L’avènement d’Internet a révolutionné notre manière de vivre, de travailler et de nous divertir. Cependant, cette révolution technologique n’est pas exempte de dangers, en particulier pour les mineurs qui naviguent avec une aisance particulière sur les réseaux sociaux et contournent volontiers les éventuels garde-fous mis en place pour les protéger.
Selon une enquête Génération Numérique de mars 2021, 44 % des 11-18 ans déclarent avoir déjà menti sur leur âge sur les réseaux sociaux.
Les enfants d’aujourd’hui sont de plus en plus connectés. Cette connectivité accrue s’accompagne de risques auxquels la législation tente de faire face, en mettant en place des mesures de protection pour les prévenir.
Nous pouvons noter une prise de conscience ces dernières années des législateurs français et de l’Union Européenne en particulier, qui ont prévu de plus en plus de textes spécifiques aux mineurs dans le secteur de l’économie numérique.
Avant d’évoquer le cadre législatif relatif aux mineurs sur Internet et ses récentes avancées, nous identifierons les risques et défis auxquels nous sommes confrontés.
Les risques encourus par nos enfants
Si l’avènement d’Internet est gage de progrès qui ne sont plus à démontrer, la vie sur la toile ne fait pas exception au danger. Les enfants y sont particulièrement exposés dès lors qu’ils sont plus vulnérables, plus influençables et n’ont pas toujours la maturité et le discernement nécessaire pour évaluer les risques. Parmi les dangers les plus préoccupants figurent les risques de cyberharcèlement, d’exposition à la pornographie, d’escroquerie, mais encore la désinformation et l’addiction aux écrans. Il existe en outre une menace insidieuse où l’image d’un enfant peut être exploitée par des sites à caractère pédopornographique.
Pour contrer ces menaces, les législations française et européenne ont mis en place et continue de promulguer ces derniers mois des lois spécifiques pour protéger en particulier la vie privée et l’image des mineurs.
Les principes du droit à l’image actuels
À ce jour, le droit à l’image de toute personne et sur tout support, numérique ou autre est protégé en France par l’article 9 du Code civil qui garantit le droit à la protection de la vie privée. Sauf exception encadrée par la loi ou la jurisprudence, toute personne qui souhaite diffuser l’image d’un mineur devra obtenir l’autorisation expresse des titulaires de l’autorité parentale du mineur identifié ou identifiable sur l’image. Il semblerait qu’à ce jour, l’autorisation d’un parent présume l’accord de l’autre. Le parent qui ne serait pas d’accord pourrait cependant manifester son opposition.
Le Code pénal prévoit également des sanctions sévères pour ceux qui portent atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui en enregistrant ou transmettant l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé sans son consentement ou celui des parents si l’image représente une personne mineure.
Une proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants est actuellement en débat au parlement. Elle permettrait de définir expressément la situation du droit à l’image des mineurs. Elle aurait notamment pour objet de responsabiliser les parents dans l’exercice de ce droit et prévoirait que l’image de l’enfant ne peut être diffusée qu’avec l’accord des deux parents.
Encadrer l’image des enfants sur les plateformes vidéo et leur activité d’influenceur
Depuis plusieurs années, des vidéos mettant en scène des enfants dans divers aspects de leur vie sont régulièrement diffusées en ligne, notamment sur des plateformes telles que YouTube. Le député à l’initiative de cette loi, Bruno Studer, souligne les risques liés à la célébrité sur le développement psychologique des enfants, le cyberharcèlement et même la pédopornographie.
La loi du 20 octobre 2020, entrée en vigueur en avril 2021, vise à encadrer l’exploitation commerciale de l’image des enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne, en protégeant l’enfant et en préservant sa vie privée grâce à des mécanismes tels que l’autorisation préalable et le droit à l’effacement.
Désormais, lorsque l’activité des enfants influenceurs sera considérée comme un travail, les mineurs de moins de 16 ans bénéficieront des règles protectrices du Code du travail, déjà applicable cela pour les enfants mannequins ou du spectacle.
Lorsqu’un enfant exerce un travail d’influenceur, ses parents doivent obtenir un agrément c’est-à-dire une autorisation préalable auprès de l’autorité préfectorale compétente.
De plus, au-delà d’un certain seuil de revenus tirés de l’activité d’influenceur de l’enfant, les revenus de l’enfant doivent être placés à la Caisse des dépôts et consignations et seront bloqués jusqu’à la majorité de l’enfant. Les plateformes de vidéos doivent également retirer les vidéos des enfants sur demande directe de ces derniers, sans nécessiter le consentement des parents.
Dans les hypothèses qui ne relèveraient pas d’une situation de travail conformément au Code du travail, la diffusion de l’image d’un enfant de moins de 16 ans sur un réseau social reste encadrée dans certaines situations définies par la loi. En effet, lorsque l’enfant en est le sujet principal, les titulaires de l’autorité parentale doivent effectuer une déclaration auprès de l’autorité compétente en fonction au-delà d’une certaine durée cumulée de vidéo ou du nombre de contenus diffusés sur une période de temps donnée. La loi tient compte également des revenus directs ou indirects occasionnés par la diffusion de ces vidéos.
Les annonceurs ont également une part de responsabilité lorsqu’ils payent pour que leurs produits apparaissent dans ces vidéos : ils doivent s’assurer que les adultes responsables de l’enfant respectent ces règles et en principe, selon le texte de loi, verser la rémunération due aux parents et la part réservée au mineur à la Caisse des dépôt et consignation.
Il est également prévu que tout mineur pourra exercer son droit à l’effacement de ses données (également appelé communément « droit à l’oubli ») seul, et pourra ainsi demander le retrait d’une vidéo sans l’accord de ses parents. La consécration de ce droit à l’oubli pour toute personne, adulte comme enfant, est issue de la réglementation pour la protection des données personnelles. Cette loi vient renforcer les droits du mineur en particulier. L’enfant devra effectuer la demande lui-même auprès de la plateforme qui diffuse la vidéo et préciser quelles sont les données à effacer.
Lutter contre les crimes et délits commis contre les mineurs à l'aide d'Internet
Plusieurs dispositions pénales sanctionnent sévèrement les crimes et délits en particulier réalisés via les réseaux sociaux contre les mineurs sur Internet notamment :
- "Le fait de favoriser ou de tenter de favoriser la corruption d'un mineur", avec une circonstance aggravante si le fait a été commis par le biais d'un réseau de communications électroniques ,
- "Le fait pour un majeur de faire des propositions sexuelles à un mineur de quinze ans ou à une personne se présentant comme telle en utilisant un moyen de communication électronique",
"Le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d'enregistrer ou de transmettre l'image ou la représentation d'un mineur lorsque cette image ou cette représentation présente un caractère pornographique",
- "L'incitation d'un mineur, par un moyen de communication électronique, à commettre tout acte de nature sexuelle, soit sur lui-même, soit sur ou avec un tiers, y compris si cette incitation n'est pas suivie d'effet". Les sanctions s'appliquent également au "fait d'offrir, de rendre disponible ou de diffuser une telle image ou représentation",
- Le fait "d'inciter des mineurs à se livrer à des jeux les mettant physiquement en danger".
(Article L227-22 et suivants du Code pénal)
Sécuriser les traitements de données personnelles des mineurs et prohiber le profilage
Comme évoqué précédemment, le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) et l’article 45 de la Loi Informatique et Libertés (LIL) encadrent le traitement des données personnelles et prévoient des dispositions spécifiques aux mineurs. Les enfants de moins de 13 ans ne peuvent consentir à un traitement de données effectué par des prestataires de service de la société d’information (ex : réseaux sociaux), tandis que ceux de 13 à 14 ans nécessitent le consentement conjoint du mineur et de ses parents. Les enfants de 15 ans ou plus peuvent quant à eux consentir seuls.
Le Digital Service Act (DSA), règlement de l’Union Européenne entré en vigueur le 25 août 2023, impose des mesures de protection spécifiques pour les mineurs sur les plateformes en ligne. Les fournisseurs de ces plateformes doivent garantir la sécurité des mineurs, et ne pas utiliser de publicités basées sur le profilage de ces derniers. Selon la CNIL, « Si les mineurs s’intéressent à la protection de leur vie privée et de leur image en ligne, ils ne prennent conscience de la « marchandisation » de leurs données que progressivement, en fonction de leur âge mais aussi de leur milieu familial, socio-culturel, ou encore la diversité de leurs pratiques numériques ».
Protéger les plus jeunes de la haine en ligne
La toute récente loi du 7 juillet 2023 visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne, instaure une majorité numérique à 15 ans permettant notamment aux enfants de 15 ans et plus de s’inscrire sans le consentement parental sur les réseaux sociaux. Cette loi impose également des obligations strictes aux réseaux sociaux pour mieux prévenir et poursuivre les délits en ligne, notamment le cyberharcèlement. Les réseaux sociaux doivent refuser l’inscription des enfants de moins de 15 ans sans le consentement parental, informer sur les risques liés aux usages numériques, permettre aux parents de suspendre les comptes de leurs enfants, et activer un dispositif de contrôle du temps passé en ligne.
Faciliter le contrôle parental et éviter les accès aux contenus inadaptés
La loi du 2 mars 2022 et les récents décrets d’application du 11 juillet 2023 prévoit de nouvelles obligations à la charge des fabricants d’appareils connectés. Ces derniers sont tenus d’installer un dispositif de contrôle parental et proposer son activation gratuite lors de la première mise en service de l’appareil. La loi interdit également le traitement commercial des données personnelles des enfants collectées lors de l’activation du dispositif.
L’avenir ?
Outre la loi visant à protéger le droit à l’image des mineurs actuellement en débat au Parlement, des autorités telles que la CNIL, travaillent également à développer des solutions pour protéger la vie privée des mineurs, par exemple pour contrôler leur âge lors de leur inscription sur les réseaux sociaux, ou pour parvenir à un équilibre entre le contrôle parental et préserver l’intimité du mineur, même à l’égard de ses parents.
En somme, la protection des mineurs en ligne est une préoccupation croissante et l’évolution de la législation vise à créer un environnement numérique plus sûr pour la jeunesse d’aujourd’hui. Toutefois, la vigilance des parents, des acteurs du secteur numérique et des autorités reste essentielle pour prévenir les dangers d’Internet et garantir un avenir numérique prometteur pour nos enfants.
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Références légales :
- Article 9 du Code civil
- La loi n° 2020-1266 du 19 octobre 2020 est entrée en vigueur le 20 avril 2021 et apporte désormais un cadre sur l'exploitation de l'image d'enfants de moins de 16 ans sur les plateformes de diffusion en lign
- Loi n° 2021-478 du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste;
- Loi n° 2022-300 du 2 mars 2022 visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d'accès à internet
- Décret n° 2023-588 du 11 juillet 2023 pris pour l'application de l'article 1er de la loi n° 2022-300 du 2 mars 2022 visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d'accès à internet.
- Décret n° 2023-589 du 11 juillet 2023 portant application de l'article 6 de la loi n° 2004-575 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique
-Loi n° 2023-566 du 7 juillet 2023 visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne
- Art 8 du Règlement UE 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données)
- Article 28 du Règlement UE 2022/2065 du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques)
Image de : Felixmh, source Pixabay
Je possède un blog sur la bande dessinée sur lequel nous sommes plusieurs rédacteurs. Une personne nous a contacté pour intégrer l'équipe et partager sa passion en publiant des chroniques de BD. Seulement nous avons appris qu'il s'agit d'une mineure de 12 ans.
Je me pose donc la question : avons nous le droit d'accepter sa participation au blog? Devons nous avoir une autorisation parentale? Ou y a t-il une procédure à suivre pour lui permettre d'écrire sur le blog?
Les réseaux sociaux sont interdits aux mineurs de moins de 13 ans. Par conséquent, il n'est en principe pas possible d'interagir avec un mineur de 12 ans en ligne. A partir de 13 ans, il convient d'avoir l'autorisation parentale. De plus, en fonction de la nature de votre blog, de son activité notamment économique, de la fréquence des contributions de l'enfant mineur et des conditions dans lesquelles elle "intègre l'équipe", cela pourrait être considéré comme un travail, nécessitant le respect des règles de droit du travail s'appliquant aux mineurs. Or, sauf quelques exceptions dans le secteur du spectacle, le travail des enfants n'est possible en France qu'à partir de 14 ou 16 ans dans des conditions strictes et particulières. J'attire également votre attention sur le fait que même un mineur bénéficie de la protection du droit d'auteur.
Pour plus d'informations, n'hésitez pas à me contacter: