononcé de mesures d'urgence doit contenir l'exposé au moins sommaire des faits et moyens et justifier de l'urgence de l'affaire. A peine d'irrecevabilité, les conclusions tendant à la suspension d'une décision administrative ou de certains de ses effets doivent être présentées par requête distincte de la requête à fin d'annulation ou de réformation et accompagnées d'une copie de cette dernière. »

L’article R.522-3 du code de justice administrative dispose: « La requête ainsi que, le cas échéant, l'enveloppe qui la contient porte la mention « référé ». Lorsqu'elle est adressée par voie postale, elle l'est par lettre recommandée. Lorsqu'elle est adressée par le moyen de l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1, son auteur signale son urgence en sélectionnant la mention " référé " dans la rubrique correspondante. »

I) L’audience de référé administratif : la nécessaire adaptation du principe du contradictoire impose la réactivité de l’avocat plaidant.

C'est le juge des référés qui, en règle générale, communique les mémoires aux partie (procédure inquisitoriale) et pour respecter le principe du contradictoire, soit au moyen de l'application « Télé-recours », soit par télécopie.

Mais contrairement à la procédure au fond, l’urgence requise du « référé suspension » (article L.521-1 du code de justice administrative), du « référé liberté » (article L.521-2 du code de justice administrative) ou du « référé conservatoire » dit « référé mesures utiles » (article L.521-3 du code de justice administrative) commande d’adapter la procédure aux situations de cette nature. 

En référé, le juge administratif doit juger souvent très rapidement, en 48 heures pour le référé liberté, l’instruction du dossier sera automatiquement raccourcie, comme d’ailleurs celui du contradictoire.

L’article L.522-1 du code de justice administrative dispose que : « Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique. Sauf renvoi à une formation collégiale, l'audience se déroule sans conclusions du rapporteur public. »

II) Mais le juge des référés a la faculté de se dispenser de tenir une audience publique si la condition d’urgence de la requête n’est pas remplie ou s’il est incompétent ou en cas d’irrecevabilité de la requête.

L’article L.522-3 du code de justice administrative dispose que : « Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1. »

Dans le cadre de cette procédure de « tri » le mémoire ne sera pas communiqué et ainsi, le contradictoire ne sera pas respecté.

Les parties ne seront pas non plus informées en cas de procédure de « tri ».

L’article R.522-10 du code de justice administrative dispose que : « Lorsqu'il est fait application de l'article L. 522-3, les dispositions des articles R. 522-4R. 522-6 et R. 611-7 ne sont pas applicables. »

L’article R.522-4 du code de justice administrative concerne la communication du mémoire, l’article R.522-6 dudit code concerne l’audience et l’article R.611-7 du même code concerne l’information des parties en cas de moyen relevé d’office par le juge.

Mais le juge peut décider, en cas de doute sur l’appréciation de l’urgence, d’instruire, quitte à rejeter pour ce motif la requête à l’issue de l’audience.

Ce seront donc les observations orales présentées par l’avocat au cours de l’audience, qui amèneront le juge à apprécier, finalement, si la situation d’urgence est ou pas satisfaite.

Ainsi, ce n’est pas parce-que le requérant aura passé la procédure de « tri » qu’il pourra considérer que la situation d’urgence a été retenue par le juge.

Il faut noter qu’une demande de suspension peut toujours être renouvelée lorsque le rejet est fondée sur l’absence de production de la copie de la requête à fin d’annulation ou lorsque le requérant s’est abstenue de justifier de la situation d’urgence.

Mais une fois que le juge a pris la décision d’instruire, la procédure doit se poursuivre jusqu’à l’audience et se terminer par celle-ci. Il n’est plus possible de mettre en œuvre la procédure de « tri » prévue par  l’article L.522-3 du code de justice administrative.

Dans un arrêt du 27 mai 2015, le Conseil d'Etat considère qu'en communiquant la demande de référé mesure utile au défendeur, il lui incombe de poursuivre l'instruction de l'affaire dans le respect du caractère contradictoire de la procédure. Notamment, s'il entend se fonder sur des éléments contenus dans un mémoire produit par l'une des parties, il lui appartient, avant de statuer, de mettre l'autre partie en mesure, par tous moyens, d'en prendre connaissance et d'y répondre.

Conseil d'État, 8ème / 3ème SSR, 27/05/2015, 386195

Voir ICI

III) Le juge des référés administratifs n’a pas l’obligation de transmettre au demandeur la réplique du défendeur.

L’article L.5 du code de justice administrative dispose que : « L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence. »

L’article R.522-4 du code de justice administrative dispose que : « Notification de la requête est faite aux défendeurs. Les délais les plus brefs sont donnés aux parties pour fournir leurs observations. Ils doivent être rigoureusement observés, faute de quoi il est passé outre sans mise en demeure. », le juge du fond est tenu de communiquer la requête au défendeur, en revanche, le juge des référés n’a pas l’obligation de transmettre au demandeur la réplique du défendeur.

Conseil d'Etat, 3 / 5 SSR, du 22 mars 1999, 186336, publié au recueil Lebon

« Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que l'ordonnance de référé étant rendue à la suite d'une procédure particulière, adaptée à la nature de la demande et à la nécessité d'une décision rapide, le juge des référés ne méconnaît pas le principe du caractère contradictoire de l'instruction en ne communiquant pas au demandeur les observations présentées par la partie adverse en réponse à la notification qui lui est faite du pourvoi ».

« Lorsque le juge des référés communique au demandeur un mémoire en défense, bien qu'il n'y soit pas tenu, la brièveté du délai dont ce demandeur peut éventuellement disposer pour y répondre est sans influence sur la régularité de la procédure. »

Conseil d'Etat, 7 /10 SSR, du 8 mars 1996, 156510, mentionné aux tables du recueil Lebon

« Eu égard au délai imparti par l'article R.241-21 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel au juge des référés statuant sur une demande présentée sur le fondement de l'article L.22 du même code, et à la circonstance que les parties sont mises à même de présenter au cours d'une audience publique des observations orales à l'appui de leurs observations écrites, le juge des référés n'est pas tenu, nonobstant les dispositions de l'article R.138 du code, de communiquer au requérant le mémoire en défense de la partie adverse. »

Conseil d'Etat, 8 / 3 SSR, du 30 septembre 2002, 238682, mentionné aux tables du recueil Lebon

« Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : "L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence". Selon l'article L. 522-1 du même code : "Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale". Aux termes de l'article R. 522-4 du même code : "Notification de la requête est faite aux défendeurs. / Les délais les plus brefs sont donnés aux parties pour fournir leurs observations (..)". Enfin l'article R. 522-7 dispose que "l'affaire est réputée en état d'être jugée dès lors qu'a été accomplie la formalité prévue au premier alinéa de l'article R. 522-4 et que les parties ont été régulièrement convoquées à une audience publique pour y présenter leurs observations". Au regard de ces dispositions et compte tenu de l'objet de la demande dont le juge des référés était saisi, tendant à l'expulsion d'un occupant sans titre du domaine public, le défendeur, qui a été régulièrement convoqué par une lettre notifiée la veille de l'audience, a ainsi été mis à même de présenter des observations, fût-ce sous forme orale au cours de cette audience. »

Conseil d'Etat, 9ème sous-section, du 29 janvier 2003, 249499, mentionné aux tables du recueil Lebon

« Il résulte des dispositions des articles L. 5, L. 522-1 et L. 522-3 du code de justice administrative qu'obligation est faite au juge des référés, hors le cas où il y a application de l'article L. 522-3, de communiquer aux parties avant la clôture de l'instruction, par tous moyens, notamment en les mettant à même d'en prendre connaissance à l'audience publique, les pièces et mémoires soumis au débat contradictoire, qui servent de fondement à sa décision et qui comportent des éléments de fait ou de droit, dont il n'a pas été antérieurement fait état au cours de la procédure. L'instruction contradictoire se poursuit toutefois à l'audience. S'il est loisible au juge des référés de rouvrir l'instruction à l'issue de celle-ci, il ne commet, par suite, pas d'irrégularité en se fondant sur des éléments qui ont été apportés par l'une des parties au cours de l'audience publique et dont l'autre partie n'a pu avoir connaissance, faute pour elle d'avoir été présente ou représentée lors cette audience. »

Conseil d'Etat, 2ème et 7ème sous-sections réunies, du 5 novembre 2004, 260229, mentionné aux tables du recueil Lebon

« Les dispositions de l'article L. 5 du code de justice administrative font obligation au juge des référés, sauf dans le cas où il est fait application de l'article L. 522-3 du même code, de communiquer au demandeur par tous moyens les observations de la partie adverse. Cette communication peut avoir lieu à l'audience publique. Elle doit être établie par les pièces du dossier, notamment par les visas de la décision ou le procès-verbal de l'audience publique. »

Conseil d’Etat, Section, 5 novembre 2004, Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais, requête n° 260229

« Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la commune du Robert (Martinique) a présenté, le 17 juin 2003, un mémoire en défense en réponse à la communication de la demande de l'association requérante ; que ce mémoire a été visé et analysé dans l'ordonnance attaquée ; que, toutefois, aucune des mentions de l'ordonnance attaquée, ni aucune des pièces du dossier ne permet d'établir que ce mémoire en défense a été communiqué à l'association requérante, ne fut-ce qu'à l'audience ; que, par suite, l'association est fondée à soutenir que l'ordonnance est entachée d'irrégularité et doit être annulée ; »

Conseil d'Etat, Section du Contentieux, du 29 janvier 2003, 247909, publié au recueil Lebon

« L'article L.5 du code de justice administrative, qui prévoit que l'instruction des affaires est contradictoire, précise que les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence. Ainsi, le juge des référés rend son ordonnance à la suite d'une procédure particulière, adaptée à la nature de la demande et à la nécessité d'une décision rapide. Dans les circonstances de l'espèce, le juge des référés a pu, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de l'instruction, statuer par ordonnance sur la demande de provision dont il était saisi trois jours après avoir communiqué à la commune requérante le mémoire en défense présenté au nom de l'Etat. »

IV) L’affaire est réputée être en état dès la notification de la requête aux défendeurs.

Les délais les plus brefs sont donnés aux parties pour fournir leurs observations. Ils doivent être rigoureusement observés, faute de quoi il est passé outre sans mise en demeure.

L’article R.522-7 du code de justice administrative dispose que : « L'affaire est réputée en état d'être jugée dès lors qu'a été accomplie la formalité prévue au premier alinéa de l'article R. 522-4 et que les parties ont été régulièrement convoquées à une audience publique pour y présenter leurs observations. »

L’article R.522-6 du code de justice administrative dispose que : « Lorsque le juge des référés est saisi d'une demande fondée sur les dispositions de l'article L. 521-1 ou de l'article L. 521-2, les parties sont convoquées sans délai et par tous moyens à l'audience. »

Conseil d'Etat, Juge des référés (M. Labetoulle), du 22 mars 2002, 244279, mentionné aux tables du recueil Lebon

« Aux termes de l'article R.222-6 du code de justice administrative : «  Lorsque le juge des référés est saisi d'une demande fondée sur les dispositions de l'article L.521-1 ou de l'article L.521-2, les parties sont convoquées sans délai et par tous moyens à l'audience ». Eu égard à l'objet de la demande et au délai dans lequel il devait se prononcer, le juge des référés a fait une exacte application de ces dispositions en communiquant la demande de l'intéressé à l'administration et en assortissant cette communication de l'indication qu'une audience se déroulerait le lendemain. L'administration, à qui il appartenait de prendre toutes dispositions utiles pour assurer sa défense, ne peut, dès lors, utilement invoquer la méconnaissance des dispositions des articles R.431-9 et R.431-10 du code de justice administrative, relatifs à la représentation de l'Etat, pour soutenir que l'ordonnance invoquée aurait été prise à la suite d'une procédure irrégulière. Requérant alléguant, d'une part, que le centre de détention où il était incarcéré retenait des courriers qu'il entendait faire parvenir à des autorités administratives ou judiciaires ou adressés à lui par de telles autorités et, d'autre part, que cette situation pouvait faire obstacle à la possibilité d'introduire en temps utile des actions en justice. En l'état de l'instruction, l'administration n'ayant pas présenté devant le tribunal administratif d'observations écrites et n'ayant pas été représentée à l'audience, le juge des référés n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L.521-2 du code de justice administrative en enjoignant au directeur du centre de détention de délivrer copie au requérant des mentions figurant sur le registre retraçant l'arrivée et le départ des courriers l'intéressant. »

V) L’instruction du dossier est dans un premier temps écrite et se poursuit oralement jusqu’à la fin de  l’audience.

1) La phase écrite de la procédure : le juge des référés est saisi par requête communiquée au défendeur.

L’article R.522-4 du code de justice administrative dispose que : « Notification de la requête est faite aux défendeurs. Les délais les plus brefs sont donnés aux parties pour fournir leurs observations. Ils doivent être rigoureusement observés, faute de quoi il est passé outre sans mise en demeure. »

L’article R.522-6 du code de justice administrative dispose que : « Lorsque le juge des référés est saisi d'une demande fondée sur les dispositions de l'article L. 521-1 ou de l'article L. 521-2, les parties sont convoquées sans délai et par tous moyens à l'audience. »

2) La phase orale  de la procédure  de référé, c’est-à-dire l’audience, va constituer le plus souvent le véritable lieu d’échange contradictoire, et surtout, le lieu où l’échange contradictoire doit pouvoir complètement se dérouler.

Le juge et les parties deviennent donc des éléments actifs de la poursuite de l’instruction du dossier dans un échange oral contradictoire en audience.

VI) Le juge des référés peut suspendre l’audience, rouvrir l’instruction, fixer une nouvelle date d’audience, afin de permettre un respect maximum du contradictoire.

Conseil d'Etat, 1ère et 2ème sous-sections réunies, du 14 novembre 2003, 258519, mentionné aux tables du recueil Lebon

« Devant le juge des référés, l'instruction est close à l'issue de l'audience publique, sauf si le juge décide de faire application des dispositions de l'article R.522-8 du code de justice administrative qui lui permettent de différer la clôture de l'instruction. Lorsqu'il est saisi, postérieurement à l'audience ou, s'il a différé la clôture de l'instruction, à la date qu'il a fixée, d'une pièce nouvelle émanant d'une des parties à l'instance, qu'elle s'intitule ou non note en délibéré, il appartient dans tous les cas au juge des référés d'en prendre connaissance avant de rendre son ordonnance. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la pièce produite, il n'est tenu de le faire, à peine d'irrégularité de son ordonnance, que si ce document contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office. Mémoire produit en l'espèce sous la forme d'une note en délibéré, le lendemain de l'audience à l'issue de laquelle l'instruction de la demande présentée par la requérante sur le fondement des dispositions de l'article L.521-1 du code de justice administrative avait été close, mais avant le prononcé de l'ordonnance, enregistré au greffe du tribunal administratif et versé au dossier. Il doit être ainsi présumé avoir été examiné par le juge des référés même si celui-ci ne l'a pas visé dans son ordonnance. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ce mémoire contenait des éléments nouveaux que le juge des référés ne pouvait ignorer sans méconnaître son office. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'absence de mention dans les visas de la note en délibéré produite par le requérant entacherait d'irrégularité l'ordonnance ne peut qu'être écarté. »

Conseil d'Etat, 5 / 7 SSR, du 10 décembre 2001, 237973, mentionné aux tables du recueil Lebon

« Juge des référés d'un tribunal administratif ayant rejeté par ordonnance une demande de suspension d'un arrêté préfectoral autorisant le défrichement de parcelles boisées au motif que cette demande n'était pas justifiée par l'urgence dès lors que la quasi-totalité des parcelles visées par cet arrêté étaient déjà défrichées. Production par le requérant, après la clôture de l'instruction, d'un constat d'huissier montrant que la quasi-totalité desdites parcelles demeuraient au contraire à l'état de bois. Si ce document a été présenté le lendemain de l'audience, alors que l'instruction était close, la nature de la pièce produite faisait au juge des référés, eu égard au débat qui s'était engagé devant lui et dans les circonstances particulières de l'espèce, obligation de rouvrir l'instruction afin de recueillir les observations des défendeurs. En l'absence de réouverture de l'instruction, l'ordonnance attaquée a été rendue à l'issue d'une procédure irrégulière. Annulation. »

Conseil d'Etat, 7 / 5 SSR, du 12 juillet 2002, 236125, publié au recueil Lebon

« Lorsqu'il est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction et au prononcé des conclusions du commissaire du gouvernement, d'une note en délibéré émanant d'une des parties à l'instance, il appartient dans tous les cas au juge administratif d'en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré, il n'est tenu de le faire à peine d'irrégularité de sa décision que si cette note contient l'exposé : soit d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts ; soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office. »

Conseil d'Etat, 8 / 3 SSR, du 29 novembre 2002, 225356, mentionné aux tables du recueil Lebon

« Une note en délibéré produite après la séance publique, mais avant la lecture de la décision, enregistrée au greffe de la juridiction et versée au dossier doit être présumée avoir été examinée, même si cette note n'est pas visée dans la décision juridictionnelle. Comme l’audience de référé fait partie intégrante jusqu’à son terme de l’instruction, la clôture, contrairement à la procédure au fond étant prononcée qu’à la fin de l’audience, il n’est pas question pour l’avocat de se limiter à faire de « simples observations à l’appui des conclusions écrites »,  mais il devra répliquer en direct aux prétentions de l’autre partie dont il n’aura pas forcément eu connaissance avant l’audience. L’avocat pourra également soulever de nouveaux moyens à l’audience et produire de nouvelles pièces qu’il n’aura pas forcément communiquées à son confrère adverse. »

Conseil d'Etat, 7 / 5 SSR, du 12 juillet 2002, 236125, publié au recueil Lebon

« Lorsqu'il est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction et au prononcé des conclusions du commissaire du gouvernement, d'une note en délibéré émanant d'une des parties à l'instance, il appartient dans tous les cas au juge administratif d'en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré, il n'est tenu de le faire à peine d'irrégularité de sa décision que si cette note contient l'exposé : soit d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts ; soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office. »

Conseil d'Etat, 8 / 3 SSR, du 28 mai 2001, 230692, mentionné aux tables du recueil Lebon

« Aux termes de l'article 5 du code de justice administrative : « L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence ». Aux termes de l'article L.522-1 du même code : « Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale ... ». Ces dispositions font obligation au juge des référés, sauf dans le cas où il est fait application des dispositions de l'article L.522-3 du code, de communiquer aux parties avant la clôture de l'instruction, par tous moyens, notamment en les mettant à même d'en prendre connaissance à l'audience publique, les pièces et mémoires soumis au débat contradictoire qui servent de fondement à sa décision et qui comportent des éléments de fait ou de droit dont il n'a pas été antérieurement fait état au cours de la procédure. »

VII) Si le juge des référés fondait sa conviction sur un moyen qui n’a pas été soumis au contradictoire à l’audience publique, l’ordonnance de référé serait entachée d’irrégularité.

Conseil d'Etat, 7 / 5 SSR, du 27 juillet 2001, 232820 232950, publié au recueil Lebon

« Il résulte des dispositions des articles L. 5, L. 522-1 et L. 522-3 du code de justice administrative qu'obligation est faite au juge des référés, hors le cas où il y a application de l'article L. 522-3, de communiquer aux parties avant la clôture de l'instruction, par tous moyens, notamment en les mettant à même d'en prendre connaissance à l'audience publique, les pièces et mémoires soumis au débat contradictoire, qui servent de fondement à sa décision et qui comportent des éléments de fait ou de droit, dont il n'a pas été antérieurement fait état au cours de la procédure. »

VIII) Je conseille donc aux avocats ou aux parties d’être toujours présents à une audience de référé dans la mesure ou le juge des référés administratif pourra se fonder sur un moyen soulevé à l’audience qui n’aura pas pu être discuté par la partie absente ou non représentée.

En effet, dans son arrêt en date du 29 janvier 2003, le Conseil d’Etat considère que « S'il est loisible au juge des référés de rouvrir l'instruction à l'issue de celle-ci, il ne commet, par suite, pas d'irrégularité en se fondant sur des éléments qui ont été apportés par l'une des parties au cours de l'audience publique et dont l'autre partie n'a pu avoir connaissance, faute pour elle d'avoir été présente ou représentée lors cette audience.»

Conseil d'Etat, 9ème sous-section, du 29 janvier 2003, 249499, mentionné aux tables du recueil Lebon

« Il résulte des dispositions des articles L. 5, L. 522-1 et L. 522-3 du code de justice administrative qu'obligation est faite au juge des référés, hors le cas où il y a application de l'article L. 522-3, de communiquer aux parties avant la clôture de l'instruction, par tous moyens, notamment en les mettant à même d'en prendre connaissance à l'audience publique, les pièces et mémoires soumis au débat contradictoire, qui servent de fondement à sa décision et qui comportent des éléments de fait ou de droit, dont il n'a pas été antérieurement fait état au cours de la procédure. L'instruction contradictoire se poursuit toutefois à l'audience. »

1) L’avocat pourra à l’audience :

-          L’avocat pourra développer son argumentaire à l’appui d’un moyen soulevé dans sa requête ou dans ses écritures,

- Il peut en demande soulever oralement des moyens nouveaux à l’audience,

- Il doit pouvoir répliquer oralement en défense sur ces moyens nouveaux qu’il découvre,

- Il doit pouvoir produire à l’audience des pièces nouvelles utiles à la solution du litige,

2) Le juge des référés administratifs pourra à l’audience :

- Le juge des référés, quant à lui, peut demander à l’avocat des éclaircissements sur l’affaire, ce qui suppose de l’avocat, une parfaite connaissance de son dossier, et d’être en possession de toutes les pièces utiles à la solution du litige,

- Le juge des référés peut suspendre l’audience, rouvrir l’instruction, fixer une nouvelle date d’audience, afin de permettre un respect maximum du contradictoire.

Dans ce cas, l’article R.522-8 du code de justice administrative dispose en outre que : « L'instruction est close à l'issue de l'audience, à moins que le juge des référés ne décide de différer la clôture de l'instruction à une date postérieure dont il avise les parties par tous moyens. Dans ce dernier cas, les productions complémentaires déposées après l'audience et avant la clôture de l'instruction peuvent être adressées directement aux autres parties, sous réserve, pour la partie qui y procède, d'apporter au juge la preuve de ses diligences. L'instruction est rouverte en cas de renvoi à une autre audience ».

IX) Le juge des référés doit toutefois mentionner dans son ordonnance les moyens nouveaux soulevés au cours de l’audience publique

Conseil d'Etat, 3 / 8 SSR, du 26 octobre 2001, 234300, mentionné aux tables du recueil Lebon

« Le juge des référés n'a l'obligation de mentionner, soit dans son ordonnance, soit dans le procès-verbal établi en application de l'article R. 522-11 du code de justice administrative, les moyens invoqués au cours de l'audience que dans le cas où ces moyens n'ont pas été soulevés au cours de la procédure écrite. »

X) Mais le juge des référés est toutefois tenu de soumettre à la contradiction les moyens d’ordre public qu’il soulève lors de l’audience publique

L’article R.522-9 du code de justice administrative dispose que : « L'information des parties prévue à l'article R. 611-7 peut être accomplie au cours de l'audience ».

L’article R.611-7 du code de justice administrative dispose que : « Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'Etat, la sous-section chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables lorsqu'il est fait application des dispositions des articles R. 122-12, R. 222-1, R. 611-8 ou L. 822-1. »

 Conseil d'Etat, Section, du 2 octobre 1996, 160361, publié au recueil Lebon

« Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obstacle à l'application des dispositions de l'article R. 153-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel à la procédure prévue par l'article L. 22 de ce code ; que, par suite, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Marseille était tenu d'informer les parties avant la séance des moyens d'ordre public sur lesquels sa décision lui paraissait susceptible d'être fondée ; qu'il ressort des pièces du dossier qui lui a été soumis qu'il a rejeté, par une ordonnance du 15 juillet 1994, la demande de la SARL Entreprise générale d'électricité Noël Béranger formée sur le fondement de l'article L. 22 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel en se fondant sur un moyen soulevé d'office sans en avoir préalablement informé les parties ; que, dès lors, son ordonnance en date du 15 juillet 1994 est entachée d'une irrégularité ; que, par suite, la SARL Entreprise générale d'électricité Noël Béranger est fondée à en demander l'annulation ; »

BIBLIOGRAPHIE : "Le principe du contradictoire dans le procès administratif" sous la direction de Jean GOURDOU, Olivier LECUCQ et Jean-Yves MADEC- Bibliothèques de droit-L'Harmattan (ISBN: 978-2-296-13104-0) - prix 19 euros.