Comme souvent : oui… mais.
Beaucoup affirment que l’expertise judiciaire serait automatiquement accordée, qu’elle serait « de droit » au visa de l’article 145 du code de procédure civile.
Rien que l’an passé, j’ai pourtant constaté deux rejets de demandes d’expertise judiciaire.
Dans la première, le demandeur voulait une expertise… alors que toute action au fond aurait été manifestement irrecevable car prescrite.
Le cas était classique : un acquéreur qui reprochait un dol/vice caché… mais, c’est moins classique, plus de huit ans après la vente et la découverte du sujet en débat.
C’est la Cour de Cassation (Com., 18 janv. 2023, n°22-19.539) qui le dit :
« c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation que la cour d’appel […] a jugé que l’action que cette société pourrait engager […] au titre d’un prétendu dol, apparaissait manifestement vouée à l’échec, caractérisant, par ces seuls motifs, l’absence de motif légitime justifiant la mesure d’instruction demandée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile »
Le Président du Tribunal Judiciaire de BESANÇON a logiquement suivi :
« Le plus long délai pour agir (…) expirait le 20 août 2015. (…) La prétention dont pourrait être saisi le juge du fond est donc manifestement irrecevable »
Mais il ne s’agit que d’une raison parmi d’autres pour s’opposer à une demande d’expertise.
Dans la seconde, je soutenais qu’il n’existait aucun « litige » au sens de l’article 145 du code de procédure civile.
Avant de saisir un juge, encore faut-il avoir un litige. On n’assigne pas en référé-expertise juste parce qu’on subit un dégât des eaux : encore faut-il tenter de le résoudre amiablement (ce n’est que si les assurances et/ou les parties nient leurs garanties et/ou responsabilités qu’il existe un différend et que le recours à Justice s’impose) !
Certaines juridictions, dont Nanterre, font une interprétation littérale de l’article 145 du code de procédure civile qui, pour rappel, dispose qu’il faut que l’issue « d’un litige » en dépende. Pas de litige, pas d’expertise.
À mon avis, il est sain que les demandes d’expertise judiciaire ne soient pas automatiquement accordées.
Une expertise judiciaire, c’est complexe, long et coûteux : ça ne s’impose qu’en dernier recours (principe de proportionnalité procédurale).
Des démarches amiables et une expertise amiable, toujours. Au mieux (et souvent), ça résout le différend ; au pire, ça permet de prouver qu’il existe !

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