Les locateurs d'ouvrage ne sont tenus à une responsabilité décennale que pour les désordres imputables aux travaux qu'ils ont réalisés
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 23-15.039
- ECLI:FR:CCASS:2024:C300694
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 19 décembre 2024
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 22 février 2023
Président
Mme Teiller (président)
Avocat(s)
SARL Gury & Maitre, SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SCP Gadiou et Chevallier
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 19 décembre 2024
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 694 F-D
Pourvoi n° X 23-15.039
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 DÉCEMBRE 2024
La société SMA, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6], a formé le pourvoi n° X 23-15.039 contre l'arrêt rendu le 22 février 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 5), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [W] [X], domiciliée [Adresse 7],
2°/ à Mme [P] [N],
3°/ à M. [L] [M],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
4°/ à la compagnie d'assurances Mutuelle des architectes français (MAF), dont le siège est [Adresse 5],
5°/ au syndicat des copropriétaires du Domaine de la ferme des haras de [Localité 8], [Adresse 3], représenté par syndic la société société Terra groupe, exerçant sous l'enseigne Terra immo, dont le siège est [Adresse 4],
6°/ à la société d'architecture [L] [M] et [P] [N], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1],
7°/ à M. [F] [K], domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Mme [N], M. [M], la Mutuelle des architectes français et la société d'architecture [L] [M] et [P] [N] ont formé un pourvoi provoqué contre le même arrêt.
Le syndicat des copropriétaires du Domaine de la ferme des haras de [Localité 8] a également formé un pourvoi provoqué contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
Mme [N], M. [M], la Mutuelle des architectes français et la société d'architecture [L] [M] et [P] [N] invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation.
Le syndicat des copropriétaires du Domaine de la ferme des haras de [Localité 8] invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Brillet, conseiller, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société SMA, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [N], de M. [M], de la compagnie d'assurances Mutuelle des architectes français et de la société d'architecture [L] [M] et [P] [N], de la SARL Gury & Maitre, avocat du syndicat des copropriétaires du Domaine de la ferme des haras de [Localité 8], et l'avis de Mme Delpey-Corbaux, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 novembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Brillet, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société SMA du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme [X].
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris , 22 février 2023), la société civile immobilière du Domaine de la ferme de [Localité 8] (la SCI), ayant pour associés M. [K] et Mme [X], assurée par la société Sagena, désormais société SMA, a entrepris la rénovation et la transformation d'un ancien haras en logements commercialisés dans le cadre de ventes en l'état futur d'achèvement.
3. Sont intervenues à l'opération :
- la société civile professionnelle d'architecture [L] [M] et [P] [N] (la société d'architectes), désormais en liquidation amiable, assurée par la Mutuelle des architectes français (la MAF), en charge d'une mission de maîtrise d'oeuvre,
- la société Carrelage de la Lys (la société CDL), assurée par la société SMA, en qualité d'entreprise principale.
4. Les livraisons sont intervenues entre mai 2004 et juin 2005.
5. La SCI a été dissoute à effet du 30 septembre 2006, M. [K] étant désigné en qualité de liquidateur amiable, puis radiée du registre du commerce et des sociétés (RCS) le 5 décembre suivant.
6. Invoquant des désordres affectant notamment la zinguerie et la couverture et le défaut de production d'un dossier de récolement, le syndicat des copropriétaires du Domaine de la ferme des haras de [Localité 8] (le syndicat des copropriétaires), après expertise, a, par actes des 4 et 10 janvier 2013, assigné M. [K], Mme [X], la société d'architectes, Mme [N], M. [M], la MAF, et la société SMA, en ses qualités d'assureur dommages-ouvrage, d'assureur de la SCI et de la société CDL, en indemnisation de son préjudice.
Recevabilité du pourvoi provoqué du syndicat des copropriétaires examinée d'office
7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 16 du code de procédure civile, il est fait application des articles 528, 550, 612 et 614 du code de procédure civile
8. Il est jugé, sur le fondement des trois derniers textes, qu'est irrecevable le pourvoi incident qui critique un chef de l'arrêt attaqué n'intéressant qu'un codéfendeur au pourvoi principal dès lors qu'il a été formé, après expiration du délai pour agir à titre principal, postérieurement au désistement partiel du demandeur au pourvoi principal, en ce qu'il était dirigé à l'encontre de ce codéfendeur (2e Civ., 16 février 2023, pourvoi n° 20-23.241).
9. Aux termes du premier de ces textes, le délai à l'expiration duquel un recours ne peut plus être exercé court à compter de la notification du jugement, à moins que ce délai n'ait commencé à courir, en vertu de la loi, dès la date du jugement. Le délai court même à l'encontre de celui qui notifie.
10. En l'espèce, le syndicat des copropriétaires, qui a signifié l'arrêt attaqué à la société SMA le 27 mars 2023, a formé, le 23 octobre 2023, un pourvoi provoqué reprochant à l'arrêt attaqué de le déclarer irrecevable en son action dirigée contre Mme [X].
11. Formé alors que, le 22 août 2023, la SMA s'était partiellement désistée, de son pourvoi principal, en ce qu'il était dirigé à l'encontre de Mme [X], après l'expiration du délai pour agir à titre principal, ce pourvoi provoqué est, par conséquent, irrecevable.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal de la société SMA, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
12. La société SMA fait grief à l'arrêt de dire que la responsabilité de la SCI était engagée au titre des dispositions de l'article 1792 du code civil pour les désordres affectant la toiture, de la condamner in solidum avec M. [K] en sa qualité d'associé liquidateur de la SCI, M. [M], Mme [N] et la MAF, à payer au syndicat des copropriétaires diverses sommes au titre du traitement des charpentes et de la révision de la couverture, des honoraires de maîtrise d'oeuvre, des frais d'assistance à la sécurisation lors de l'expertise et au titre du financement des travaux durant l'expertise autorisés par l'expert et financés par le syndicat des copropriétaires, et de dire qu'elle devait sa garantie à M. [K], pris en sa qualité d'associé liquidateur de la SCI, dans les limites de la police constructeur non réalisateur souscrite par celle-ci, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que, dans ses conclusions, après avoir relevé que « le piteux état général, [montrait] que sauf quelques interventions ponctuelles, la charpente et les chevrons [n'avaient] reçu aucun traitement et que la couverture [n'avait] pas été révisée », le syndicat des copropriétaires a énoncé que « l'expert [mettait] en exergue la responsabilité de la SCI au titre de sa responsabilité contractuelle de droit commun » ; qu'en retenant cependant que la responsabilité de la SCI était engagée à son égard sur le fondement de l'article 1792 du code civil pour les désordres affectant la toiture, et en condamnant la SMA, en sa qualité d'assureur CNR, à garantir la SCI de ce chef, quand le syndicat des copropriétaires formulait exclusivement ses demandes sur le fondement de la responsabilité contractuelle de la SCI assurée, en l'absence de réalisation des travaux convenus, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
13. Les conclusions du syndicat des copropriétaires évoquant les fondements de la responsabilité contractuelle de droit commun, de la responsabilité délictuelle et de la responsabilité décennale des constructeurs, c'est sans méconnaître l'objet du litige que la cour d'appel a retenu que la responsabilité de la SCI était engagée, s'agissant des désordres affectant la toiture, au titre des dispositions de l'article 1792 du code civil et que la société SMA lui devait sa garantie.
14. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais, sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, et sur le second moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal de la société SMA et sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi provoqué de Mme [N], M. [M], la MAF et la société d'architectes, rédigés en termes similaires, réunis
Enoncé des moyens
15. Par son premier moyen, pris en sa seconde branche, la société SMA fait grief à l'arrêt de dire que la responsabilité de la SCI était engagée au titre des dispositions de l'article 1792 du code civil pour les désordres affectant la toiture, de la condamner in solidum avec M. [K], en sa qualité d'associé liquidateur de la SCI, M. [M], Mme [N] et la MAF à payer au syndicat des copropriétaires diverses sommes avec actualisation au titre du traitement des charpentes et de la révision de la couverture, des honoraires de maîtrise d'oeuvre, des frais d'assistance à la sécurisation lors de l'expertise et au titre du financement des travaux durant l'expertise autorisés par l'expert et financés par le syndicat des copropriétaires et de dire qu'elle devait sa garantie à M. [K], pris en sa qualité d'associé liquidateur de la SCI, dans les limites de la police constructeur non réalisateur souscrite par la SCI, alors « que la garantie décennale d'un constructeur ne peut pas être mise en oeuvre pour des désordres qui ne sont pas imputables à son intervention ; que, pour dire que la responsabilité décennale de la SCI était engagée s'agissant des désordres affectant la toiture, et corrélativement retenir la garantie de la SMA, en sa qualité d'assureur CNR, la cour d'appel a affirmé que « des désordres généralisés [affectaient] la couverture, la charpente et la zinguerie qui [étaient] à l'origine de nombreuses infiltrations dont les sondages réalisés [avaient] permis d'établir l'ampleur dans le délai décennal rendant indiscutablement l'immeuble impropre à sa destination » ; qu'en statuant ainsi, quand elle constatait que les travaux de révision de la toiture, promis par la SCI venderesse aux acquéreurs, n'avaient pas été commandés à l'entreprise de travaux et n'avaient donc jamais été réalisés, ce dont il résultait que les désordres, qui affectaient exclusivement la toiture préexistante de l'ouvrage, ne pouvaient engager la responsabilité décennale de la SCI, en l'absence de tous travaux réalisés, ni mobiliser, consécutivement, la garantie de la SMA, en sa qualité d'assureur CNR de cette dernière, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et elle a violé l'article 1792 du code civil. »
16. Par son second moyen, pris en sa première branche, la société SMA fait grief à l'arrêt de la condamner in solidum avec M. [K], en sa qualité d'associé liquidateur de la SCI, M. [M], Mme [N] et la MAF, à payer au syndicat des copropriétaires diverses sommes avec actualisation au titre du traitement des charpentes et de la révision de la couverture, des honoraires de maîtrise d'oeuvre, des frais d'assistance à la sécurisation lors de l'expertise, du financement des travaux durant l'expertise autorisés par l'expert et financés par le syndicat des copropriétaires, alors « que la garantie décennale d'un constructeur ne peut pas être mise en oeuvre pour des désordres qui ne sont pas imputables à son intervention ; que, pour condamner la société SMA, en qualité d'assureur de responsabilité décennale de la société CDL à indemniser le syndicat des copropriétaires au titre des désordres affectant la toiture, la cour d'appel a affirmé que « des désordres généralisés [affectaient] la couverture, la charpente et la zinguerie qui [étaient] à l'origine de nombreuses infiltrations dont les sondages réalisés [avaient] permis d'établir l'ampleur dans le délai décennal rendant indiscutablement l'immeuble impropre à sa destination » et que « ces désordres affectant la toiture [relevaient], aux visas des textes précités, de la garantie obligatoire due par le constructeur [?] l'entreprise titulaire de tous les corps d'état la société CDL »; qu'en statuant ainsi, quand elle constatait que les travaux de révision de la toiture, promis par la SCI venderesse aux acquéreurs, n'avaient pas été commandés à l'entreprise de travaux et n'avaient donc jamais été réalisés, ce dont il résultait que les désordres, qui affectaient exclusivement la toiture préexistante de l'ouvrage, ne pouvaient engager la responsabilité décennale de la société CDL, ni mobiliser, consécutivement, la garantie de la société SMA, en sa qualité d'assureur de responsabilité décennale de cette société, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et elle a violé l'article 1792 du code civil. »
17. Par leur moyen, pris en sa première branche, Mme [N], M. [M] et la MAF font grief à l'arrêt de les condamner, in solidum avec M. [K], en sa qualité d'associé liquidateur de la SCI, et la société SMA, à payer au syndicat des copropriétaires diverses sommes au titre du traitement des charpentes et de la révision de la couverture, des honoraires de maîtrise, des frais d'assistance à la sécurisation lors de l'expertise, du financement des travaux durant l'expertise autorisés par l'expert et financés par le syndicat des copropriétaires, alors « que la garantie décennale d'un constructeur ne peut pas être mise en oeuvre pour des désordres qui ne sont pas imputables à son intervention ; que pour condamner Mme [N], M. [M] et la MAF à indemniser le syndicat des copropriétaires au titre des désordres affectant la toiture, la cour d'appel a affirmé que « des désordres généralisés [affectaient] la couverture, la charpente et la zinguerie qui [étaient] à l'origine de nombreuses infiltrations dont les sondages réalisés [avaient] permis d'établir l'ampleur dans le délai décennal rendant indiscutablement l'immeuble impropre à sa destination » et que « ces désordres affectant la toiture [relevaient], aux visas des textes précités, de la garantie obligatoire due par [?] l'architecte » ; qu'elle a également constaté que l'expert avait relevé l'absence complète d'intervention depuis très longtemps sur la toiture et que « le piteux état général montre que sauf quelques interventions ponctuelles, la charpente et les chevrons n'ont reçu aucun traitement et que la couverture n'a pas été révisée ce qui est confirmé selon lui par le faible montant des travaux prévus au devis de la société CDL » ; qu'enfin, la cour a reproché à l'architecte de ne pas avoir justifié avoir « alerté le maître d'ouvrage sur la distorsion relevée par l'expert entre le devis de révision de la toiture établi par la société CDL, très faiblement chiffré, et l'ampleur des travaux prévus dans la notice descriptive » et de n'avoir pas mis en garde le maître d'ouvrage « sur l'insuffisance des travaux prévus au devis au regard des engagements contractualisés par la notice descriptive dont l'architecte avait la direction de l'exécution » ; qu'il en résultait que les désordres, qui affectaient la toiture préexistante de l'ouvrage, ne pouvaient engager la responsabilité décennale de l'architecte chargé d'une mission de maîtrise d'oeuvre en vue de la rénovation et de la transformation de l'immeuble ; que dès lors, en condamnant les exposants à réparer les désordres affectant la toiture sur le fondement de la garantie décennale, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1792 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1646-1 et 1792 du code civil :
18. En application de ces textes, les locateurs d'ouvrage et le vendeur d'immeuble à construire ne sont tenus à une responsabilité de plein droit à raison des désordres à l'ouvrage de nature décennale que si ceux-ci sont imputables aux travaux qu'ils ont réalisés ou fait réaliser.
19. Pour retenir la responsabilité décennale de la SCI, de la société d'architectes et de la société CDL au titre des désordres affectant la toiture et condamner, en conséquence, in solidum, la société SMA, M. [M], Mme [N] et la société MAF à payer diverses sommes au syndicat des copropriétaires à titre d'indemnisation, l'arrêt relève que l'expert conclut que le piteux état général de la toiture montre que, sauf quelques interventions ponctuelles, la charpente et les chevrons n'ont reçu aucun traitement et que la couverture n'a pas été révisée, ce que confirme le faible montant des travaux prévu au devis de la société CDL, et retient qu'il résulte de l'ensemble de ces constatations que des désordres généralisés affectant ces parties de l'ouvrage, à l'origine de nombreuses infiltrations dans le délai décennal, rendent indiscutablement l'immeuble impropre à sa destination.
20. En se déterminant ainsi, après avoir relevé que la toiture n'avait pas été révisée, hors quelques interventions ponctuelles, sans rechercher si le désordre d'infiltrations généralisé avait été causé ou aggravé par celles-ci ou était imputable à l'ouvrage existant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Et sur le second moyen du pourvoi provoqué de Mme [N], M. [M], la MAF et la société d'architectes
Enoncé du moyen
21. Mme [N], M. [M] et la MAF font grief à l'arrêt de dire que leur responsabilité est engagée, in solidum avec M. [K], associé liquidateur de la SCI à raison de la non-communication des plans de récolement, et de les condamner, en conséquence, in solidum à régler au syndicat des copropriétaires une certaine somme, alors « que les exposants faisaient valoir, dans leurs conclusions d'appel, que le dossier de récolement devait être transmis au syndicat des copropriétaires une fois les travaux achevés et que la mission de la société d'architecture [M] et [N] ayant pris fin lors de la liquidation judiciaire de la SCI, elle n'avait pu fournir à l'expert judiciaire de documents sur la période postérieure à l'achèvement de sa mission, notamment les plans de récolement, de sorte que sa responsabilité ne pouvait être engagée ; qu'après avoir relevé que l'absence de communication des plans de récolement était de nature à engager la responsabilité de l'architecte, sauf à rapporter la preuve que le terme prématuré de sa mission par le maître de l'ouvrage l'a placé dans l'impossibilité d'exécuter son obligation, « ce point étant examiné plus bas », la cour d'appel a jugé que l'absence de communication des plans de récolement engageait la responsabilité de l'architecte ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si l'architecte n'était pas dans l'impossibilité d'exécuter son obligation de fournir en fin de travaux le dossier de récolement, sa mission ayant pris fin antérieurement à la fin des travaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
22. Aux termes de ce texte, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
23. Pour infirmer le jugement et dire que la responsabilité de M. [M], de Mme [N] et de la MAF est engagée à raison de la non-communication des
plans de récolement et les condamner, en conséquence, à régler au syndicat des copropriétaires une certaine somme, l'arrêt retient que le dossier de récolement n'a pas été fourni par l'architecte, alors que la notice descriptive des prestations prévues par la SCI prévoyait notamment les canalisations sous dallage, les branchements aux égouts et le raccordement sur le réseau à créer.
24. Il ajoute que, compte tenu de la mission dévolue à l'architecte, qui comporte le visa des plans d'exécution, celui-ci a contracté l'obligation de fournir en fin de travaux le dossier de récolement et que cette absence de communication est de nature à engager sa responsabilité, sauf à rapporter la preuve que le terme prématuré mis à sa mission par le maître de l'ouvrage l'a placé dans l'impossibilité d'exécuter son obligation, « ce point étant examiné plus bas ».
25. En se déterminant ainsi, sans procéder à l'examen annoncé ni répondre aux conclusions de M. [M], de Mme [N] et de la MAF qui, faisant valoir que la liquidation de la SCI avait mis fin au contrat de maîtrise d'oeuvre la liant à la société d'architectes, une nouvelle SCI Domaine de la ferme des haras de [Localité 8], qui avait pris en charge l'achèvement des travaux, ayant désigné un nouveau maître d'oeuvre, soutenaient qu'aucun manquement ne pouvait être relevé à leur encontre susceptible d'engager leur responsabilité au titre des plans de récolement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
26. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt disant que la responsabilité de la SCI était engagée au titre des dispositions de l'article 1792 du code civil pour les désordres affectant la toiture, et condamnant in solidum la société SMA, en sa qualité d'assureur de celle-ci et de la société CDL, M. [M], Mme [N] et la MAF à payer diverses sommes au syndicat des copropriétaires au titre du désordre d'infiltrations de la toiture entraîne la cassation du chef de dispositif condamnant M. [K], en sa qualité d'associé liquidateur de la SCI, à payer certaines sommes au syndicat des copropriétaires au titre de ce même désordre, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
27. La cassation du chef de l'arrêt condamnant M. [M], Mme [N] , sous la charge définitive de la société MAF, à régler au syndicat des copropriétaires une certaine somme au titre du défaut de production des plans de récolement des réseaux n'atteint pas le chef de l'arrêt condamnant M. [K], en sa qualité d'associé liquidateur de la SCI, au titre de ce même défaut, qui ne s'y rattache pas par un lien de dépendance nécessaire.
28. Elle n'atteint pas les chefs de l'arrêt concernant les frais irrépétibles et les dépens, qui ne s'y rattachent pas par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal et du pourvoi provoqué de Mme [N], M. [M], la MAF et de la société d'architectes, la Cour :
DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi provoqué du syndicat des copropriétaires du Domaine de la ferme des haras de [Localité 8] ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la responsabilité de la société civile immobilière du Domaine de la ferme de [Localité 8], représentée par son syndic en exercice, est engagée au titre des dispositions de l'article 1792 du code civil pour les désordres affectant la toiture, il condamne in solidum M. [K], pris en sa qualité d'associé liquidateur de la société civile immobilière du Domaine de la ferme de [Localité 8], la société SMA, M. [M], Mme [N] et la Mutuelle des architectes français à payer au syndicat des copropriétaires du Domaine de la ferme des haras de [Localité 8], diverses sommes, avec indexation, au titre du traitement des charpentes et de la révision de la couverture, des honoraires de maîtrise, des frais d'assistance à la sécurisation lors de l'expertise et du financement des travaux durant l'expertise, il dit que la société SMA doit sa garantie à M. [K], pris en sa qualité d'associé liquidateur de la société civile immobilière du Domaine de la ferme de [Localité 8], dans les limites de la police constructeur non réalisateur contrat n° 81996/B souscrite par cette société, il dit que la responsabilité de M. [M], Mme [N] et la Mutuelle des architectes français est engagée à raison de la non-communication des plans de récolement et les condamne de ce chef, in solidum avec M. [K], pris en sa qualité d'associé liquidateur de la société civile immobilière du Domaine de la ferme de [Localité 8], à payer une certaine somme au syndicat des copropriétaires du Domaine de la ferme des haras de [Localité 8] ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne Mme [X], M. [K] et le syndicat des copropriétaires du Domaine de la ferme des haras de [Localité 8], aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300694
Publié par ALBERT CASTON à 09:41
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Libellés : désordres , imputabilité , responsabilité décennale
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