Vous êtes sous-traitant d’une société qui traite de données personnelles très sensibles. Êtes-vous protégé en tant que sous-traitant ou bien êtes-vous responsable au même titre que votre donneur d’ordres ?

Avec l'entrée en vigueur du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) en mai 2018, les entreprises traitant des données personnelles au sein de l'Union européenne se sont vues imposer un cadre légal strict.

Parmi les enjeux cruciaux de cette réglementation figure la question de la sous-traitance et de la responsabilité qui en découle.

Cet article se propose d'explorer en profondeur le cadre légal de la sous-traitance sous le RGPD, les implications de la responsabilité partagée entre le responsable du traitement et le sous-traitant, ainsi que les sanctions encourues en cas de non-conformité, notamment les amendes infligées par la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL).

I. La sous-traitance dans le cadre du RGPD

1. Définition de la sous-traitance

Au sens de l’article 28 du RGPD, la sous-traitance se réfère à toute opération de traitement de données personnelles effectuée par un tiers pour le compte d’un responsable du traitement.

Il est essentiel de comprendre cette distinction, car elle détermine la répartition des responsabilités et les obligations légales qui incombent à chaque partie.

La sous-traitance peut revêtir plusieurs formes, allant de la gestion des données clients à l’hébergement de données sur des serveurs distants. Les entreprises qui externalisent certaines de leurs activités doivent être conscientes que cette externalisation ne les exonère pas de leurs responsabilités en matière de protection des données.

2. Obligations du responsable du traitement

Le responsable du traitement est la personne ou l'entité qui détermine les finalités et les moyens du traitement des données. L'article 28, paragraphe 1, stipule clairement que le responsable du traitement doit s'assurer que le sous-traitant présente des garanties suffisantes pour mettre en œuvre des mesures techniques et organisationnelles appropriées, afin de garantir que le traitement respecte les exigences du RGPD.

a. Garanties suffisantes

Les garanties que le sous-traitant doit fournir incluent :

  • Les mesures techniques de sécurité : Cela peut comprendre le chiffrement des données, l'authentification forte, et des audits réguliers pour s'assurer que les normes de sécurité sont respectées.
  • Les mesures organisationnelles : Des politiques internes pour gérer la sécurité des données, la formation des employés, et la gestion des incidents de sécurité doivent être mises en place.
  • L’assurance de conformité : Le sous-traitant doit être en mesure de prouver sa conformité par des certifications, des audits ou d'autres moyens.

b. Contrat de Sous-traitance

Un contrat écrit est impératif lorsque des données personnelles sont traitées par un sous-traitant.

Ce contrat doit stipuler :

  • La nature et la finalité du traitement : Cela comprend une description précise des opérations de traitement que le sous-traitant effectuera.
  • Les droits et obligations : Les responsabilités de chaque partie en matière de protection des données, y compris les mesures à prendre en cas de violation de données.
  • Les dispositions relatives à la sous-traitance ultérieure : Si le sous-traitant prévoit de faire appel à d'autres sous-traitants, cela doit être expressément autorisé par le responsable du traitement et mentionné dans le contrat.

II. La responsabilité partagée : Un principe fondamental

1. Responsabilité du responsable du traitement

Bien que le RGPD impose des obligations spécifiques aux sous-traitants, la responsabilité principale incombe au responsable du traitement. En effet, celui-ci doit s'assurer que toutes les mesures nécessaires sont prises pour garantir la protection des données, même si elles sont traitées par un tiers. Cette responsabilité peut s'étendre à des aspects tels que :

  • Sélection rigoureuse des sous-traitants : Le responsable doit évaluer soigneusement les capacités et les antécédents de sécurité des sous-traitants potentiels,
  • Surveillance continue : Une fois le contrat établi, le responsable doit s'assurer que le sous-traitant respecte ses obligations. Cela peut inclure des audits réguliers ou des rapports de conformité.

2. Responsabilité du sous-traitant

Le sous-traitant, en vertu de l'article 28, est également responsable de la conformité à ses obligations en matière de protection des données. En cas de violation, le sous-traitant peut être tenu responsable, notamment pour :

  • Le traitement non autorisé des données : Par exemple, utiliser les données pour des fins non prévues dans le contrat.
  • Le non-respect des mesures de sécurité : Si un incident de sécurité se produit en raison d'une négligence dans la mise en œuvre des mesures techniques ou organisationnelles.

3. la responsabilité solidaire du sous-traitant et du donneur d’ordres

L'article 82 du RGPD établit le principe de la responsabilité solidaire, selon lequel le responsable du traitement et le sous-traitant peuvent être tenus responsables de manière conjointe en cas de préjudice causé par une violation des règles de protection des données. Cela signifie que les victimes de violations de données peuvent poursuivre l'un ou l'autre des acteurs pour obtenir réparation, ce qui renforce la nécessité d'une gestion rigoureuse de la sous-traitance.

III. Les Sanctions délivrées par la CNIL

1. Les amendes administratives

La CNIL a le pouvoir d’infliger des amendes administratives en cas de non-respect des dispositions du RGPD. Ces amendes peuvent atteindre des sommes considérables, allant jusqu'à 20 millions d'euros ou 4 % du chiffre d'affaires annuel mondial de l'entreprise, selon le montant le plus élevé.

a. Critères d’évaluation des amendes

Lors de l'évaluation des amendes, la CNIL prend en compte plusieurs critères, tels que :

  • La gravité de l'infraction : Les infractions plus graves, comme celles impliquant des données sensibles, entraîneront des amendes plus élevées.
  • La nature des données concernées : La protection des données relatives à des enfants ou des données de santé est prise en compte.
  • La durée de la violation : Plus la violation dure longtemps, plus l’amende risque d’être élevée.
  • La coopération avec l'autorité : Une entreprise qui coopère avec la CNIL lors de l'enquête peut voir son amende réduite.

2. Cas pratiques et sanctions

a. Exemple de Sanction Récente

Un cas notoire est celui d'une entreprise de services numériques qui a été sanctionnée par la CNIL après avoir découvert qu'un sous-traitant ne respectait pas ses engagements en matière de sécurité.

Les données personnelles de milliers d'utilisateurs ont été compromises en raison d'une mauvaise gestion des accès aux systèmes. En conséquence, la CNIL a infligé une amende de 1,5 million d'euros à l'entreprise, soulignant la nécessité d'une vigilance accrue dans la sélection et le contrôle des sous-traitants.

b. Le rôle des audits

La mise en place d'audits réguliers des sous-traitants est une pratique recommandée. Ces audits permettent d'évaluer la conformité des sous-traitants avec les exigences du RGPD et de détecter les éventuels manquements avant qu'ils ne conduisent à des violations. Les résultats des audits doivent être documentés et partagés avec le responsable du traitement pour garantir la transparence.

IV. Recommandations pour une gestion efficace de la sous-traitance

1. Évaluation préalable des sous-traitants

Avant de s'engager avec un sous-traitant, il est crucial d'effectuer une évaluation approfondie. Cela inclut :

  • Analyse des antécédents : Rechercher les antécédents du sous-traitant en matière de conformité aux lois sur la protection des données.
  • Évaluation des capacités techniques : Vérifier que le sous-traitant dispose des mesures de sécurité nécessaires pour protéger les données.
  • Vérification des certifications : S'assurer que le sous-traitant détient des certifications reconnues (par exemple, ISO 27001) qui attestent de sa conformité.

2. Rédaction de contrats clairs et complet

Le contrat de sous-traitance doit être rédigé de manière à être complet et clair. Il doit inclure des clauses sur :

  • Les conditions de résiliation : Préciser les conditions dans lesquelles le contrat peut être résilié en cas de non-respect des obligations.
  • Les obligations de notification : Exiger que le sous-traitant informe immédiatement le responsable du traitement en cas de violation de données.
  • Les dispositions de responsabilité : Clarifier les responsabilités de chaque partie en cas de violation et les modalités de réparation des préjudices.

3. Sensibilisation et formation

La sensibilisation et la formation des employés sont essentielles. Tous les acteurs concernés, tant au sein de l’entreprise que chez le sous-traitant, doivent être formés aux exigences du RGPD. Cela inclut :

  • Des sessions de formation régulières : Pour garantir que tous les employés comprennent leurs obligations en matière de protection des données.
  • Des simulations d'incidents de sécurité : Pour préparer les équipes à réagir efficacement en cas de violation.

4. Mise en place d'un système de suivi

Un système de suivi doit être mis en place pour s'assurer que toutes les obligations contractuelles et réglementaires sont respectées.

Avec une expertise qui s'étend sur tout le territoire national, le Cabinet ZAKINE aide les entreprises à anticiper les risques, à répondre aux demandes de l’autorité de contrôle, et à mettre en œuvre les bonnes pratiques pour une gestion conforme et sécurisée des données personnelles.

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