CE, 29 avr. 2009, n° 293896, Cne Manzat : JurisData n° 2009-075349

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Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, saisi d'une demande de déclaration d'utilité publique pour la réalisation d'un lotissement industriel destiné à l'accueil d'industries lourdes et semi-lourdes sur des terres agricoles de la commune de Manzat, le préfet du Puy-de-Dôme, après avoir prescrit en application de l'article L. 123-16 du Code de l'urbanisme l'enquête publique conjointe à la déclaration d'utilité publique et à la modification nécessaire du plan d'occupation des sols, a, le 8 octobre 2001, refusé de déclarer d'utilité publique cette opération au motif que la modification corrélative du plan d'occupation des sols le rendrait incompatible avec les orientations de la charte du parc naturel régional des volcans d'Auvergne dont fait partie la commune de Manzat, approuvée par décret du 6 décembre 2000 ; que la commune de Manzat, dont la demande d'annulation de cette décision a été rejetée par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, se pourvoit en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête dirigée contre ce jugement et cette décision ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 333-1 du Code de l'environnement, dans la rédaction applicable au litige : Les parcs naturels régionaux concourent à la politique de protection de l'environnement, d'aménagement du territoire, de développement économique et social et d'éducation et de formation du public. Ils constituent un cadre privilégié des actions menées par les collectivités publiques en faveur de la préservation des paysages et du patrimoine naturel et culturel. / La charte du parc détermine pour le territoire du parc les orientations de protection, de mise en valeur et de développement et les mesures permettant de les mettre en oeuvre. Elle comporte un plan élaboré à partir d'un inventaire du patrimoine indiquant les différentes zones du parc et leur vocation, accompagné d'un document déterminant les orientations et les principes fondamentaux de protection des structures paysagères sur le territoire du parc. / La charte constitutive est élaborée par la région avec l'accord de l'ensemble des collectivités territoriales concernées et en concertation avec les partenaires intéressés. Elle est adoptée par décret portant classement en parc naturel régional pour une durée maximale de dix ans. La révision de la charte est assurée par l'organisme de gestion du parc naturel régional. / L'État et les collectivités territoriales adhérant à la charte appliquent les orientations et les mesures de la charte dans l'exercice de leurs compétences sur le territoire du parc. Ils assurent, en conséquence, la cohérence de leurs actions et des moyens qu'ils y consacrent. L'État et les régions adhérant à la charte peuvent conclure avec l'organisme de gestion du parc un contrat en application du contrat de plan État-région. Les documents d'urbanisme doivent être compatibles avec les orientations et les mesures de la charte. / Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article.

Considérant qu'en vertu de ces dispositions, un plan d'occupation des sols ou un plan local d'urbanisme doit être compatible avec la charte du parc naturel régional dont la commune fait partie ; qu'une opération ne peut légalement être déclarée d'utilité publique si la modification du document d'urbanisme nécessaire pour sa réalisation aurait pour effet de rendre ce document incompatible avec la charte ; que si, ni le document d'urbanisme, ni la déclaration d'utilité publique, ne constitue une mesure d'application de la charte, et si les moyens tirés par voie d'exception de l'illégalité de la charte seraient par suite inopérants à l'encontre d'une décision approuvant un plan d'occupation des sols ou déclarant d'utilité publique un projet, il en va autrement s'agissant d'un refus de modifier le document d'urbanisme et de déclarer d'utilité publique une opération pris au motif d'une incompatibilité avec la charte ; que, dès lors, en écartant comme inopérants les moyens tirés par voie d'exception de l'illégalité de la charte à l'encontre du refus du préfet de modifier le plan d'occupation des sols de la commune de Manzat et de déclarer d'utilité publique l'opération projetée, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu pour le Conseil d'État, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du Code de justice administrative ;

Considérant qu'à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision du préfet refusant de prononcer la mise en compatibilité du plan d'occupation des sols et la déclaration d'utilité publique sollicitées, la commune de Manzat soutient que la charte du parc naturel régional ne pouvait légalement fonder un tel refus, à raison des illégalités qui entacheraient ses dispositions ;

Considérant que l'article L. 333-1 du Code de l'environnement précité dispose que la charte d'un parc naturel régional détermine des orientations mais aussi des mesures permettant de mettre en oeuvre ces orientations, en vue de la protection de l'environnement et de l'aménagement du territoire ; qu'au nombre de telles mesures peuvent être prévues des règles relatives à l'implantation des zones d'activités ; que, dès lors, la commune de Manzat n'est pas fondée à soutenir que la charte du parc naturel régional des volcans d'Auvergne, qui a été approuvée par décret du 6 décembre 2000, serait illégale pour comporter des dispositions réglementaires trop précises sur l'implantation des zones d'activité ;

Considérant qu'en vue d'assurer un développement économique compatible avec la préservation du site naturel de la chaîne des volcans d'Auvergne, et en particulier de permettre une bonne intégration paysagère de l'autoroute A89 dans la zone sensible du Puy Chalard, la charte du parc naturel régional des volcans d'Auvergne fixe comme objectifs de favoriser un développement cohérent de l'urbanisation et intégrer le bâti moderne en périphérie des bourgs, traiter avec soins l'intégration paysagère de l'autoroute A 89 et des équipements connexes et prévoit qu' en matière de développement économique positif pour la région, la sensibilité du territoire du parc traversé fait que les nouvelles zones pouvant accueillir des activités artisanales et industrielles doivent être regroupées près des bourgs existants ; en particulier, la proximité du Puy Chalard implique qu'aucune zone artisanale ou industrielle ne doit être aménagée au niveau du futur échangeur de Manzat ; que ce faisant, la charte n'a pas méconnu l'article L. 145-3 du Code de l'urbanisme, relatif aux zones de montagne, qui prévoit que l'urbanisation doit se faire en continuité avec les bourgs, villages et hameaux existants et que des zones d'urbanisation nouvelles ne peuvent être créées que par exception et doivent alors être intégrées à l'environnement ; que cette disposition de la charte ne méconnaît pas non plus, par elle-même, l'article R. 111-2 du Code de l'urbanisme selon lequel un permis de construire peut être refusé si le projet est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, dès lors qu'il appartient à l'autorité administrative, à l'occasion de chaque demande d'autorisation de construire ou d'implanter une activité, d'appliquer les règles notamment de sécurité, découlant de chacune des législations pertinentes ;

Considérant qu'eu égard aux caractéristiques du site en cause, en fixant un objectif de protection de la zone du Puy Chalard et en l'assortissant des mesures critiquées relatives à l'implantation des zones d'activité, la charte n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Manzat n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du Puy-de-Dôme en date du 8 octobre 2001 ;

Considérant qu'il n'y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit ni aux conclusions de la commune de Manzat ni à celles du syndicat mixte du parc naturel régional des volcans d'Auvergne tendant à l'application de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ; (...)