La Cour de cassation a jugé qu'un architecte chargé d'une mission complète de maîtrise d'œuvre est tenu de garantir la conformité de l'ouvrage aux plans, même en l'absence de mission spécifique de mesurage.

Elle a également retenu que la perte de chance liée à un défaut de conformité peut ouvrir droit à indemnisation.

Un arrêt rendu le 7 novembre par la Cour de cassation clarifie les responsabilités de l'architecte et ouvre la voie à une indemnisation plus large en cas de non-conformité (Cass. 3e civ., 7 nov. 2024, n° 23-12.315, FS-B).

En l'espèce, une société civile de construction vente (SCCV) avait sollicité l'indemnisation d'une perte de chance, en raison de l'écart substantiel constaté entre la superficie des plans et celle de l'ouvrage effectivement réalisé.

Le juge de cassation retient que la cour d'appel de Bordeaux, dans son arrêt rendu le 1er décembre 2022, a violé l'article 1147 ancien du Code civil en rejetant la demande d'indemnisation formée par le maître de l'ouvrage.

La Cour retient qu'une mission complète de maîtrise d'œuvre, confiée à l'architecte, implique une obligation fondamentale et irréductible : celle de s'assurer que l'ouvrage respecte strictement les plans contractuels.

Cette responsabilité de l'architecte est indépendante de la présence d'une mission supplémentaire et ne saurait donc être diluée par l'absence d'une mission spécifique de mesurage.

Le manquement à cette obligation de conformité peut, dès lors, légitimement entraîner l'indemnisation d'une perte de chance, en particulier lorsque des éléments probants laissent à penser que la vente du bien aurait pu se réaliser à un prix supérieur, en l'absence de cette non-conformité.

La Cour souligne qu'il n'est nul besoin d'une certitude totale quant à l'ampleur exacte du préjudice pour que la réparation soit dûment envisagée.

Les juges sont ainsi tenus de réparer la perte de chance, même en cas d'incertitude.

Par cette décision, la Cour de cassation resserre le périmètre des obligations des architectes, renforçant ainsi leur devoir de conformité.

Elle consacre également l'indemnisation en cas de perte de chance, même lorsqu'elle ne repose que sur des éléments probables.

On retiendra ainsi de l'arrêt rapporté :

  • L'obligation de l'architecte à garantir la conformité de l'ouvrage aux plans, même en l'absence de mission spécifique de mesurage. C'est la nature de la mission de maîtrise d'œuvre (complète) qui engendre cette obligation de conformité, et non la présence ou l'absence de missions complémentaires ;
  • La possibilité pour le maître d'ouvrage d'obtenir une indemnisation pour la perte de chance de vendre le bien à un prix supérieur en raison de la non-conformité. Un écart entre les plans et l'ouvrage réalisé peut entraîner l'indemnisation du maître d'ouvrage pour perte de chance, même en l'absence de preuve d'un préjudice exact ;
  • Le renforcement de la responsabilité de l'architecte.

(Source : Lexis360 du 15/12/2024)