La langue française évolue parfois plus vite que les mœurs. Bien que plus de la moitié des avocats en France soit des femmes, il faudra encore du temps avant que la féminisation de cette profession ne se démocratise.
En entrant à l’école d’avocats de Paris, en 2019, nous étions 1.820 élèves-avocat dont plus de 80% de femmes.
En rejoignant la profession en 2021, j’ai été étonnée de constater que nombreuses sont les consœurs qui préfèrent exercer leur profession au masculin.
Et je les comprends ! J’ai longtemps hésité. Je me suis interrogée, est-ce que mettre « avocate » plutôt qu’ « avocat » sur mon CV pourrait me porter préjudice ? Vais-je passer pour une militante féministe ?
Cela paraît insignifiant et pourtant du haut de mes deux petites années de barre, j’ai vite arrêté de compter le nombre de réflexions que des confrères ont pu me faire à ce sujet.
- « Ah, vous faites partie de celles-là… »
- « Vous les féministes »
- « Confrère, je préfère vous appeler Madame que Consœur »
- « Être boulangère, caissière, sage-femme, oui, mais avocate ? J’espère que vous plaisantez »
- « Vous préférez Mademoiselle ou Madame ? »
- « Encore une petite révoltée »
- et j’en passe.
Ce serait donc être révoltée ou féministe casse-pieds, qu’être fière d’être femme et d’exercer ce beau métier ?
Aujourd’hui, sans porter de jugement sur mes Consœurs et Confrères, j’aimerais vous expliquer pourquoi j’ai fait le choix d’être appelée avocate et non avocat.
Pour cela, juristes que nous sommes, revenons au latin pour nous remettre en jambe…
Le terme avocat vient du latin Advocatus, qui signifie le défenseur, l’avoué. L’avocat est, selon le Larousse, un « professionnel du droit, inscrit au Barreau, chargé de défendre, d’assister une partie dans un procès et de plaider devant un tribunal ».
A l’origine le terme “avocate” désignait, quant à lui, « la femme de l’avocat général ». Au regard de la féminisation de la profession, cette définition est plus que désuète.
En effet, l’avocate n’est plus la femme de l’avocat général et cela depuis belle lurette.
La loi du 1er décembre 1900 a permis l’entrée des femmes dans la profession d’avocat en France, merci Émile.
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La première femme à avoir embrassé la profession d’avocat en Europe est l’italienne Lidia Poët le 9 août 1883 ;
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La première femme à avoir prêté serment en France est Sonia Olga Balachowsky-Petit le 4 décembre 1900 ;
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La première femme à avoir plaidé en France est Jeanne Chauvin le 9 décembre 1900 ;
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La première femme élue Bâtonnier (oui, la bâtonnière est, elle aussi, selon la langue française, toujours la femme du bâtonnier) est Paule Pignet en 1933.
A ce jour, la profession peine encore à assurer la pleine et entière égalité entre les avocates et les avocats.
Le 9 septembre 2022, le Conseil National des Barreaux a envoyé pour concertation un avant-projet de décision à caractère normatif n2022-001 portant insertion d’un article préliminaire avant l’article 1er du Règlement intérieur National de la profession d’avocat relatif à la féminisation des termes « avocat », « bâtonnier » et « vice-bâtonnier ».
Ainsi, ce n’est qu’en septembre 2022 que le CNB a envoyé un avant-projet pour une concertation sur la potentielle féminisation de ces termes…
Chères Consœurs, embrassons la féminisation de la profession, soyons fières d’être avocates pour toutes celles et ceux qui se sont battus pour que nous puissions arborer fièrement notre robe.
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