Lorsque j’étais étudiante en Master 1, j’ai assisté pour la première fois à une audience devant une Cour d’Assises. Avant d’entrer dans la salle, j’ai pris connaissance du rôle d’audience affiché juste à l’entrée.
Depuis ce moment, j’ai pris l’habitude, lorsque je suis au Tribunal, de regarder le rôle d’audience affiché devant les salles de la Cour d’Assises/Cour criminelle pour connaitre les procès en cours ou à venir, voir le nom des avocats qui interviennent et les faits qui seront jugés.
Il y a peu, alors que je consultais le rôle d’audience, je me suis aperçue qu’une partie civile (une victime d’infraction) pour une affaire de viols n’avait pas d’avocat(e).
J’ai trouvé cette absence d’avocat(e) problématique.
- Qu’est-ce qu’une Cour d’Assises/ Cour criminelle ?
La Cour d’Assises juge les personnes accusées de crimes punis de plus de 20 ans de réclusion criminelle (prison) : il s’agit des crimes tels que le meurtre, l’assassinat, le vol à main armée.
Elle est composée de trois magistrats professionnels et de jurés, c’est-à-dire de citoyens tirés au sort.
La Cour criminelle départementale (CDD) est la juridiction compétente pour juger des crimes punis d’une peine de 15 à 20 ans de réclusion criminelle. Il s’agit notamment des viols, violences ayant entrainé la mort sans intention de la donner.
La Cour criminelle est composée de cinq magistrats professionnels. Il n’y a pas de jurés.
La Cour d’Assises ou Cour Criminelle est saisie à la suite d’une décision de mise en accusation : soit par une ordonnance de mise en accusation rendue par le juge d’instruction, soit par un arrêt de mise en accusation rendu par la Chambre de l’instruction.
- L’avocat est-il obligatoire pour les parties civiles ?
L’accusé doit obligatoirement être assisté d’un(e) avocat(e) pour un procès devant une Cour d’Assises ou une Cour criminelle départementale.
En revanche, pour la partie civile, l’assistance d’un(e) avocat(e) n’est pas obligatoire. Cependant, elle est fortement recommandée.
Les victimes peuvent être effrayées à l’idée de faire appel à un(e) avocat(e), parce qu’elles redoutent bien souvent le coût des honoraires.
Dans l’affaire en question, il s’agissait de faits de viols. Pour les victimes d’un crime considéré comme étant l’un des plus graves, l’aide juridictionnelle est de droit. Le viol est considéré comme un crime particulièrement grave.
Ainsi, la partie civile pour cette affaire aurait pu bénéficier de l’aide juridictionnelle et être assistée pour le procès.
- Quand contacter un(e) avocat(e) ?
Un(e) avocat(e) peut être désigné(e) à tout moment. L’idéal est lorsque l’intervention débute lors de l‘instruction judiciaire, car le dossier est travaillé avec la partie civile au plus tôt et l’avocat(e) a alors une connaissance approfondie du dossier.
Cependant, il est possible qu’un(e) avocat(e) intervienne juste avant le procès devant la Cour d’Assises/Cour Criminelle, sans pour autant avoir assisté la partie civile dans le dossier d’instruction.
A cet égard, j’ai récemment assisté une victime de viol devant la Cour Criminelle alors même que je ne l’avais pas assistée lors de l’instruction. En effet, son avocat a eu un empêchement et ne pouvait plus suivre le dossier.
J’ai été saisie du dossier quelques semaines avant le procès. Je me suis organisée pour prendre connaissance du dossier et le travailler avec la partie civile afin que nous soyons prêtes pour l’audience. J’ai donc pu assister cette victime qui avait grand besoin d’être soutenue.
Ainsi, une partie civile qui se retrouve seule peut, à tout moment, se tourner vers un(e) avocat(e) qui pourra lui indiquer s’il ou elle est en mesure de prendre son dossier compte tenu du délai imparti et de sa charge de travail et au besoin la réorienter vers un(e) autre avocat(e).
- Sur l’audience devant la Cour d’Assises/Cour criminelle
Un procès devant une Cour d’Assises/Cour criminelle peut être particulièrement éprouvant pour la partie civile.
En effet, les débats sont oraux. Ainsi, toute l’affaire sera évoquée à l’oral, l’accusé sera interrogé et la partie civile pourra également être entendue. Il est important que la victime soit préparée tant pour le procès que pour son audition devant la Cour.
Par ailleurs, la partie civile sera soutenue par son avocat(e) qui sera à ses côtés et qui pourra répondre à ses interrogations et lui expliquer, au fur et à mesure, les étapes du procès.
Enfin, lorsque la partie civile n’est pas présente au procès, elle peut être représentée par un(e) avocat(e).
C’était le cas lors de ma dernière audience devant une Cour d’Assises. Ma cliente, victime d’un vol à main armée et séquestration, résidait à l’étranger (plus précisément à l’autre bout du monde). Elle n’a pas pu être présente au procès.
J’ai assisté à l’audience sur plusieurs jours, j’ai communiqué une lettre rédigée par ma cliente qui a été lue devant la Cour d’Assises et j’ai plaidé dans l’intérêt de ma cliente absente.
Sans avocate, elle n’aurait pas été correctement informée de ses droits, de son rôle dans ce procès et des demandes qu’elle pouvait formuler.
Ainsi, il est indispensable que la partie civile soit assistée ou représentée par un(e) avocat(e) lors d’une audience devant la Cour d’assises/Cour criminelle.
- Sur la demande indemnitaire de la partie civile
A l’issue de l’audience, la Cour délibère. Si l’accusé est reconnu coupable, une peine est prononcée. Une audience sur intérêts civils peut se tenir juste après, afin que la partie civile formule des demandes, notamment de dommages et intérêts.
Là encore, l’assistance d’un(e) avocat(e) est nécessaire pour formuler les demandes adaptées au préjudice de la victime.
Pour des faits de viols, par exemple, les parties civiles (et encore un certain nombre d’avocats) demandent une somme forfaitaire, souvent entre 10.000 et 30.000 euros, en indemnisation du préjudice moral.
Le fonds de garantie des victimes a publié un dossier de presse en avril 2018 relatif à l'indemnisation des victimes de violences sexuelles.
En 2017, le montant de l’indemnisation d’une victime de viol aggravé était en moyenne de 30.000 euros et 20.000 euros pour une victime de viol. Il s’agit de sommes peu élevées au regard de l’importance du préjudice des victimes de telles infractions. Il est plus opportun de solliciter la mise en place d’une expertise pour évaluer le préjudice et l’indemniser correctement.
Maître Caroline BOECKMANN assiste les parties civiles devant la Cour d’Assises/ Cour Criminelle, lors de l’audience pénale, de l’audience sur intérêts civils et des suites : l’assistance à expertise, la saisine de la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions (CIVI) jusqu’au règlement de l’indemnisation.
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