Les collectivités territoriales et leurs satellites (établissements publics, groupements, SEM ou SPL concessionnaires, OPHLM, etc.) sont tenues de consulter la Direction de l'Immobilier de l'Etat (DIE, anciennement France Domaine) dans de nombreuses hypothèses :

  • Vente d'immeubles ;
  • Acquisitions amiable d'immeubles ;
  • Acquisitions amiables de droits au bail ou fonds de commerce ;
  • Acquisitions par voie d'expropriation ou préemption en ZAD ;
  • Prises à bail, quelque soit le statut. 

La collectivité prend la décision de céder ou d'acquérir au vu de cet avis. Dans une récente affaire, la Cour administrative d'appel de Versailles a retenu la responsabilité des services de la direction de l'immobiler de l'Etat. 

Dans cette affaire, la collectivité territoriale avait décidé d'exercer le droit de prémption sur un avis des domaines qui était insuffisant. L'évaluation avait été faite sur la base de comparaison non-pertinentes et alors que la méthode de la valorisation par capitalisation du revenu n'avait pas été utilisée pour croiser l'évaluation réalisée par comparaison.

"S'agissant de la responsabilité de l'Etat en raison de la faute commise par les services de France Domaine dans l'estimation des biens : 36. Il résulte de l'instruction que l'avis de France Domaine daté du 28 mars 2014 évaluant à 5,3 millions d'euros les biens de la société Klécar et sur la base duquel le maire de Chartres a décidé d'exercer le droit de préemption urbain, était fondé uniquement sur une évaluation par comparaison qui, selon les conclusions du commissaire du gouvernement, confirmées par plusieurs avis d'experts produits au dossier par la société appelante, n'était pas pertinente s'agissant de biens intégrés dans un centre commercial, dont le marché est très segmenté, lesquels sont en principe évalués par application de la méthode de la valorisation par capitalisation du revenu. Ces mêmes biens ont d'ailleurs été évalués en 2018 par les services fiscaux à un montant de 15,3 millions d'euros, soit près de trois fois le prix évalué par France Domaine en 2012 et 2014, différence qui ne saurait s'expliquer par la seule date d'évaluation. Au surplus, les biens ayant servi de termes de comparaison n'étaient généralement pas appropriés, ne se situant pas pour la plupart dans des galeries commerciales. Par suite, en s'abstenant d'évaluer les biens de la société Klécar selon la méthode de la valorisation par capitalisation du revenu ou, du moins, en s'abstenant de croiser l'évaluation réalisée selon la méthode par comparaison avec celle de la valorisation par capitalisation du revenu, les services de France Domaine ont commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat." (CAA de Versailles, 31 janvier 2024, n°22VE00765)

De ce fait, la responsabilité de l'Etat est engagée, au même titre que celle de la Commune et de sa SPL d'aménagement, pour le préjudice causé à la société qui avait vu son patrimoine préempté à une valeur très inférieure à celle qui aurait dû être retenue"S'agissant du partage de responsabilité : 37. D'une part, contrairement à ce que soutient la société Klécar, il ne résulte pas de l'instruction que le dommage dont se prévaut la société trouve sa cause dans plusieurs fautes qui, commises par des personnes différentes ayant agi de façon indépendante, portaient chacune en elle normalement ce dommage. La faute des services des domaines n'aurait pu en effet, sans l'intervention de la commune et de la SPL, engendrer quelque préjudice que ce soit. Il résulte toutefois de l'instruction, notamment des déclarations du maire lors de son audition dans le cadre de l'instruction pénale, que la décision de préemption n'aurait jamais eu lieu, du moins dans ces conditions, si la commune de Chartres n'avait pas bénéficié d'un avis de France Domaine fixant le prix des locaux commerciaux litigieux à 1/5ème de la valeur convenue dans le cadre de la promesse de vente conclue avec la société Covicar 23. Dans ces conditions et sans qu'y fasse obstacle la circonstance que cet avis ne liait pas le titulaire du droit de préemption, l'Etat d'une part et la SPL Chartes Aménagement et la commune de Chartres d'autre part doivent être regardés comme responsables à hauteur de 50 % chacun du préjudice subi par la société Klécar." (CAA de Versailles, 31 janvier 2024, n°22VE00765)

La galerie commerciale en cause avait été préemptée pour un montant de 5,3 millions d'euros alors que son propriétaire avait consenti une promesse de vente à un acquéreur pour un prix de 26,9 millions d'euros. La faute de la commune et de sa SPL résulte ici d'un détournement de pouvoir, puisque celles-ci avaient décidé de préempter pour éviter que cette cession à 26,9 millions d'euros soit utilisée par la DIE dans des avis ultérieurs, permettant de tirer vers le bas de le prix de toutes les acquisitions projetées dans le secteur. 

Les collectivités doivent donc redoubler d'attention dans la consultation de la DIE et prendre la précaution de solliciter un voire plusieurs tiers expert s'agissant de bien difficiles à valoriser par manque de comparaison ou de marchés confidentiels. De leurs côtés, les propriétaires privés ont également tout intérêt à faire expertiser leur bien de manière indépendante. 

Le cabinet est à votre écoute :

  • Pour vous aider à prévenir, mesurer, réduire et éviter les risques induits dans le cadre de vos opérations immobilières ;
  • Plus globalement, sécuriser juridiquement vos projets immobilier et/ou de construction en identifiant, évaluant et prévenant les risques juridiques et fiscaux ;
  • Le cas échéant, défendre de vos intérêts devant les juridictions.

Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes

goulven.leny@avocat.fr - 06 59 96 93 12 - glenyavocat.bzh