En tant que praticiens du droit et de la famille, nous sommes fréquemment interpelés par les parents séparés au sujet de la santé de leur enfant et de son suivi médical.
Combien de fois m'a-t-on questionné à propos du suivi médical d'un enfant issus de parents séparés.
"Mon mari ne m'a pas dit qu'il avait emmené mon fils chez le médecin "
"Notre enfant est suivi par un psychologue à l'initiative de sa mère mais je ne connais pas son nom !"
"Nous avons des frais d'orthodontiste mais je n'ai pas donné mon accord."
"Je ne suis pas d'accord pour qu'il soit opéré ! "
"J'ai pris contact avec le médecin qui me confirme que mon fils ne va pas bien mais il ne fera pas d'attestation pour l'audience ! "
Vraies questions ou expression d'un conflit parental, le sujet est sensible et souvent mal appréhendé en raison d'une mauvaise information ou d'une incompréhension des textes, voire parfois de la mauvaise foi de certains. Tout dépend aussi de la perspective, que l'on soit du côté des médecins ou des parents.
Les réponses divergent suivant les circonstances et la nature des soins. Le bon sens devrait guider les acteurs mais il est parfois perturbé par le contexte et l'enjeu.
Face à ces difficultés, revenons-en à un raisonnement simple en appliquant des principes validés par le législateur et la jurisprudence.
PRINCIPE N°1 : TOUTES LES DECISIONS RELATIVES A LA SANTE SONT PRESUMEES ETRE PRISES EN COMMUN
L'obligation des parents séparés envers leurs enfants est la même que pour un couple marié ou en union libre. Ils doivent exercer une autorité parentale qui en principe est partagée, avec notamment l'obligation de prendre soin de la santé de l'enfant et le protéger.
L'autorité parentale exercée conjointement signifie aussi chacun est sensé faire confiance en l'autre pour prendre les décisions adéquates et est apte à déléguer.
Habituellement, les médecins de l'enfant, notamment ceux du quotidien (pédiatre, généraliste, ophtalmo, dentiste…), sont choisis par le parent qui les amène en consultation et cela vaut aussi pour les spécialistes moins courants. Toutefois, le parent doit informer l'autre du nom et des coordonnées des médecins qui suivent l'enfant et celui-ci peut s'opposer à ce choix et exiger un changement de médecin.
En toute hypothèse, chacun devra informer l'autre parent, si possible préalablement et au moins à postériori. Cette règle s'entend au regard de la continuité des soins mais aussi pour le bon exercice de l'autorité parentale conjointe.
Le principe à retenir est simple ; toutes les décisions relatives à la santé de l'enfant doivent être prises en commun par les père et mère, notamment celles relatives aux traitements médicaux.
PRINCIPE N°2 : POUR LES ACTES USUELS, L'ACCORD DE L'AUTRE PARENT EST PRESUME, A CHARGE DE DEMONTRER LE CONTRAIRE
Néanmoins, l’article 372-2 du Code civil établit, dans le cadre de l’exercice en commun de l’autorité parentale, une présomption d’accord entre les parents pour les actes usuels relatifs à la personne de l’enfant.
Afin de faciliter la vie courante des parents, il est prévu qu’à l’égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l’accord de l’autre, quand il fait seul un acte usuel de l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant (article 372-2 du code civil).
En cas de conflit, il faudra démontrer le contraire, à savoir l'absence de consentement, ce qui souvent sera vain, l'acte étant déjà réalisé.
En définitive, l'accord des deux parents est bien nécessaire mais simplement, en présence de l'un des deux parent, le praticien peut présumer qu'il représente les deux et qu'en conséquence, il équivaut à recueillir leur accord conjoint.
Pour le médecin, cette règle a le mérite de la simplicité et de l'efficacité : Pour un acte usuel, il n'a qu'à recueillir l'accord que de l'un des deux parents pour présumer l'accord conjoint.
Le médecin peut donc se contenter de l'accord exprès de l'un des deux pour les actes usuels
Mais attention, la notion d'acte usuel implique la bonne foi. Si l'autre parent a clairement indiqué son opposition (y compris de principe) ou s'il a informé le praticien qu'il s'opposait, alors il n'y a plus de possibilité pour le parent d'agir seul et si le praticien a été informé, il doit refuser d'agir.
Ainsi si les deux parents se manifestent avec un avis contraire, le praticien n'a pas le droit de favoriser l'un des parents au détriment de l'autre. Dans ce cas, il faudra l'intervention d'un juge.
Ainsi cette apparence d'accord conjoint à l'égard des tiers ne disculpe pas le parent de tout mettre en œuvre pour informer et obtenir l'accord de l'autre parent.
Les parents étant titulaires de l'autorité parentale, à ce titre le secret médical ne peut pas leur être opposé. La seule exception résulte de l'enfant lui-même, en fonction de son degré de maturité, s'y est formellement opposé.
La notion « d’acte usuel » est une notion cadre. En l’absence de liste exhaustive, on s’accorde à considérer que « l’acte usuel » est un acte de la vie quotidienne, un acte sans gravité.
Les actes usuels concernent tout ce qui est bénin, quotidien, habituel. La définition médicale est particulièrement délicate compte tenu des conséquences et de la gravité du sujet. On peut a priori considérer que sont des actes usuels ceux qui n'attentent pas à son intégrité (consultation médicale, examen ordinaire) ou ceux qui sont obligatoires (vaccinations légales). Il n'existe toutefois pas de liste donc pas de garantie.
Qu’entrent dans la catégorie des actes « usuels », les soins obligatoires (certaines vaccinations), les soins courants (blessures superficielles, infections bénignes, soins dentaires de routine …), les soins habituels chez l’enfant (traitement des maladies infantiles ordinaires) ou chez tel enfant en particulier (poursuite d’un traitement ou soin d’une maladie récurrente, car « usuel » n’est pas synonyme de bénin) ;
PRINCIPE N°3 : IL FAUT L'ACCORD EXPLICITE DES DEUX PARENTS POUR LES ACTES NON USUELS
En revanche, il faut l'accord explicite pour les actes non usuels. Il en résulte, a contrario, que l’accord des deux parents est nécessaire pour que soit réalisé un acte non usuel.
Que ne peuvent être considérés comme des actes « usuels » : la décision de soumettre l’enfant à un traitement nécessitant une hospitalisation prolongée, le recours à un traitement lourd (y compris dans un domaine psychothérapeutique) ou comportant des effets secondaires importants, les interventions sous anesthésie générale, la résolution d’arrêter les soins ou de les réduire à un traitement de confort. Le médecin doit donc s’enquérir de l’accord ou tout au moins de la non-opposition de l’autre parent avant d’intervenir.
En cas de désaccord,
En cas de contestation par un parent, ce dernier doit saisir le tribunal et c'est un Juge aux Affaires Familiales qui au final, au cas par cas, déterminera s'il s'agit d'un acte usuel ou non. Des décisions contradictoires ont ainsi été rendues sur les circoncisions, certains juges considérant qu'il s'agit d'un acte usuel alors que d'autres non.
En cas de désaccord sur un médecin ou une décision médicale, la loi a prévu des solutions en fonction du degré d'urgence et de la personne qui veut agir. Si les parents sont en désaccord, que ce soit sur des actes simples ou plus graves, c'est le juge qui tranche.
Quand il s'agit d'obstructions systématiques ou de refus de répondre et que cela empêche le suivi médical de l'enfant au mépris de son intérêt, le juge peut alors autoriser le parent à prendre seul les décisions concernant la santé de l'enfant.
Le problème est plus épineux lorsqu'il s'agit d'un désaccord sur les choix médicaux et des batailles d'expert peuvent alors s'engager, sur la durée.
En cas d'urgence,
Il existe d'abord des règles médicales. Le médecin doit prendre les mesures nécessaires à sauver la vie et l'intégrité du patient donc il a le pouvoir, s'il ne peut joindre les parents.
Si l'un des parents est joignable, il peut, seul, prendre les mesures d'urgence (mais seulement celles-ci) qui s'imposent à condition d'être de bonne foi, c'est-à-dire de ne pas prendre de décision dont il sait absolument qu'elles sont contraires à la volonté de l'autre parent.
En cas d'urgence, Le médecin est dispensé par le code de la santé publique d'obtenir le consentement des parents lorsque leur opposition risque d'entraîner des conséquences graves pour la santé de leur enfant.
Si une intervention chirurgicale urgente est indispensable et que le refus des parents est infondé, le médecin peut pratiquer l'intervention directement ou aviser le Procureur de la République de la difficulté.
En conclusions,
Il est préférable d'informer systématiquement l'autre parent pour tout soin médical et en cas de tensions, d'en conserver une trace écrite. Cette règle a le mérite de contraindre les deux parents à dialoguer dans l'intérêt de l'enfant.
L'avocat pourra être présent à tous les stades du différend, soit à titre préventif dans le cadre d'une convention parentale ou une convention de divorce régulant les principes, soit afin de résoudre une crise par la négociation ou au besoin en saisissant le Juge aux Affaires Familiales.
Pascal LIMOUZIN,
Responsable du pôle Droit des personnes, des familles et de leur patrimoine
AVOCATLANTIC
Je ne trouve nulle part de réponse au sujet précis de détection d'autisme ou tdah chez l'enfant.
Auriez-vous la gentillesse de me renseigner ?
En effet, mon fils de 8 ans voit une accentuation de quelques troubles poser problème à l'école ainsi qu'influer sur son bien-être. Je souhaite entamer des démarches de diagnostique, mais son père semble faire la sourde oreille.
Peut-il s'opposer à la mise en place d'un diagnostique pour son enfant ?
Je vous remercie sincèrement pour votre retour,
Marion