De nombreux professionnels exerçant sous le statut de mandataire indépendant (agents commerciaux, conseillers en immobilier, intermédiaires en assurance ou en financement) se voient imposer une clause de non-concurrence dans leur contrat.

Bien que courante, cette clause n’est pas automatiquement valide : elle doit respecter des critères juridiques stricts, définis par la jurisprudence, pour être considérée comme opposable.

Qu’est-ce qu’une clause de non-concurrence ?

La clause de non-concurrence est une disposition contractuelle par laquelle un salarié ou un mandataire s’engage à ne pas exercer d’activité concurrente pendant une certaine période, sur un secteur d’activité, un territoire et une clientèle déterminés, et ce pendant ou après la fin du contrat.

Son objectif est de protéger les intérêts économiques du mandant ou de l’employeur afin de protéger le savoir-faire transmis, sans toutefois porter une atteinte excessive à la liberté de travail ou à la liberté d’entreprendre.

Les conditions de validité ?

Bien qu’aucun texte de loi ne définisse précisément la clause de non-concurrence, la jurisprudence, notamment un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 10 juillet 2002, a dégagé quatre critères cumulatifs pour qu’une clause soit valable:

1. Être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise Elle ne peut être prévue que s’il existe de réels enjeux économiques (ex. : confidentialité, protection d’un savoir-faire, contact direct avec la clientèle…).

2. Être limitée dans le temps La durée de la clause doit être proportionnée à l’activité exercée. En pratique, une durée supérieure à deux ans est souvent jugée excessive, sauf justification particulière.

3. Être limitée dans l’espace Une zone géographique claire et raisonnable doit être prévue. Elle doit correspondre à la zone où le salarié ou le mandataire exerçait effectivement son activité.

4. Tenir compte des spécificités de l’emploi La clause ne doit pas empêcher la personne de retrouver un emploi ou d’exercer une activité compatible avec sa formation, son expérience et sa qualification.

5. Comporter une contrepartie financière (uniquement pour les salariés) Dans le cadre d’un contrat de travail, la clause de non-concurrence n’est valable que si elle est accompagnée d’une indemnisation proportionnelle. Une contrepartie trop faible ou symbolique peut entraîner la nullité de la clause.

Quand la clause devient-elle abusive ?

Une clause de non-concurrence peut être jugée nulle ou inapplicable si elle :

• Cible une clientèle trop vague ou non juridiquement définie (ex. : “militaires”, “fonctionnaires”) ; • S’applique à un territoire trop étendu, sans que le mandataire y ait effectivement exercé ;

• Interdit plusieurs secteurs d’activité distincts (immobilier, assurance, finance…) sans lien direct ni justification claire ;

• Entrave la liberté professionnelle, en empêchant le mandataire/salarié d’exercer des activités compatibles avec son parcours ;

• Conduit à une forme de dépendance économique, en interdisant au mandataire d’exercer correctement ses autres missions.

Et la contrepartie financière ?

Dans le contrat de travail, la contrepartie financière est une condition de validité absolue. Sans elle, la clause est automatiquement nulle.

Dans le contrat de mandat, la loi n’impose pas de contrepartie financière.

Toutefois, en cas de clause très restrictive, l’absence d’indemnisation peut être perçue comme déséquilibrée et conduire à l’annulation de la clause, notamment au titre de l’article 1171 du Code civil.

Quels sont vos recours ?

Si vous êtes soumis à une clause de non-concurrence que vous jugez abusive,

- vous pouvez contester sa validité devant le tribunal judiciaire ou le tribunal de commerce

- Vous pouvez faire constater son inopposabilité, notamment au moment de la rupture du contrat

- Vous pouvez réclamer des dommages et intérêts, si vous avez subi un préjudice (ex. : impossibilité de signer un contrat, perte de revenus…) ;

- Vous pouvez demander l’annulation du contrat, si la clause révèle un déséquilibre contractuel significatif.

La clause de non-concurrence doit être justifiée, proportionnée, et rédigée avec précision.

Elle ne peut pas avoir pour effet de vous empêcher de vivre de votre travail ni de verrouiller votre avenir professionnel.

Avant de signer un contrat de mandat/travail, ou en cas de doute sur la légalité d’une clause, une analyse juridique est indispensable.

Cela peut permettre de préserver vos droits, ou d’engager une action en justice pour obtenir réparation.

Maître Emilie BENDER, avocat au barreau de Nice, accompagne les professionnels dans l’analyse de leurs contrats, la contestation des clauses abusives et la défense de leurs droits économiques pour préserver la liberté d’entreprendre.