Institué par la loi du 5 janvier 2006, le bail rural cessible est un contrat totalement distinct du bail à ferme de 9 ans et des baux à long terme (18 ans, 25 ans ou de carrière). Il s’ajoute à la liste des baux ruraux spéciaux, mais à la différence des baux à long terme qui dérogent partiellement au statut du bail de 9 ans, le bail cessible est régi par un statut à part (articles L 418-1 à L 418-5 du Code rural et de la pêche maritime - CRPM).

Ses dispositions sont impératives et les parties ne peuvent, sauf exceptions, y déroger.

Les dispositions du bail à ferme de 9 ans s’appliquent dès lors que le régime spécifique du bail cessible ne lui est pas contraire (art. L 418-1, alinéa 3 du CRPM).

1. Conclusion du bail.

La conclusion du bail cessible hors cadre familial nécessite une volonté expresse des parties de s’engager dans le statut applicable à ce type de bail. Elles doivent insérer dans le contrat une clause autorisant le locataire à céder son bail à d’autres personnes que celles mentionnées au premier alinéa de l’article L 411-35 du CRPM.

En outre :

. le contrat doit être passé en la forme authentique (acte notarié),

. le contrat doit également mentionner expressément que chacune des parties entend qu’il soit soumis aux dispositions du chapitre VIII du CRPM.

Le non-respect de l’une et l’autre de ces conditions entraîne la nullité de la clause de cession. Le bail n’est pas nul, mais il ne sera pas soumis au statut du bail cessible.

2. Le montant du fermage.

Le prix est constitué des loyers mentionnés à l’article L 411-11 du CRPM. Toutefois, ce prix peut être majoré de 50 %, ce qui signifie que le montant du fermage peut être fixé entre un minimum qui est celui prévu dans le cadre du bail à ferme de droit commun et un maximum qui est celui du bail à ferme de droit commun majoré de 50 % , en incluant, le cas échéant, le supplément défini dans chaque département pour prendre en compte une durée de location supérieure à dix-huit ans.

Exemple : l'arrêté préfectoral du département considéré encadre le prix du bail (type 9 ans) de la façon suivante :

- minimum (terres de faible qualité) : 20 € par hectare et par an,

- maximum (terres d'excellente qualité) : 200 € par hectare et par an.

Les terres sont de qualité moyenne (note de 50 sur 100) et le fermage (s'il s'agissait d'un bail 9 ans) serait de : 20 € + (180 € x 0,50) = 110 € par hectare et par an.

S'agissant d'un bail à long terme (18 ans ou plus), l'arrêté préfectoral prévoit une majoration de 15 %, soit 110 € x 1,15 = 126,50 € par hectare et par an.

S'agissant, de surcroît, d'un bail cessible (hors cadre familial), il convient d'ajouter la majoration légale de 50 %, soit 126,50 x 1,5 = 189,75 € par hectare et par an.

Ainsi, pour une même terre, le bail cessible permet de valoriser le prix du bail de + 72,50 %.

3. Durée du bail et de son renouvellement.

Le bail rural cessible "hors cadre familial" a une durée impérative de 18 ans au moins.

A défaut de congé délivré par acte extrajudiciaire 18 mois avant la fin du bail, le contrat est renouvelé pour une période de 9 ans (cette durée du renouvellement s’applique aux baux conclus ou renouvelés après l’entrée en vigueur de la loi du 13 octobre 2014, soit après le 15 octobre 2014).

Ainsi, un bail cessible (conclu avant le 15/10/2014) prévoyant une durée du bail renouvelé de 5 ans sera, de fait, renouvelé pour une durée de 9 ans (dès lors que ce renouvellement est intervenu après le 15/10/2014).

Le bail renouvelé reste soumis aux dispositions du présent chapitre. Sauf convention contraire, ses clauses et conditions sont celles du bail précédent. En cas de désaccord entre les parties, le tribunal paritaire des baux ruraux statue sur les conditions contestées du nouveau bail.

4. Résiliation

Par dérogation au droit commun du statut du fermage, le défaut de paiement d’un seul loyer et des charges au terme convenu, après mise en demeure par acte d’huissier restée infructueuse pendant 3 mois (au lieu de 2 mises en demeure) est un motif de résiliation du bail, sauf en cas de raisons sérieuses et légitimes. (Ainsi, contrairement au bail soumis au Statut, un seul défaut de paiement suffit au lieu de deux).

Toutefois, le juge saisi par le preneur avant l’expiration du délai de 3 mois peut accorder (dans les conditions prévues à l’article 1343-5 du Code civil) des délais de paiement (2 ans au plus). Durant ce délai, l’action en résiliation est suspendue (art. L418-3, al. 2).

5. Non-renouvellement du bail.

Le congé doit être délivré par acte extra-judiciaire (par Commissaire de justice) au moins 18 mois avant le terme.

Ce congé est notifié sans que soient exigées les conditions énoncées à la section VIII du chapitre Ier du présent titre (soit de l’article L 411-46 à l’article L 411-68). En particulier, ce congé n'a pas à être motivé.

En cas de défaut de paiement du loyer et des charges, le bailleur pourra ne pas renouveler le bail après une mise en demeure délivrée par acte extrajudiciaire restée infructueuse pendant 3 mois. Le preneur pourra faire valoir des raisons sérieuses et légitimes pour s'opposer au congé. En outre, le preneur peut saisir le juge avant l’expiration du délai de 3 mois afin de se voir accorder des délais de paiement.

6. Indemnité d’éviction.

Lorsque le bail n'est pas renouvelé à l'initiative du bailleur pour un motif autre que ceux prévus à l'article L. 411-31 (défaut de paiement du fermage, agissements de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds), le bailleur doit payer au preneur une indemnité correspondant au préjudice causé par le défaut de renouvellement, indemnité qui comprend notamment, sauf si le bailleur apporte la preuve que le préjudice est moindre, la dépréciation du fonds du preneur, les frais normaux de déménagement et de réinstallation ainsi que les frais et droits de mutation à payer pour acquérir un bail de même valeur.

A l’indemnité d’éviction (dont le montant peut être conséquent) s’ajoute l’indemnité pour améliorations apportées au fonds, le cas échéant.

7. Cession du droit au bail.

La possibilité pour le preneur de céder le droit au bail (à quiconque, personne physique ou personne morale, y compris en dehors du cadre familial) est la caractéristique principale de ce bail.

Cette cession peut prendre la forme d'une vente, d'une donation, voire d'un apport à une société.

Une telle cession ne nécessite pas l'agrément du bailleur mais seulement son information, information qui prend la forme d’une notification (lettre recommandée avec avis de réception ou acte de Commissaire de justice).

Elle doit mentionner l’identité du cessionnaire et la date de cession projetée.

Le défaut d’information préalable du bailleur est sanctionnée par la nullité de la cession et par la résiliation du bail.

Une fois la notification délivrée, le bailleur peut, néanmoins, s’opposer à la cession projetée en saisissant le Tribunal paritaire des baux ruraux dans un délai fixé à 2 mois. Le délai court à compter de la réception de la notification du preneur. Passé ce délai, il est réputé accepter la cession. Le bailleur devra opposer un motif légitime (le rejet du projet de cession relève de l’appréciation souveraine du juge). On peut supposer que le tribunal refusera la cession si elle est contraire aux intérêts légitimes du bailleur.

A cette occasion, le cédant pourra valoriser son droit au bail.

8. Dévolution du bail en cas de décès du preneur

La transmission n’est soumise à aucune règle spécifique et le renvoi au statut du fermage opéré par les textes (art. L 416-1 alinéa 3 du CRPM) conduit à appliquer les règles particulières de dévolutions légales de l’article L 411-34 du CRPM. Dans la mesure où ce bail rural a une valeur patrimoniale, l’attributaire devra alors verser à la succession une somme égale à la valeur "vénale" du droit au bail.

Il faut réserver l'hyothèse où il n'y a pas d'ayants-droit remplissant la condition de participation à l'exploitation du preneur au cours des cinq années ayant précédé son décès. Dans ce cas, la faculté (discrétionnaire) pour le bailleur de résilier le bail va à l'encontre de l'esprit du bail cessible. De surcroît, le bailleur qui délivrerait un tel acte de résiliation ne se trouverait pas redevable de l’indemnité d’éviction visée à l’article L 418-3 al. 3 : le preneur perdrait alors son outil de travail sans réparation du préjudice que cela lui cause.

9. Possibilité pour le bailleur d’acquérir isolément le bail

Dans l'hypothèse où le preneur venderait son droit au bail, une clause du bail peut prévoir que le bailleur pourra acquérir par préférence le bail cédé isolément.

Toutefois, le bailleur est privé de cette faculté lorsque le droit au bail est cédé avec d’autres éléments de l’exploitation et, à fortiori, en cas de cession du fonds agricole (dont fait partie le bail cessible).

10. Valeur patrimoniale du droit au bail

L’article L 418-5 du CRPM (modifié par l’article 46 de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010) déclare inapplicable aux baux cessibles l’article L 411-74 qui interdit les pas-de-porte

En conséquence, le propriétaire peut faire payer un «droit d’entrée» au preneur lors de la conclusion du bail.

De même, le preneur pourra valoriser son bail au moment de sa cession, par la suite.

11. Articulation avec le droit de préemption de la SAFER

Le droit de préemption de la SAFER ne s’applique pas en cas de vente d’un bien faisant l’objet d’un bail cessible depuis au moins 3 ans.

En clair, dès lors que le bail cessible a été conclu depuis plus de 3 ans, la vente du bien loué échappe au droit de préemption de la SAFER.

12. Articulation avec le droit de préemption du preneur en place

Si le bien a fait l’objet d’un bail cessible depuis au moins 3 ans, le preneur, s’il exerce son droit de préemption, ne peut pas contester le prix et les conditions demandées devant le tribunal paritaire des baux ruraux (l'action en fixation judiciaire de la valeur vénale du bien lui est alos fermée).

Me Eric GRANDCHAMP de CUEILLE

1 impasse Alex Cahuzac 81000 ALBI

 Email : eric.grandchamp@gmail.com