L'arrêt de la Cour de cassation du 25 janvier 2024 marque un tournant décisif dans la jurisprudence relative aux locations de meublés touristiques en copropriété. Cette décision, qui assouplit les conditions de qualification commerciale de l'activité Airbnb, redonne espoir aux propriétaires tout en rappelant l'importance cruciale de l'examen minutieux des règlements de copropriété.

I. Un tournant jurisprudentiel majeur avec l'arrêt du 25 janvier 2024

L'arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 25 janvier 2024 constitue une véritable révolution dans l'appréciation juridique des locations de type Airbnb en copropriété.

Cette décision marque une rupture avec une jurisprudence jusque-là sévère envers les propriétaires pratiquant la location meublée touristique de courte durée.

La Cour de cassation a posé un principe clair et objectif pour déterminer le caractère commercial d'une activité de location courte durée.

Désormais, une activité de location saisonnière ne peut être qualifiée de commerciale que si elle s'accompagne de prestations para-hôtelières caractérisées. Cette approche s'appuie sur les critères définis par l'article 261 D du Code général des impôts, qui exige la présence d'au moins trois des quatre services suivants : l'accueil personnalisé de la clientèle, la fourniture de linge de maison, le nettoyage régulier des locaux et la prestation de petit-déjeuner.

Cette évolution jurisprudentielle s'inscrit dans un mouvement plus large amorcé dès 2023 par plusieurs juridictions du fond. Le tribunal judiciaire de Nice avait ouvert la voie le 3 mars 2023 en considérant que l'activité de location saisonnière de courtes durées en meublé n'était pas commerciale par nature. La cour d'appel de Grenoble avait confirmé cette analyse le 23 mai 2023, suivie par le tribunal judiciaire de Lisieux le 2 février 2024.

L'importance de cette évolution ne peut être sous-estimée.

Pendant des années, la jurisprudence avait tendance à considérer que toute location meublée touristique de courte durée était par nature commerciale, ce qui la rendait incompatible avec les clauses d'habitation bourgeoise présentes dans de nombreux règlements de copropriété.

Cette position rigide créait une insécurité juridique majeure pour les propriétaires et générait de nombreux contentieux.

Le revirement opéré en 2024 introduit une grille d'analyse plus nuancée et équitable. Il reconnaît que la simple mise à disposition d'un logement meublé, sans services annexes, relève davantage de l'activité civile que commerciale. Cette distinction permet de sortir de la dichotomie simpliste qui prévalait auparavant et offre une protection juridique renforcée aux propriétaires qui pratiquent une location saisonnière "pure", sans prestations hôtelières.

II. L'examen du règlement de copropriété : un préalable incontournable

Malgré cet assouplissement jurisprudentiel, l'analyse du règlement de copropriété demeure l'étape fondamentale pour tout propriétaire souhaitant se lancer dans la location meublée touristique. Cette vérification préalable est d'autant plus cruciale que les règlements de copropriété constituent la "loi de l'immeuble" et s'imposent à tous les copropriétaires.

Les clauses d'habitation bourgeoise, présentes dans de nombreux règlements, particulièrement dans les immeubles anciens et de standing, requièrent une attention particulière. Il convient de distinguer deux types de clauses : la clause d'habitation bourgeoise simple ou relative, qui tolère généralement l'exercice d'activités libérales à condition qu'elles ne causent pas de nuisances, et la clause d'habitation bourgeoise exclusive ou stricte, qui interdit formellement toute activité autre que l'habitation pure.

L'arrêt du 25 janvier 2024 modifie sensiblement l'interprétation de ces clauses.

Désormais, une activité de location Airbnb dépourvue de prestations para-hôtelières ne devrait plus être automatiquement considérée comme incompatible avec une clause d'habitation bourgeoise simple. Cette évolution s'appuie sur la requalification de l'activité en nature civile plutôt que commerciale.

Cependant, cette protection n'est pas absolue.

Les copropriétés conservent la possibilité d'inclure dans leur règlement des clauses spécifiques interdisant explicitement les locations de courte durée. Certains règlements récents contiennent d'ailleurs des dispositions précises visant à encadrer ou interdire cette pratique.

La loi du 19 novembre 2024, dite "loi Le Meur", renforce même cette possibilité en exigeant que les nouveaux règlements de copropriété mentionnent explicitement l'autorisation ou l'interdiction des meublés de tourisme.

L'analyse du règlement ne doit pas se limiter aux clauses générales de destination.

Il convient d'examiner l'ensemble des stipulations, notamment celles relatives aux nuisances, à l'usage des parties communes, aux obligations d'information du syndic ou encore aux restrictions spécifiques. Certains règlements prévoient par exemple l'obligation pour le copropriétaire d'aviser le syndic de l'existence d'un bail dans les quinze jours de l'entrée en jouissance du locataire, disposition qui peut s'appliquer aux locations de courte durée.

La jurisprudence récente souligne également l'importance du contexte et de la localisation de l'immeuble. Les tribunaux tendent à être plus tolérants envers les locations touristiques dans les zones à vocation touristique, comme les stations balnéaires ou de ski, que dans les quartiers résidentiels urbains. Cette approche contextuelle reflète une volonté d'adapter l'application du droit aux réalités économiques et géographiques locales.

III. Les risques de mise en demeure et d'action en justice

La décision d'assouplissement de la Cour de cassation ne fait pas disparaître les risques juridiques pour les propriétaires qui exercent une activité de location courte durée en méconnaissance des règles applicables. Au contraire, elle nécessite une vigilance accrue dans l'analyse des situations particulières et renforce l'importance du conseil juridique préventif.

Le syndic de copropriété dispose de plusieurs outils pour faire respecter le règlement de copropriété. La mise en demeure constitue généralement la première étape de la procédure.

Cette formalité, souvent confiée à un avocat spécialisé, permet de rappeler au copropriétaire ses obligations et de l'informer des risques encourus en cas de persistance dans l'infraction. La mise en demeure doit être documentée et précise, mentionnant les dispositions violées du règlement de copropriété et les sanctions encourues.

En cas d'échec de la mise en demeure, la copropriété peut engager une action en justice. Cette procédure nécessite généralement une autorisation préalable de l'assemblée générale des copropriétaires, sauf en cas d'urgence justifiant une procédure de référé.

L'action judiciaire peut viser plusieurs objectifs : obtenir la cessation de l'activité illicite, prononcer une interdiction de recommencer sous peine d'astreinte financière, condamner le contrevenant au paiement de dommages-intérêts et obtenir le remboursement des frais de justice.

Les tribunaux disposent d'un arsenal de sanctions dissuasives. L'astreinte financière, prononcée par jour de retard dans l'exécution de la décision, peut rapidement atteindre des montants considérables. Les dommages-intérêts peuvent être alloués tant pour le préjudice matériel (dégradation des parties communes, diminution de la valeur des lots) que pour le préjudice moral (trouble dans la jouissance paisible des lieux). Dans les cas les plus graves, le tribunal peut ordonner l'arrêt immédiat de l'activité et la suppression de toute annonce sur les plateformes de location.

L'évolution jurisprudentielle de 2024 modifie les stratégies contentieuses.

Les syndics et leurs conseils doivent désormais démontrer avec précision soit l'existence de prestations para-hôtelières caractérisant le caractère commercial de l'activité, soit l'existence de clauses spécifiques du règlement de copropriété interdisant explicitement les locations de courte durée, soit encore la réalisation de troubles anormaux de voisinage.

La notion de trouble anormal de voisinage constitue un fondement juridique distinct et complémentaire. Même lorsque le règlement de copropriété n'interdit pas formellement les locations courtes durées, les nuisances excessives peuvent justifier une intervention judiciaire. Ces troubles peuvent prendre différentes formes : va-et-vient incessants de clients, nuisances sonores, dégradation des parties communes, multiplication des dispositifs d'accès dans les halls d'entrée, ou encore sentiment d'insécurité généré par la présence d'occupants temporaires non identifiés.

IV. L'importance du conseil juridique préventif

Dans ce contexte jurisprudentiel en évolution, l'accompagnement par un conseil juridique spécialisé devient indispensable tant pour les propriétaires souhaitant exercer une activité de location courte durée que pour les copropriétés désireuses de faire respecter leur règlement. Cette expertise permet d'anticiper les difficultés et d'adapter les stratégies aux spécificités de chaque situation.

Pour les propriétaires, le conseil juridique préventif commence par une analyse approfondie du règlement de copropriété et de sa compatibilité avec le projet de location touristique.

Cette étude doit prendre en compte non seulement les clauses explicites mais aussi l'esprit général du règlement, la jurisprudence locale et les caractéristiques particulières de l'immeuble. L'avocat peut également conseiller sur les modalités pratiques de mise en œuvre de l'activité pour minimiser les risques de contestation.

L'information préalable du syndic, même lorsqu'elle n'est pas expressément prévue par le règlement, constitue une démarche de transparence appréciée par les tribunaux. Cette communication permet d'ouvrir le dialogue et, le cas échéant, de négocier des modalités d'exercice de l'activité respectueuses de la tranquillité de l'immeuble.

La loi du 19 novembre 2024 renforce d'ailleurs cette obligation d'information en imposant aux copropriétaires de déclarer au syndic toute mise en location de meublé touristique.

Les copropriétés peuvent également bénéficier d'un accompagnement juridique pour faire évoluer leur règlement en fonction des nouvelles réalités du marché locatif.

La modification du règlement de copropriété pour y insérer des clauses spécifiques relatives aux locations de courte durée nécessite une réflexion approfondie sur l'équilibre entre les droits individuels des copropriétaires et l'intérêt collectif de la copropriété.

Depuis l'entrée en vigueur de la loi Le Meur, cette modification peut être adoptée à la majorité des deux tiers des copropriétaires pour les immeubles comportant une clause d'habitation bourgeoise simple.

La rédaction de ces clauses spécifiques doit être particulièrement soignée pour éviter qu'elles ne soient déclarées non écrites par les tribunaux. La jurisprudence exige en effet que les restrictions apportées aux droits des copropriétaires soient justifiées par la destination de l'immeuble et proportionnées aux objectifs poursuivis. Une interdiction trop large ou insuffisamment motivée risque d'être annulée par le juge.

V. Vers une approche plus équilibrée des locations courtes durées

L'évolution jurisprudentielle de 2024 s'inscrit dans une recherche d'équilibre entre les droits légitimes des propriétaires à valoriser leur patrimoine et les préoccupations légitimes des copropriétés en matière de tranquillité et de préservation du caractère résidentiel des immeubles.

Cette approche plus nuancée reflète également une prise de conscience de la réalité économique que représentent les locations de courte durée dans l'économie du logement.

Toutefois, cette évolution ne doit pas être interprétée comme une autorisation générale de développer des activités de location touristique sans contraintes. Au contraire, elle impose aux propriétaires une vigilance accrue dans l'analyse des règlements de copropriété et dans la mise en œuvre de leurs projets. La responsabilisation des acteurs devient un élément clé de cette nouvelle donne juridique.

Les copropriétés conservent des outils efficaces pour encadrer ou interdire les locations de courte durée lorsque celles-ci sont incompatibles avec la destination de l'immeuble ou génèrent des nuisances pour les autres occupants.

La possibilité de modifier le règlement de copropriété pour y insérer des clauses spécifiques, facilitée par la loi Le Meur, offre aux copropriétés un moyen d'adapter leur cadre juridique aux évolutions du marché locatif.

L'importance du dialogue et de la concertation entre les parties prenantes ne saurait être sous-estimée. Comme le souligne l'exemple de la résidence "Les Eucalyptus", l'ouverture d'une négociation constructive peut permettre de désamorcer les conflits et de trouver des solutions équilibrées respectueuses des intérêts de chacun.

Conclusion : vigilance et accompagnement juridique, clés du succès

L'arrêt du 25 janvier 2024 de la Cour de cassation marque indéniablement un tournant favorable pour les propriétaires pratiquant la location meublée touristique sans prestations annexes. Cet assouplissement jurisprudentiel, en recentrant l'analyse sur la présence effective de services para-hôteliers, introduit une grille de lecture plus objective et équitable.

Néanmoins, cette évolution ne dispense nullement les propriétaires d'une analyse rigoureuse de leur situation juridique particulière. L'examen minutieux du règlement de copropriété demeure le préalable incontournable à tout projet de location courte durée. Cette vérification doit être conduite avec l'assistance d'un conseil juridique spécialisé, capable d'identifier les clauses potentiellement restrictives et d'anticiper les risques de contestation.

Les copropriétaires doivent également faire preuve de vigilance et se préserver d'éventuelles actions en justice en s'entourant de conseils compétents. La possibilité de mise en demeure par le syndic et d'action judiciaire ultérieure impose une approche préventive rigoureuse.

L'évolution constante de la réglementation, avec notamment l'entrée en vigueur de la loi Le Meur, rend indispensable un suivi juridique régulier.

Dans ce contexte en mutation, la réussite des projets de location courte durée repose sur trois piliers essentiels : une connaissance approfondie du cadre juridique applicable, une analyse préventive des risques spécifiques à chaque situation et un accompagnement juridique de qualité tout au long du processus.

Cette approche responsable et éclairée constitue la meilleure garantie pour concilier les aspirations légitimes des propriétaires avec le respect des droits des autres copropriétaires et la préservation de l'harmonie au sein des immeubles.

Vous pouvez consulter le Cabinet Zakine et fixer un appel téléphonique de 30 minutes ou une visioconférence ou un rendez-vous en présentiel d'une heure en cliquant sur le lien suivant : https://calendly.com/maitre-zakine