Par principe, la possibilité pour le preneur de sous-louer tout ou partie du fonds loué est interdite.

Cette règle de principe (édictée à l'article L 411-35 du Code Rural et de la Pêche Maritime) est le corrollaire du caractère personnel du droit au bail : le propriétaire a choisi tel fermier pour ses qualités et sa solvabilité, et pas tel autre.

L'article L 411-35 prévoit plusieurs dérogations pour répondre à des impératifs :

- familiaux : possibilité d'héberger des membres de la famille,

- économiques, dans le cadre de la diversification agro-touristique : possibilité de sous-louer pour un usage de vacances ou de loisirs (camping à la ferme, gîte rural, ..), mais dans la limite de trois mois consécutifs,

- d'occupation optimale du bâti : le preneur peut sous-louer des bâtiments à usage d'habitation, mais avec l'accord du bailleur et moyennant le reversement à son profit d'une part du produit de la sous-location.

Au-delà de ces dérogations, une autre disposition (l'article L 411-39) laisse entendre que la sous-location est permise. Le texte évoque la "location" par le preneur, mais il faut comprendre qu'il s'agit d'une sous-location.

Cette faculté de sous-location fait corps avec la faculté de procéder, également, à un échange cultural, opération par laquelle un preneur sous-loue une (ou plusieurs) parcelle(s) avec un autre preneur (qui lui cède, en échange, la jouissance de parcelles de dimension ou de valeur agronomique équivalente).

Cette entorse au statut du fermage suppose que l'opération (sous-location ou échange cultural) permette d'assurer une meilleure exploitation du fonds. Cette notion de "meilleure exploitation" est subjective, mais elle doit être réelle, faute de quoi la sous-location ne serait pas possible. On peut supposer, par exemple, qu'il s'agit de parcelles éloignées du siège de l'exploitation, dont la mise en valeur est moins rentable.

Ensuite, un arrêté préfectoral doit avoir été pris pour fixer la part (maximale) de la surface du fonds loué susceptible d'être échangée. Sur ce point, le texte n'évoque que l'échange, mais cette disposition semble devoir également s'appliquer à la sous-location.

L'arrêté peut disposer que les échanges (donc les sous-locations) peuvent porter sur la totalité du fonds loué, mais à condition que la surface ne dépasse pas le 1/5ème du seuil de superficie à partir duquel une autorisation d'exploiter est requise au titre du Contrôle des structures des exploitations agricoles.

L'existence d'un tel arrêté dans le département dans lequel se trouve le fonds (ou les fonds en cas d'échange cultural) concerné(s) semble être une condition impérative pour que de tels échanges (ou de telles sous-locations) puissent être régulièrement réalisé(e)s. Pas d'arrêté, pas d'échanges - ou de sous-locations - possibles de façon régulière.

Enfin, sur le plan du formalisme, le preneur doit notifier (par lettre recommandée avec avis de réception) son projet d'échange - ou de sous-location - au propriétaire-bailleur. On peut supposer que cette notification identifie les parcelles objet de l'échange (ou de la sous-location) projeté(e), ainsi que les motifs qui amènent le preneur à envisager une telle opération. Le propriétaire dispose, alors, d'un délai de deux mois pour saisir le tribunal paritaire des baux ruraux pour s'opposer, le cas échéant, à l'opération. A défaut, il est réputé avoir accepté cette opération. On peut concevoir également que le propriétaire donne son accord par écrit. Cependant, on peut s'interroger sur la validité d'un tel accord si les conditions de validité n'étaient pas respectées ( cas de l'opération qui ne se traduirait pas par une meilleure exploitation du fonds, seuil préfectoral non respecté, voire inexistence d'un arrêté préfectoral spécifique ...).

La sous-location, comme l'échange en jouissance, ne remet pas en cause les relations contractuelles avec le propriétaire, qui continue à ne connaître que le preneur en titre.

Au regard du Contrôle des structures des exploitations agricoles, on peut se demander si l'opération n'exige pas, le cas échéant, de procéder à une demande d'autorisation d'exploiter, notamment dans le cas où la sous-location se traduit par l'agrandissement de l'exploitation du sous-locataire.

Dès lors que l'une des règles édictées par le texte est transgressée ou que le formalisme n'est pas respecté, le bail est susceptible d'être résilié.

Une sous-location (irrégulière) portant sur une infime partie du fonds loué peut ainsi entraîner la résiliation pour la totalité du fonds loué.

Toutefois, cette sanction est atténuée depuis l'ordonnance du 13 juillet 2006 : la résiliation n'est pas encourue dès lors que la sous-location (irrégulière) ne cause aucun préjudice au bailleur, cette condition de préjudice étant appréciée souverainement par le juge. Cette bienveillance législative est de nature à permettre, dans les faits, aux exploitants de mieux structurer leur fonds.

Néanmoins, on peut supposer qu'une telle opération, réalisée de façon irrégulière, pourrait constituer un motif de refus de cession de bail, le jour venu.

Me Eric GRANDCHAMP de CUEILLE

1 impasse Alex Cahuzac 81000 ALBI

Email : eric.grandchamp@gmail.com