Je suis avocatE.
La journée internationale des droits des femmes, célébrée le 8 mars rappelle à tous la nécessité d’un engagement et de progrès concernant ces droits qui ne devraient pas être spécifiques à un genre.
L’évolution d’un droit tient parfois à la symbolique.
Depuis de nombreuses années, je précise lorsque je me présente : « je suis avocate ».
Je suis avocate, j’exerce la profession d’avocat. C’est généralement toujours la fonction qui est visée. La fonction encore systématiquement masculine lorsqu’elle est évoquée. Comme d’ailleurs la plupart des professions tardivement accessibles aux femmes.
Pour autant, cette profession s’est largement féminisée à tel point que les hommes sont désormais en infériorité numérique à l’instar de bon nombre de professions juridiques.
A ce sujet, le 28 février 2019, l’Académie française a adopté à une large majorité le rapport sur la féminisation des noms de métiers et de fonctions. Ce dernier exposait :
« En ce début de XXIe siècle, tous les pays du monde, et en particulier la France et les autres pays entièrement ou en partie de langue française, connaissent une évolution rapide et générale de la place qu’occupent les femmes dans la société, de la carrière professionnelle qui s’ouvre à elles, des métiers et des fonctions auxquels elles accèdent sans que l’appellation correspondant à leur activité et à leur rôle réponde pleinement à cette situation nouvelle. Il en résulte une attente de la part d’un nombre croissant de femmes, qui souhaitent voir nommer au féminin la profession ou la charge qu’elles exercent, et qui aspirent à voir combler ce qu’elles ressentent comme une lacune de la langue. »
« Et les femmes membres du barreau répugnent encore très largement à être appelées « avocates », bien que cette forme soit reçue de longue date dans l’usage courant et ait été enregistrée par tous les dictionnaires (elle est attestée pour la première fois au XIIIe siècle et est introduite, au sens moderne, dans la 8e édition du Dictionnaire de l’Académie). Le même constat pourrait a fortiori être dressé pour le terme « bâtonnier ».
Dans le domaine de la justice, la féminisation semble pourtant passée aujourd’hui dans l’usage, bien qu’aucune féminisation systématique ne se constate encore chez les notaires, les huissiers de justice, les experts près les tribunaux ou les commissaires-priseurs – les formes féminines rencontrant les mêmes résistances que le terme « avocate ».
La Cour de cassation a exprimé le souhait de se conformer aux recommandations de l’Académie française en matière de féminisation des noms de fonctions et titres en usage dans les juridictions françaises. Or on observe encore quelques hésitations de l’usage : pour désigner une femme exerçant la fonction d’avocat général, le recours à la forme féminine (« avocate générale ») n’est pas systématique, l’emploi du masculin subsistant bien souvent dans l’usage courant. La même réserve vaut pour certaines formes auxquelles l’oreille n’est pas accoutumée (ainsi le féminin « substitute » semble rarement employé). »
Alors, lorsque l’on est une femme, doit-on continuer à dire que l’on est avocat ?
Concrètement, le CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX lors de son Assemblée Générale du 9 décembre 2022, a, par résolution, adopté un Projet de décision à caractère normatif
n° 2022-001 portant insertion d’un article préliminaire dans le titre premier du Règlement intérieur national (R.I.N.) de la profession d’avocat.
Il s’agissait plus précisément de normaliser la féminisation des termes « bâtonnier » ou « vice-bâtonnier » ou « avocat ».
Après concertation des barreaux, syndicats professionnels et organismes techniques, un article préliminaire au titre premier sur les principes essentiels de notre profession a donc été inséré par la DCN n° 2022-001, publiée au JO du 4 février 2023.
Ledit article préliminaire dispose : « Lorsque les dispositions du règlement intérieur national mentionnent les termes « bâtonnier » ou « vice-bâtonnier » ou « avocat », elles doivent être entendues comme s’appliquant à « la bâtonnière » ou à « la vice-bâtonnière » ou à « l’avocate » au choix de l’intéressée. »
Le point de vue est évidemment différent selon que l’on se place du côté de la fonction ou de l’état.
Pourtant dans l’Avocature, les règles déontologiques fortes qui nous obligent quotidiennement ne prennent pas fin dans la fonction mais nous accompagnent toujours dans nos vies personnelles.
Il me semble en effet que le métier d’avocat exige des qualités professionnelles et humaines qui dépassent la simple fonction.
Et être avocat c’est bien souvent donner l’entièreté de son être à sa fonction.
Mais peu importe car ce qui est fondamental c’est d’être libre de son choix, de pouvoir exercer ses droits.
Alors se dire avocat ou avocate est aujourd’hui une liberté normalisée qui, d’une certaine façon, rend hommage à toutes celles de nos Consoeurs qui se sont battues pour accéder et exercer une profession longtemps réservée aux hommes.
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