Le vendeur n'est pas fondé, en raison de l'effet rétroactif de l'annulation de la vente, à obtenir une indemnité correspondant à la seule occupation de l'immeuble

Cour de cassation - Chambre civile 3

  • N° de pourvoi : 23-16.602
  • ECLI:FR:CCASS:2024:C300460
  • Non publié au bulletin
  • Solution : Cassation partielle

Audience publique du jeudi 05 septembre 2024

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, du 16 mars 2023

Président

Mme Teiller (président)

Avocat(s)

SCP Boullez, SCP Le Bret-Desaché

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CC



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 septembre 2024




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 460 F-D

Pourvoi n° W 23-16.602




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 SEPTEMBRE 2024

1°/ M. [Z] [E],

2°/ Mme [T] [J], épouse [E],

tous deux domiciliés, [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° W 23-16.602 contre l'arrêt rendu le 16 mars 2023 par la cour d'appel de Colmar (2e chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [V] [R], domicilié [Adresse 3],

2°/ à M. [O] [C], domicilié [Adresse 2],

tous deux pris en leur qualité d'héritiers de [F] [I] épouse [C], elle-même héritière de sa mère, [L] [W] veuve [I],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pety, conseiller, les observations de la SCP Boullez, avocat de M. et Mme [E], de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de MM. [R] et de M. [C], après débats en l'audience publique du 18 juin 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pety, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller faisant fonction de doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 16 mars 2023), par acte authentique du 11 août 2006, [L] [W] a vendu à M. et Mme [E] (les acquéreurs) un immeuble au prix de 184 500 euros en se réservant un droit d'usage et d'habitation pour sa vie durant.

2. Par jugement du 17 mars 2011, [L] [W] a été placée sous tutelle.

3. Le 19 mai 2011, représentée par son tuteur, elle a assigné les acquéreurs
en annulation de la vente.

4. [L] [W] est décédée le 15 février 2015, laissant, pour lui succéder, sa fille, [F] [I], elle-même décédée le 8 juillet 2019, laissant, pour lui succéder, M. [R], son fils, ainsi que M. [C], son époux, (les vendeurs) lesquels ont déclaré reprendre l'instance en leur qualité d'héritiers.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Les acquéreurs font grief à l'arrêt de les condamner solidairement à payer aux vendeurs la somme de 92 150 euros à titre d'indemnité d'occupation, alors « que la nullité emporte l'effacement rétroactif du contrat et a pour effet de remettre les parties dans la situation initiale ; qu'il s'ensuit que la remise des parties dans leur état antérieur à la conclusion de la vente exclut que le vendeur puisse obtenir une indemnité correspondant à la seule occupation de l'immeuble par l'acquéreur pendant la période séparant la conclusion de la vente de son annulation ; qu'en considérant que M. et Mme [E] étaient redevables d'une indemnité de 92 150 euros pour avoir occupé indûment l'immeuble qu'ils avaient acquis de Mme [W] à compter de son décès intervenu le 15 février 2015, après avoir annulé la vente de l'immeuble, la cour d'appel a violé l'article 1304 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. Les vendeurs contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que celui-ci est incompatible avec la position adoptée par les acquéreurs, qui se bornaient, dans leurs écritures d'appel, à contester toute prise de possession de l'immeuble, faute de remise des clefs.

7. Cependant, le moyen, qui est de pur droit, n'est pas contraire à la position soutenue par les acquéreurs dans leurs écritures d'appel.

8. Il est, par conséquent, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 1234 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

9. Il résulte de ce texte que le vendeur n'est pas fondé, en raison de l'effet rétroactif de l'annulation de la vente, à obtenir une indemnité correspondant à la seule occupation de l'immeuble (Ch. mixte, 9 juillet 2004, pourvoi n° 02-16.302, publié).

10. Pour accueillir la demande d'indemnité d'occupation présentée par les vendeurs, l'arrêt, après avoir fait droit à la demande d'annulation de la vente et précisé que les parties devaient être remises dans l'état antérieur où elles se trouvaient avant l'acte anéanti, retient que, depuis le décès d'[L] [W] survenu le 15 février 2015, les acquéreurs occupent indûment l'immeuble en cause, de sorte qu'il y a lieu de les condamner solidairement à payer à ses héritiers une indemnité d'occupation de 950 euros par mois à compter du décès, soit la somme de 92 150 euros arrêtée au 16 mars 2023.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

12. La cassation de la disposition de l'arrêt ayant condamné les acquéreurs au paiement d'une indemnité d'occupation n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt les condamnant aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à leur encontre et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne solidairement M. et Mme [E] à payer à MM. [R] et [C], ayants droit d'[L] [W], la somme de 92 150 euros à titre d'indemnité d'occupation pour la période du 15 février 2015 au 16 mars 2023, l'arrêt rendu le 16 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Colmar, autrement composée ;

Condamne MM. [R] et [C] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq septembre deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300460 

Publié par ALBERT CASTON à 10:57  

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