1. Quitter la France avec des titres : attention à l’Exit Tax

Si vous transférez votre domicile fiscal hors de France, vous pouvez, dans certains cas, être imposé à ce qu’on appelle l’Exit Tax.

Concrètement, l’Exit Tax vise :

  • les plus-values latentes sur vos titres (actions, parts sociales, etc.) au jour de votre départ,

  • les créances de complément de prix,

  • certaines plus-values en report d’imposition.

Vous êtes susceptible d’être concerné notamment si :

  • vous avez été résident fiscal français au moins 6 années sur les 10 dernières, et

  • vous détenez des titres d’une valeur globale au moins égale à 800 000 € ou représentant au moins 50 % des droits dans une société.

L’objectif de ce dispositif : éviter qu’un contribuable ne quitte la France avec un portefeuille de titres fortement latent en plus-value, pour les céder ensuite à l’étranger sans imposition en France.


2. Le sursis de paiement : ne pas payer tout de suite… mais sous conditions

Heureusement, partir à l’étranger ne signifie pas forcément payer immédiatement l’Exit Tax.

La loi prévoit un sursis de paiement :

  • automatique, lorsque vous partez dans certains États (notamment Union européenne / EEE avec conventions adaptées) ;

  • sur demande avec constitution de garanties, lorsque vous partez vers d’autres États.

Les États suivants, fréquemment choisis dans les projets d’expatriation, peuvent être concernés par un sursis sur demande avec garanties, lorsque les conventions d’assistance au recouvrement sont absentes ou insuffisantes :

Suisse, Andorre, Canada, Chine, Brésil, Chili, Israël, Singapour, Qatar, Émirats arabes unis, Hong Kong.

Dans ce second cas, l’administration accepte de ne pas encaisser tout de suite l’impôt, à condition que vous lui donniez une garantie jugée suffisante.

C’est là que les problèmes commencent souvent pour les contribuables :
faut-il forcément donner une garantie bancaire ? Comment éviter que cette garantie soit utilisée plus tard pour d’autres impôts que l’Exit Tax (IR, IFI, droits de mutation…) ?


3. Les garanties classiques : consignation, nantissement, hypothèque, caution bancaire…

3.1. Pour des montants limités : la consignation d’espèces

Lorsque le montant à garantir reste raisonnable, une solution assez simple consiste à :

  • déposer des sommes d’argent auprès du Trésor public (consignation),

  • sur un compte indiqué par le Service des Impôts des Non-Résidents,

  • avec une déclaration d’affectation signée, qui précise que ces fonds sont affectés à la garantie de l’Exit Tax.

C’est efficace, mais cela suppose d’avoir la trésorerie disponible et de l’immobiliser au profit de l’administration.

3.2. Pour des montants plus importants : les sûretés “lourdes”

Quand les montants deviennent significatifs, l’administration demande généralement :

  • un nantissement de titres,

  • une hypothèque sur un bien immobilier,

  • une caution bancaire,

  • ou une garantie à première demande.

Ces solutions présentent plusieurs inconvénients :

  • Coût financier : frais bancaires, parfois frais de notaire, conditions imposées par la banque, etc.

  • Rigidité : la banque peut conditionner sa garantie à d’autres engagements.

  • Risque de dérive : si la rédaction est trop large, la garantie peut être mise en jeu pour d’autres dettes fiscales que l’Exit Tax.

D’où l’intérêt de réfléchir à une solution alternative, plus ciblée : la fiducie-sûreté.


4. La fiducie-sûreté : une alternative à la garantie bancaire

4.1. Qu’est-ce qu’une fiducie-sûreté ?

La fiducie est un mécanisme prévu par le Code civil :
vous transférez certains biens (par exemple des titres) à un fiduciaire (avocat ou établissement habilité), qui les détient dans un patrimoine séparé, dans un but bien précis.

Lorsqu’elle est utilisée comme garantie, on parle de fiducie-sûreté.

Dans le contexte de l’Exit Tax, cela signifie :

  • vous transférez à un avocat fiduciaire des titres (actions, parts de société…) ;

  • ces titres sont placés dans un patrimoine fiduciaire séparé,

  • et ils ont pour seul objet de garantir le paiement éventuel de l’Exit Tax.

4.2. Comment cela fonctionne en pratique ?

  1. Signature d’un contrat de fiducie-sûreté
    Le contrat précise :

    • qui est le constituant (vous),

    • qui est le fiduciaire (l’avocat),

    • quels titres sont transférés,

    • pour quelle finalité : garantir exclusivement l’Exit Tax.

  2. Information de l’administration fiscale
    Cette fiducie est présentée à l’administration comme garantie dans le cadre de la demande de sursis de paiement (formulaire Exit Tax).
    L’administration est ainsi rassurée : des actifs sont affectés à la garantie de l’impôt.

  3. Mobilisation de la garantie uniquement si nécessaire

    • Si une des situations d’exigibilité de l’Exit Tax se réalise (cession des titres, retour en France, non-respect des conditions, etc.), la fiducie peut être utilisée pour payer l’impôt.

    • En cas de contestation sur le principe ou le montant de l’Exit Tax, l’avocat fiduciaire peut séquestrer les fonds en attendant l’issue de la procédure, au lieu de tout verser immédiatement à l’administration.

  4. Fin de la fiducie et restitution
    Si, à l’issue des délais légaux, l’Exit Tax n’est finalement pas exigible, la fiducie prend fin et les titres (ou les fonds) sont restitués.


5. Les avantages de la fiducie-sûreté par avocat fiduciaire

5.1. Éviter la garantie bancaire

Avec la fiducie-sûreté :

  • vous n’êtes pas obligé de solliciter votre banque pour une caution ou une garantie à première demande,

  • vous n’êtes pas tributaire des conditions parfois lourdes imposées par les établissements bancaires,

  • vous ne mobilisez pas nécessairement du cash : ce sont vos titres qui servent de garantie.

5.2. Maîtriser la mise en jeu de la garantie

La fiducie-sûreté permet de cadrer juridiquement la garantie :

  • l’objet de la fiducie est limité à l’Exit Tax ;

  • l’administration ne peut pas utiliser cette garantie pour d’autres impôts (IR courant, IFI, droits d’enregistrement, etc.) ;

  • en cas de litige, l’avocat fiduciaire peut geler les fonds et ne les verser qu’après décision définitive.

Vous évitez ainsi le risque de voir une garantie générale “tirée” trop largement, puis de devoir engager une procédure pour récupérer des sommes versées à tort.

5.3. Un interlocuteur unique en France pendant que vous êtes à l’étranger

L’avocat fiduciaire peut aussi être désigné comme représentant fiscal :

  • il reçoit les courriers de l’administration,

  • il répond aux demandes d’information,

  • il assure le suivi des formulaires spécifiques (2074-ETD, 2074-ETS…),

  • il coordonne avec vos conseils et fiscalistes la stratégie fiscale globale autour de votre départ.

Pour un contribuable installé à l’étranger, c’est un vrai confort :
vous avez en France un interlocuteur unique, soumis au secret professionnel, qui gère la relation avec l’administration fiscale et veille à la bonne utilisation de la garantie.


6. En résumé

La fiducie-sûreté est une solution particulièrement adaptée pour les contribuables soumis à l’Exit Tax qui:

  • ne souhaitent pas demander de garantie financière à une banque,

  • veulent éviter une mise en jeu trop large ou prématurée de la garantie,

  • recherchent un accompagnement global dans leur mobilité internationale.

Bien utilisée, la fiducie-sûreté permet de :

  • sécuriser le sursis de paiement de l’Exit Tax,

  • préserver votre trésorerie,

  • limiter strictement l’objet de la garantie,

  • et garder la main sur le calendrier et les conditions de paiement.


Important : les éléments ci-dessus sont une présentation générale du dispositif. Ils ne remplacent pas un avis juridique personnalisé.
Avant tout projet de transfert de domicile fiscal à l’étranger, il est essentiel de faire analyser votre situation (structure de détention, conventions fiscales applicables, valorisation des titres, etc.) avec un avocat fiscaliste.