Dans un jugement du 29 mai 2024 (RG 23/00381), le conseil de prud’hommes de Paris requalifie un contrat d’auto entrepreneur de Sales Director / vendeuse de CAHU en contrat de travail salarié.

Il juge que la rupture s’analyse en un licenciement sans cause.

La salariée a interjeté appel du jugement.

I) LES FAITS

Madame X a été engagée sous le statut d'auto-entrepreneur par la Société CAHU le 18 juin 2022 en qualité de Sales Director.

Aucun contrat de prestations de service n'a été conclu.

Elle a travaillé initialement à 4/5e puis à temps complet à compter du 23 août 2022.

 Le 11 octobre 2022, la collaboration a été rompue par la Société CAHU.

II) MOTIF DE LA DECISION

Dans son jugement du 29 mai 2024, le Conseil statuant publiquement, par jugement contradictoire en premier ressort :

Requalifie le contrat de prestations de services de Madame X en contrat de travail à durée indéterminée ;

Juge que les relations contractuelles sont régies par la Convention Collective de la maroquinerie ;

Juge que Madame X appartenait à la catégorie des employés niveau II ;

 Fixe la rémunération de Madame X à la somme de 2875,00 € ;

 Requalifie la rupture intervenue le 11 octobre 2022 en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-       1000,00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

Condamne la Société CAHU à verser à Madame X les sommes suivantes :

-       1150,00€ à titre d'indemnité compensatrice de conges payes ;

-       718,75€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

-       71,87 € au titre des congés payés afférents ;

-       2875,00 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Ordonne la remise des documents sociaux conformes à la décision à intervenir (bulletins de paie de juin à octobre 2022, certificat de travail, solde de tout compte, attestation France Travail)

Déboute Madame X du surplus de ses demandes ;

Déboute la Société CAHU de l'ensemble de ses demandes ;

 Condamne la Société CAHU aux dépens.

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1. In limine litis - Sur l'incompétence du Conseil de Prud'hommes

Le Conseil de Prud'homme joint l'incidence au fond.

2. Sur la reconnaissance de la qualité de salariée de Madame X

Trois éléments caractérisent le contrat de travail : la fourniture d'un travail ; le paiement d'une       rémunération ; l'existence d'un lien de subordination. La réunion des deux premiers éléments peur ne pas être pas suffisante car elle peut faire l'objet d'autres contrats comme un contrat de sous-traitance.

La notion de subordination est caractérisée par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Une situation de sous-traitance revêt plusieurs caractéristiques essentielles comme : l'autonomie et l’indépendance ; une prestation définie et spécifique formalisée par une ou plusieurs conventions ; la mise à disposition des propres moyens matériels et humains du sous-traitants ; une rémunération généralement forfaitaire ; une intervention officielle déclarée au maître d'ouvrage.

À ce titre, l'article L8222-6-1 du Code du travail énonce qu'" est présumé travailleur indépendant celui dont les conditions de travail sont définies exclusivement par lui-même ou par le contrat les définissant avec son donneur d'ordre ".

L'article L 8221-6 du Code du travail stipule que " I.- Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription: 1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales; 2° Les personnes physiques inscrites au registre des entreprises de transport routier de personnes, qui exercent une activité de transport scolaire prévu par l'article L. 214-18 du code de l'éducation ou de transport à la demande conformément à l'article 29 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs; 3° Les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés ; II- L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci. Dans ce cas, la dissimulation d'emploi salarié est établie si le donneur d'ordre s'est soustrait intentionnellement par ce moyen à l'accomplissement des obligations incombant à l'employeur mentionnées à l'article L. 8221-5. Le donneur d'ordre qui a fait l'objet d'une condamnation pénale pour travail dissimulé en application du présent Il est tenu au paiement des cotisations et contributions sociales à la charge des employeurs, calculées sur les sommes versées aux personnes mentionnées au I au titre de la période pour laquelle la dissimulation d'emploi salarié a été établie".

En l'espèce, il ressort des pièces versées au débat que l'emploi de Madame X n'avait pas pour objet la réalisation d'une tâche précise et ponctuelle et ne demandait pas de savoir-faire technique que l'entreprise n'était capable d'assumer en interne.

Par ailleurs, sur la notion de subordination, les nombreux échanges entre Madame X et Madame Y, versés au débat laissent apparaître des horaires contraints ainsi que des instructions précises et détaillées sur l'organisation de son travail. Ces éléments révèlent l'absence d'autonomie de Madame X.

Par conséquent, le Conseil de Prud'hommes juge qu'il y avait bien une relation de travail salarié entre Madame X et la SARL CAHU, se juge compétent et requalifie sa relation de travail en contrat à durée indéterminée.

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https://www.legavox.fr/blog/frederic-chhum-avocats/secteur-luxe-auto-entrepreneur-requalification-35968.htm

 

Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)

CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)

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