Le licenciement pour faute lourde bien que plus rare que le licenciement pour faute simple et faute grave n’est pas anodin.
Dans la catégorie des licenciements disciplinaires, le licenciement pour faute lourde correspond au niveau le plus élevé sur l'échelle des sanctions.
Mais que revêt cette notion de faute lourde ? Quelle procédure l’employeur doit-il respecter lors d’un licenciement reposant sur ce type de faute ? Quelles sont les conséquences d’une telle qualification de la faute sur vos droits à indemnités ? Et enfin comment contester un licenciement reposant sur un tel motif ?
Tout savoir sur le licenciement pour faute lourde : définition
La faute lourde :
- suppose la participation directe et personnelle du salarié aux faits sanctionnés (Cass. soc. 20 mai 1955 n° 2582, Pfeffer c/ Sté Jérôme Bonnefoy et Cie) ;
- rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ; et
- est commise par le salarié avec l'intention de nuire à l'employeur ou à l’entreprise.
Ainsi, la volonté du salarié de porter préjudice à l’employeur, à l’entreprise, ou de satisfaire un intérêt personnel en ayant conscience de porter un tel préjudice doit être clairement établie.
La faute lourde se distingue ainsi de la faute grave, qui certes rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise mais qui ne nécessite aucune intention de nuire.
Ainsi, cette intention de nuire ne peut être déduite de la seule gravité des faits ou du préjudice subi par l’employeur.
En outre, la seule commission d'un acte préjudiciable à l’entreprise ne caractérise pas l'intention de nuire et n’est donc pas constitutive d’une faute lourde.
A titre d’exemple, même si le délit de vol comporte un élément intentionnel, il n'inclut pas, en lui-même une intention de nuire.
Ainsi, il est très difficile de la qualifier la faute lourde, cette dernière répondant à des critères précis.
Néanmoins, ont pu être qualifiés de faute lourde justifiant un licenciement :
- des actes de concurrence déloyale commis par le salarié ;
- des agissements frauduleux répétés d'un salarié, ayant encaissé injustement des sommes auprès de clients (Cass. soc. 21 novembre 2012, n° 11-22.028, B. c/ Sté Rosset) ;
- des propos dénigrant l’entreprise avec une intention de nuire ;
- des actes de sabotage provoquant l'arrêt de machines ;
- une menace de mort ;
- le blocage de l'accès à l'entreprise aux salariés non grévistes par des salariés grévistes ;
Aussi, vous l’aurez compris, la faute lourde ne justifie le licenciement que lorsqu’elle est d’une extrême gravité et qu’elle implique l’intention de nuire du salarié.
Si une telle faute est identifiée, elle peut alors mener à un licenciement dont la procédure est strictement encadrée par la Code du Travail.
Tout savoir sur le licenciement pour faute lourde : la procédure
Tout d’abord, en application de l’article L1332-4 du Code du Travail, l’employeur a un délai maximum de deux mois à compter du jour où il a eu connaissance des faits fautifs pour engager une procédure de licenciement.
La faute lourde doit donc être immédiatement sanctionnée.
Ensuite, la faute lourde ne rompt pas, par elle-même, le contrat de travail. L’employeur ne peut ainsi se contenter de prendre acte de la rupture. (CA Versailles, 16 février 1999, n° 96-22663, 5e ch. A, Sadaoui c/ SA Hervé.)
La procédure de licenciement de droit commun doit ainsi être respectée.
En principe, l’employeur prononcera en premier lieu une mise à pied conservatoire.
Cette dernière permet à l’employeur d’empêcher la présence du salarié au sein de l’entreprise durant la procédure.
Le contrat est alors suspendu et le salarié ne reçoit plus sa rémunération.
Si l’employeur décide par la suite d’engager une procédure de licenciement pour faute lourde, il devra alors respecter une procédure particulière.
L'entretien préalable au licenciement
Dans un premier temps, il devra convoquer le salarié à un entretien préalable par une lettre recommandée avec accusé de réception au minimum cinq jours ouvrables avant le jour de l’entretien.
La lettre de convocation devra comporter le motif de la convocation, le lieu, la date de l’entretien et mentionner le fait que le salarié est en droit d’y être assisté par un représentant du personnel.
Durant l’entretien préalable, l'employeur indiquera au salarié les faits reprochés justifiant selon lui le licenciement de ce dernier.
Il devra par la suite laisser le salarié s’expliquer sur ces motifs.
Durant cet entretien, le salarié pourra se faire assister par une personne appartenant au personnel de l’entreprise, par un représentant du personnel, ou par un conseiller extérieur.
Néanmoins, il est important de noter que le salarié n'est pas obligé de se présenter à l'entretien préalable et ceci ne pourra lui être reproché.
La lettre de licenciement
Dans un second temps, si suite à cet entretien, l’employeur souhaite toujours licencier le salarié, il devra attendre au minimum deux jours ouvrables et au maximum 1 mois après la date de l’entretien pour ensuite envoyer la lettre de licenciement au salarié.
Néanmoins, des dispositions conventionnelles peuvent prévoir des délais différents.
En application de l’article L. 1232-6 du Code du travail, cette lettre devra être envoyée par recommandé avec avis de réception et énoncera précisément la ou les fautes invoquées par l’employeur.
Il convient de noter que la date de fin du contrat de travail du salarié se situe à la date où l'employeur a manifesté sa volonté d'y mettre fin, soit au jour de l'envoi de la lettre recommandée.
Attention, en cas de manquement aux règles de procédure susmentionnées, le licenciement pourra être entaché d’irrégularité, exposant alors l’employeur à des sanctions pouvant aller jusqu’au versement d'une indemnité dont le montant ne pourra dépasser un mois de salaire.
Mais quelles sont les autres conséquences indemnitaires du licenciement pour faute lourde ?
Tout savoir sur le licenciement pour faute lourde : les conséquences
Comme le licenciement pour faute grave, le licenciement pour faute lourde entraine une privation :
- de l’indemnité conséquente à une éventuelle dispense de préavis ; et
- de l’indemnité de licenciement.
De plus, dans le cas d’un salarié en CDD s’étant vu notifier une rupture anticipée de son contrat de travail pour faute lourde, cette dernière entrainera également la perte de son droit à la prime de précarité.
Néanmoins des dispositions conventionnelles peuvent prévoir des solutions plus favorables.
Il est donc nécessaire de les consulter.
En outre, bien l’article L1331-2 du Code du Travail pose le principe de la prohibition de toute sanction pécuniaire à l’égard du salarié, celui-ci ne joue pas en cas de faute lourde.
En effet, il résulte d’une jurisprudence constante que la responsabilité pécuniaire d’un salarié à l’égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde, même en ce qui concerne le droit à compensation prévu à l’article L. 3251-2. (Cass. soc. 27 nov 1958, Bull. Civ. IV n°1959, Cass. soc. 20 avril 2005, n° 1057 ; Cass. soc. 25 janv 2017, n° 14-26.071)
Ainsi, en vue de la gravité de la faute commise, si l’entreprise a subi des préjudices du fait de la faute lourde du salarié, elle peut entreprendre d’engager la responsabilité civile de ce dernier.
Aussi, vous l’aurez compris le licenciement pour faute lourde a des conséquences substantielles aussi bien pécuniaires que juridiques pour le salarié.
Il constitue de ce fait une véritable arme sociale pour les employeurs.
Comment donc contester ce type de licenciement ?
Tout savoir sur le licenciement pour faute lourde : contester le licenciement
Tout licenciement doit reposer sur une cause réelle et sérieuse.
Ainsi, si le salarié souhaite contester son licenciement qu’il estime nul, dénué d’une telle cause réelle et sérieuse, ou à tout le moins irrégulier en raison des manquements de l’employeur aux règles procédurales, il devra saisir le Conseil de Prud’hommes territorialement compétent.
Cela pourra être ainsi le cas si la faute ne revêt pas le caractère de gravité invoqué ou encore si la faute est prescrite au-delà du délai de deux mois.
Dans ces hypothèses et bien d’autres, en application de l’article L.1471-1 du Code du Travail, le salarié disposera d’un délai de 12 mois à compter de la notification du licenciement pour le contester.
Il reviendra alors à l’employeur de rapporter la preuve de l’intention formelle de nuire du salarié à ses intérêts ou à ceux de l’entreprise.
Il devra le faire au travers de preuves concrètes, vérifiables, sérieuses, licites et loyales.
Le juge formera sa conviction sur le caractère réel et sérieux du licenciement au vu des éléments fournis par les parties. Il convient de noter que si un doute subsiste il profitera au salarié.
Ainsi, dans de nombreux cas, le licenciement sera :
- requalifié en licenciement pour faute simple ou grave ; voire
- jugé comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Ainsi, selon les cas, le salarié pourra prétendre à des indemnités supplémentaires, voire à une réintégration dans certaines hypothèses.
Il convient de noter qu’en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’indemnité à laquelle peut prétendre le salarié est strictement encadrée par un barème légal dit barème Macron. (Article L. 1235-3 du Code du travail)
Mais des indemnités supplémentaires pourront être allouées au salarié en cas de préjudice distinct.
Ainsi, vous l’aurez compris, la qualification de la faute lourde et le respect de la procédure du licenciement reposant sur une telle cause sont les deux principales voies de contestation d’un tel licenciement.
Néanmoins, pour qu’une telle contestation ait le plus de chances d’aboutir, il est vivement conseillé au salarié de faire appel à l’assistance d’un avocat.
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Me Grégoire HERVET – EXILAE Avocats
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