Lorsqu’un immeuble – en monopropriété ou en copropriété - menace de s’effondrer, le coût des mesures conservatoires permettant de conjurer le risque d’effondrement et celui des travaux à réaliser pour le réparer définitivement peuvent être pris en charge au titre de la garantie « Effondrement » par l’assurance multirisque habitation.
I. CONTEXTE ET GARANTIE « EFFONDREMENT » DES CONTRATS D’ASSURANCE HABITATION.
A. Le contexte.
Par suite d’un évènement propre ou extérieur à un immeuble, il se retrouve fissuré, parfois même, fracturé.
Sa solidité et sa stabilité sont atteintes, il s’est effondré partiellement ou menace de s’effondrer en tout ou partie.
Il s’avère nécessaire, pour la sécurité de ses occupants et des riverains :
- de mettre en sécurité le bâtiment – notamment, faire poser des étais à tous les niveaux – pour éviter qu’il ne s’effondre,
- de procéder à l’évacuation de l’immeuble et mettre en place d’un périmètre de sécurité, le cas échéant, sur instruction des services de la Ville dans laquelle se situe l’immeuble, avec le concours des forces de l’ordre.
Les services techniques de la Ville dans laquelle se situe l’immeuble doivent être alertés.
La Commune prendra – en règle générale - les mesures suivantes :
- un arrêté de mise en sécurité interdisant l’entrée, l’accès, l’usage de l’immeuble et l’exploitation des commerces au rez-de-chaussée,
- elle fera désigner un Expert Judiciaire par le Juge des référés du Tribunal Administratif pour constater l’état de dangerosité de l’immeuble, et les mesures propres à assurer la mise en sécurité de l’immeuble et conjurer le risque effondrement,
- elle prendra ensuite un arrêté de péril imminent sur la base des conclusions du rapport d’expertise judiciaire, donnant des injonctions aux copropriétaires (travaux de mise en sécurité et des travaux de réparation définitifs).
Tout accès à l’immeuble restera interdit jusqu’à la levée de l’arrêté de péril.
Les conséquences financières d’un tel évènement sont extrêmement lourdes pour les propriétaires de ces immeubles :
- Pour les propriétaires occupants, ils devront se reloger en urgence et pour un temps incertain, sans pouvoir déménager la totalité de leurs affaires personnelles, ni leurs meubles et éléments d’équipement, qu’ils pourraient avoir à racheter en partie,
- Pour les propriétaires non occupants, ils perdent toute recette locative du jour au lendemain et en cas d’arrêté de péril pris par la Commune, ils se voient obliger de reloger, à leur frais, leurs locataires – ces frais s’ajoutant à leurs pertes locatives - jusqu’à l’achèvement des travaux de reconstruction de l’immeuble et la levée de l’arrêté de péril (articles L.521-1 à L.521-3-2 du Code de la Construction et de l’Habitation).
B. La garantie « effondrement » des polices multirisque habitation.
Les assureurs ne sont pas tenus de couvrir le risque « effondrement » ou menace d’effondrement contrairement, par exemple, au risque « catastrophe naturelle ».
Si l’assureur multirisque habitation propose cette garantie, il conditionne souvent sa mise en œuvre à la réalisation d’un évènement défini aux conditions générales du contrat d’assurance, notamment, au constat d’une atteinte significative à un ou plusieurs éléments composant la structure de l’immeuble.
L’assureur fixe par ailleurs le plafond de prise en charge des conséquences financières de cet événement, pour les dommages matériels et les dommages immatériels, ces derniers incluant notamment les pertes de loyers des propriétaires.
En toute hypothèse, lorsque l’immeuble est en copropriété, les copropriétaires et tiers victimes – comme l’entreprise exploitant le commerce du rez-de-chaussée de l’immeuble par exemple, qui se trouve privée de ses recettes du jour au lendemain et pour une durée très longue – peuvent demander l’indemnisation de leurs préjudices au titre de la garantie « Responsabilité Civile » de la police multirisque souscrite par le syndicat des copropriétaires.
Le « fait » ou « l’état » de l’immeuble est objectif et engage « de plein droit » - c’est-à-dire sans recherche de cause ni de faute - la responsabilité du syndicat des copropriétaires en application de l’article 14 alinéa 5 de la Loi n°65-557 du 10 juillet 1965 disposant :
« Le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires. »
La garantie « Responsabilité Civile » couvre souvent l’ensemble des préjudices consécutifs à l’état dans lequel se trouve l’immeuble :
- Pertes matérielles,
- Frais de relogement,
- Pertes locatives,
- Pertes d’exploitation.
II. LES MOTIFS DE REFUS DE GARANTIE OPPOSÉS PAR CERTAINS ASSUREURS, NON SUIVIS PAR LA COUR DE CASSATION.
Certains assureurs ont tenté de refuser de mobiliser la garantie « effondrement » de leur contrat d’assurance en invoquant deux motifs, que la Cour de Cassation condamne.
A. « L’immeuble ne s’est pas effondré ».
Le premier motif invoqué par les assureurs multirisque habitation pour dénier l’application de leur garantie « effondrement » est que l’immeuble ne s’est pas effondré, notamment grâce à la mise en place des mesures conservatoires urgentes - les étais – mis en œuvre par l’assuré.
C’est un comble, une aberration, voire, dangereux.
Les copropriétaires ont tout fait pour éviter le pire – aux plans humain et matériel - et l’assureur en tire avantage pour refuser de mobiliser la garantie « effondrement » du contrat d’assurance.
La Cour de Cassation a retenu, par un arrêt rendu le 5 mai 2015, qu’il y a lieu d’assimiler le dommage effondrement à la menace grave et imminente d’effondrement.
Cass.civ. 3ème 5 mai 2015 pourvoi 14-12.235
La Cour de Cassation a ainsi condamné par ce biais la tentative de l’assureur « effondrement » d’échapper à la mobilisation de sa garantie alors que – par chance – le pire avait été évité par des mesures de confortement ayant permis de conjurer l’effondrement.
B. « L’immeuble est endommagé par défaut d’entretien ».
Bon nombre de polices d’assurance prévoient une clause d’exclusion de garantie lorsqu’un sinistre résulte d’un défaut d’entretien, libellé en général en ces termes :
« les dommages résultant d’un défaut d’entretien et de réparation vous incombant, caractérisé et connu de vous sauf en cas de force majeure ».
La Cour de Cassation invalide ce type de clause, sur le fondement des textes suivants :
- L’article 1170 du Code Civil dispose : « Toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite. »
- L’article L. 113-1 alinéa 1er du Code des Assurances dispose également : « Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police. »
Le Code des Assurances impose que les clauses d’exclusion soient formelles. La jurisprudence interprète ce texte en considérant que cette exigence recouvre deux impératifs distincts :
- d’une part, la clause doit être claire,
- d’autre part, elle doit être précise.
S’agissant de l’impératif de précision, la jurisprudence exige que le souscripteur puisse mesurer avec exactitude l’étendue de la garantie, c’est à dire qu’il sache exactement dans quels cas et à quelles conditions il ne serait pas garanti.
L’exclusion ne peut donc porter que sur un point spécifique et limité, elle doit en conséquence être circonscrite avec soin et se référer à des faits, circonstances ou obligations définies avec précision.
Cass. 1ère civ. 13 nov. 2022, pourvoi 99-15.808 RGDA 2002 p. 292 Note Kullmann J
« L’essentiel du Droit des Assurances » 6ème édition, A. PIMBERT
C’est en application de ces textes que la Cour de Cassation – relayée par les Juridictions du Fond - a invalidé la clause d’exclusion de garantie pour défaut d’entretien opposée par l’assureur multirisque habitation pour refuser de mobiliser la garantie « effondrement » :
« …la clause excluant la garantie de l'assureur de la copropriété en cas de défaut d'entretien ou de réparation caractérisé et connu de l'assuré ne se réfère pas à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées et qu'elle ne peut ainsi recevoir application en raison de son imprécision… »
Cass. 2e civ., 6 oct. 2011, n° 10-10.001, n° 1644 F - P + B : RGDA 2012, p. 327
Cass. 3e civ., 26 sept. 2012, n° 11-19117
Cass. civ. 2, 15-01-2015, n° 13-19.405, F-D
Cette jurisprudence est, depuis, relayée par les Juridictions du fond.
CA Paris, 4, 8, 14-09-2021, n° 19/15600
CA Paris, 4, 2, 13-10-2021, n° 18/17915
CA Paris, 4, 2, 09-02-2022, n° 17/13991, Confirmation
CA Rennes, 02-06-2022, n° 14/09461, Infirmation partielle
Pas de contribution, soyez le premier