La validité des clauses de révision ou d'indexation dans les baux est habituellement reconnue. Le juge en contrôle la validité et la conformité aux statuts d'ordre public et peut être amené à censurer le recours à un indice mal choisi, à une périodicité neutralisant le jeu normal de l'indexation ou à un mécanisme conduisant à ce que la clause ne joue qu'à la hausse (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 29 novembre 2018, n°17-23.058Cass. civ. 3, 14 juin 2016, n°14-24.681 ; Cass. civ. 2, 21 octobre 2004, n° 02-21.664).

Le législateur (Code monétaire et financier, articles L112-1 à L112-4) a en effet posé un cadre strict pour les rédacteurs dans le Code monétaire et financier :

  • Est réputée non écrite toute clause d'un contrat à exécution successive, et notamment des baux et locations de toute nature, prévoyant la prise en compte d'une période de variation de l'indice supérieure à la durée s'écoulant entre chaque révision.

  • Est interdite toute clause d'une convention portant sur un local d'habitation prévoyant une indexation fondée sur l'indice "loyers et charges" servant à la détermination des indices généraux des prix de détail. 

  • Est interdite toute clause prévoyant des indexations fondées sur le salaire minimum de croissance, sur le niveau général des prix ou des salaires ou sur les prix des biens, produits ou services n'ayant pas de relation directe avec l'objet de la convention ou avec l'activité de l'une des parties.

Pour contourner ce cadre, les parties aux contrats ont pu être tentées de recourir à des clauses prévoyant l'évolution du loyer de manière forfaitaire. Plutôt qu'en recourant à un indice, un coefficient est défini contractuellement, par exemple de 3% annuels.

La Cour de cassation a validé la licéité de ces clauses en 2022 :

"Enoncé du moyen

6. La société Les Salons de l'Atlas fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande visant à voir déclarer non écrit l'article 12 du bail, de rejeter ses demandes de restitution subséquentes, de la condamner au titre des loyers impayés, de prononcer la déchéance de son droit à indemnité d'éviction et de la condamner, à compter de la perte du droit au maintien dans les lieux, à payer à la commune une indemnité d'occupation, alors « que les loyers des baux d'immeubles ou de locaux relevant du statut des baux commerciaux ne peuvent être révisés que sous les réserves prévues par les articles L. 145-38 et L. 145-39 du code de commerce ; qu'il en résulte que la révision du loyer ne peut résulter que d'une demande de révision triennale, de l'application d'une clause d'indexation licite ou d'une demande de révision si la clause d'indexation a entraîné une variation de plus du quart ; qu'en l'espèce, la clause de variation forfaitaire du loyer contenue à l'article 12 du contrat de bail commercial du 1er juin 2009 stipulait que « Les parties conviennent expressément que le loyer sera révisé à la hausse, forfaitairement de 4,5 %, le premier janvier de chaque année » ; qu'en refusant de déclarer cette clause non écrite, bien qu'elle ne relevait d'aucun des cas de révision autorisée du loyer, la cour d'appel a violé les articles L. 145-15, L. 145-37, L. 145-38 et L. 145-39 du code de commerce. »

Motivation Réponse de la Cour

7. L'arrêt énonce que les parties ont librement décidé de pratiquer une augmentation forfaitaire annuelle du loyer, sans référence à un indice économique.

8. Il retient que l'article 12 du bail institue une clause d'augmentation forfaitaire du loyer annuel dû, indépendamment des prescriptions liées à la révision ou l'indexation.

9. Par ces seuls motifs, la cour d'appel a légalement justifié sa décision." (Cour de cassation, 22 juin 2022, n° 21-16.042).

Malgré la position de la Cour de cassation, une cour d'appel a récemment jugé la clause d'évolution forfaitaire comme non-écrite, car constituant à la fois une clause de révision uniquement à la hausse et sans référence à un indice pertinent :

"c'est par des motifs dont la pertinence en cause d'appel n'a pas été altérée et que la cour adopte que le premier juge a ainsi statué, après avoir à juste titre relevé que le commandement de payer délivré à la preneuse était fondé sur le paiement de sommes dues en application de l'article 7 du contrat, intitulé «'clause de révision'» instaurant une augmentation chaque année de 2 % du loyer à sa date anniversaire, cette clause ne pouvant s'analyser en un mécanisme instaurant un loyer à paliers, intervenant automatiquement et indépendamment de l'application des règles de révision du loyer ou de l'indexation, mais en une clause de révision s'effectuant uniquement à la hausse par l'application d'une majoration de 2 % forfaitaire détachée de toute référence indiciaire, prohibée par les dispositions des articles L. 112-1- et suivants du code monétaire et financier et justifiant qu'elle soit réputée non écrite" (Cour d'appel de Paris, 25 avril 2024, n°21/14916).

Ce courant jurisprudentiel invite d'autant plus à la prudence qu'il est appuyée sur l'article L112-1 du Code monétaire et financier, lequel est applicable à toute indexation. Il était ici question d'un bail commercial, mais le raisonnement pourrait être transposé aux baux professionnels, civils, emphytéotiques et même aux conventions d'occupation du domaine public.

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Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes

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